La Suisse adopte son deuxième paquet conjoncturel
Les deux chambres du Parlement ont donné leur feu vert à un ensemble de mesures destinées à soutenir l'économie, et notamment le rail, à hauteur de 700 millions de francs. Le gouvernement prévoit de refaire le point en juin prochain.
A situation extraordinaire, session extraordinaire. Mercredi, le Conseil des Etats (Chambre haute) a répété l’exercice mené lundi par le Conseil national (Chambre basse) pour finalement suivre ce dernier.
Les deux Chambres ont en effet approuvé le deuxième paquet de mesures conjoncturelles proposé par le gouvernement dans le cadre de la crise économique. Avec plus de conviction aux Etats, où il a fait l’unanimité, qu’au National (156 voix contre 36), qui lui avait consacré un débat de près de 9 heures.
Après un premier plan de 900 millions de francs adopté par le Parlement en décembre, ce sont cette fois 700 millions qui ont été discutés. La part la plus importante de cette somme sera consacrée à l’amélioration des infrastructures, principalement routières et ferroviaires (390 mios).
D’autres secteurs, comme la politique régionale, l’environnement et l’énergie et la recherche appliquée seront également arrosés par ces mesures. Mises en œuvre via l’administration fédérale, celles-ci devront être «ciblées» et «déployer des effets à court terme.»
Au total et compte tenu des dépenses induites au niveau local, ce deuxième programme porte donc à plus de 1,5% du produit intérieur brut (PIB) l’effort que la Suisse consacre à la lutte contre la récession économique, a indiqué la ministre de l’Economie Doris Leuthard.
Frein à l’endettement
«Ce paquet conjoncturel nous paraît un peu maigrichon», a malgré tout dénoncé lundi le député socialiste Jean-Claude Rennwald, à l’unisson de son groupe et des Verts. «De nombreux Etats consacrent entre 1 et 6% de leur PIB à la relance, la Chine allant même jusqu’à 18%», a-t-il exemplifié.
Exigeant un «véritable plan à hauteur de ce que le Conseil fédéral a fait pour UBS», la sénatrice socialiste Liliane Maury-Pasquier a elle repris les critiques du président du parti Christian Levrat, qui avait parlé lundi d’un «placebo sans logique apparente.»
La sénatrice a par ailleurs critiqué l’«attentisme parasitaire de la Suisse par rapport aux autres pays», dont les programmes de relance profiteront aussi à l’industrie d’exportation helvétique.
A droite en revanche, plusieurs sénateurs ont salué la dimension modeste du plan de relance gouvernemental. Ils se sont félicités du fait qu’il respecte le mécanisme du frein à l’endettement, ce dispositif introduit dans les années 1990 pour prévenir les déséquilibres des finances fédérales et empêcher une croissance de la dette.
«Contrairement à ce que font d’autres pays, il n’est pas question de relancer la conjoncture en s’endettant», a par exemple relevé le sénateur démocrate-chrétien (PDC, centre droit) Urs Schwaller. Une stratégie approuvée au cours du débat par plusieurs orateurs radicaux (PLR, droite) et démocrates du centre (UDC, droite nationaliste).
Plus pour le solaire
Acquise au projet tel qu’élaboré par le gouvernement, la Chambre haute s’est au final, et comme souvent, montrée nettement moins critique que la Chambre basse. Emises respectivement par l’UDC et les Verts, les idées d’enterrer le paquet au profit de baisses d’impôts ou de créer un «éco-fonds» d’un milliard soutenant des initiatives de l’économie plus écologiques et plus innovantes n’ont pas été reprises.
Seule consolation pour les défenseurs de l’environnement, la proposition de porter de 10 à 20 millions les crédits pour les installations photovoltaïques a été maintenue. Quant aux volets législatifs du plan de relance, ils ont également été approuvés.
Jusqu’en 2011, l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation (ASRE) sera ainsi adaptée pour éviter que les entreprises exportatrices ne se trouvent en manque de liquidités. La loi encourageant la construction et l’accession à la propriété sera en outre modifiée jusqu’à fin 2012 pour permettre d’augmenter les rénovations. Enfin la durée des indemnités versées aux entreprises en cas de chômage partiel sera prolongée de 12 à 18 mois jusqu’à fin mars 2011.
Un troisième plan?
D’ici là, un éventuel troisième train de mesures conjoncturelles pourrait être mis sur les rails. Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait le point à ce sujet en juin. A l’inquiétude des sénateurs, le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz a toutefois opposé son scepticisme.
A ses yeux en effet, une augmentation de l’endettement ne constitue pas une solution. Le ministre a d’ailleurs rappelé que la loi exigeait une «récession grave» pour mettre en œuvre des dépenses supplémentaires. Il a néanmoins indiqué que son département et celui de l’Economie observaient attentivement l’évolution de la situation économique du pays.
A ce propos, les dernières prévisions en date, d’ailleurs évoquées par certains sénateurs, sont plutôt négatives. Mercredi, l’institut KOF de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich a publié l’avis trimestriel de 24 économistes, lesquels tablent désormais sur un recul de 1,4% du PIB suisse pour 2009, alors qu’ils prévoyaient encore une croissance nulle en décembre.
Mardi, l’institut conjoncturel bâlois BAK Basel Economics a lui aussi revu à la baisse ses prévisions de croissance. Il prévoit désormais une contraction du PIB de 2,1% cette année, avant une fragile reprise de 0,6% en 2010.
swissinfo, Carole Wälti
En vue d’atténuer les effets de la crise économique, la Suisse prévoit un plan de relance en plusieurs phases.
Première phase. En janvier 2009, 900 millions de francs ont été débloqués. 550 millions proviennent de la libération des réserves de crise, 205 de la levée du blocage des crédits au sein de l’administration.
Deuxième phase. Le second paquet conjoncturel se monte à 700 millions. La plus grande partie sera affectée aux infrastructures ferroviaires et routières (390 mios). La politique régionale (100 mios), l’environnement et l’énergie (90 mios) et la recherche (50 mios) seront également arrosés.
Mesures supplémentaires. Selon l’évolution de la situation, le gouvernement compte prolonger de 12 à 18 moins le versement d’indemnités aux entreprises recourant au chômage partiel, augmenter les contributions à l’assurance contre les risques à l’exportation et modifier la loi qui favorise l’accès à la propriété. Ces mesures n’ont pas encore été chiffrées.
Face à la crise, divers cantons ont également mis en discussion des plans de relance. En voici un survol non exhaustif.
C’est le Tessin qui a jusqu’ici annoncé le paquet de mesures le plus conséquent. Devisé à 158 millions de francs, ce paquet fera s’enfoncer le canton dans les chiffres rouges.
Dans le canton de Vaud, un plan de relance devrait être présenté d’ici la fin du printemps. Le gouvernement a déjà débloqué des millions pour rénover des bâtiments de l’Etat et diminuer les nuisances sonores le long des routes.
Le canton de Neuchâtel, qui exporte 90% de sa production industrielle, a quant à lui été le premier à annoncer un programme de relance. 35 millions de francs seront injectés pour soutenir l’emploi et les entreprises.
Les Grisons ont annoncé un plan de relance devisé à 3 millions de francs. Quant au canton de Fribourg, la création d’un fonds de relance pourrait mobiliser 110 millions de francs.
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