La Suisse n’investira pas davantage dans sa biodiversité
Les Suisses ne veulent pas accorder plus d’espace et de moyens à la nature. Le peuple tout comme la quasi-totalité des cantons ont balayé ce dimanche l’initiative sur la biodiversité.
La recette proposée par l’initiative «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage» pour lutter contre le déclin de la biodiversité n’a pas convaincu le peuple suisse. 63% des citoyennes et des citoyens suisses et presque tous les cantons (à l’exception de Bâle-Ville et Genève) ont refusé le texte, soumis ce dimanche en votation fédérale, selon la première projection de gfs.bern.
Lancée par des associations de protection de la nature et de l’environnement, l’initiative voulait obliger les pouvoirs publics à affecter plus de surfaces et allouer plus de moyens financiers à la sauvegarde et au renforcement de la biodiversité. Elle prévoyait aussi d’ancrer une meilleure protection du paysage et du patrimoine bâti dans la Constitution.
Une campagne tendue
La campagne a ravivé le clivage entre villes et campagnes, déjà creusé lors des votes sur les deux initiatives anti-pesticides en 2021 et celle contre l’élevage intensif en 2022. L’initiative a provoqué la colère d’une partie des paysannes et des paysans, qui estiment agir suffisamment pour préserver la nature.
Ces tensions étaient également palpables à l’heure des réactions à l’échec de l’initiative. Dans le camp des perdants, la députée verte Aline Trede, interrogée par la radiotélévision suisse alémanique SRF, a pointé du doigt l’organisation faîtière de l’agriculture helvétique. Elle considère que l’Union suisse des paysans (USP) a semé la peur en faisant de fausses déclarations. «C’est un fait scientifique incontesté que la biodiversité se porte mal en Suisse», a-t-elle rappelé. La cheffe du groupe parlementaire des Vert-e-s a toutefois reconnu que son camp n’a pas réussi à expliquer l’importance de la biodiversité comme base de la vie.
Au sein des milieux agricoles, le soulagement était de mise. La présidente de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales Anne Challandes s’est dit reconnaissante que la population ait reconnu que l’initiative aurait pu entraîner des conséquences négatives sur la production indigène, aussi bien alimentaire que d’électricité. La campagne a, selon elle, mis en lumière une méconnaissance des réalités de l’agriculture, qui implique des gérer des défis constants entre les prescriptions, la météo, la nature, la biodiversité, les enjeux, les maladies ou encore le changement climatique.
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Un texte qui n’a convaincu que la gauche
L’initiative n’a pas réussi à convaincre au-delà des rangs des partis de gauche et du Parti Vert’libéral (PVL/Centre). Interviewée par la RTS, la députée socialiste Jessica Jaccoud a cependant estimé qu’il ne s’agissait pas d’un vote contre la biodiversité. Elle a rappelé que ce texte s’inscrit dans un cycle de plusieurs initiatives qui ont touché le monde agricole et ont provoqué une certaine crispation. «Nous devons maintenant travailler sur des propositions qui réconcilient agriculture et écologie», a-t-elle déclaré.
Les principaux partis de droite et le Centre, ainsi que les milieux économiques, ont fait alliance avec les milieux agricoles pour combattre l’initiative. Ces acteurs ont réussi à convaincre le peuple en dépeignant le texte comme «trop extrême et inefficace» et en affirmant que la législation actuelle suffit à promouvoir la biodiversité.
La sénatrice du Parti libéral-radical (PLR / droite) Johanna Gapany a estimé, au micro de la RTS, que le refus de l’initiative était le résultat de la mobilisation des agricultrices et agriculteurs, qui ont montré ce qu’ils faisaient déjà pour préserver la diversité de la nature. À ses yeux, le texte aurait eu pour conséquence d’augmenter les importations de produits alimentaires de la Suisse, ce qu’elle a qualifié de «non-sens du point de vue environnemental».
La voix des scientifiques pas entendue
Les milieux scientifiques avaient également fait entendre leur voix pour défendre le projet des organisations environnementales. Des biologistes ont notamment mis en évidence la mauvaise santé de la biodiversité au sein de la Confédération.
La moitié des types de milieux naturels et un tiers des espèces sont menacés, comme le reconnaît l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) lui-même. Une tendance encore plus marquée que dans la plupart des pays d’Europe, toujours selon l’OFEV. Ces chiffres cités à maintes reprises n’ont toutefois pas réussi à convaincre les votantes et les votants de la nécessité d’agir davantage.
«En Suisse, on investit beaucoup dans la recherche, mais quand la recherche montre que certaines décisions politiques vont dans la mauvaise direction, les oreilles se font rares», a déploré le professeur de biologie de la conservation Raphaël Arlettaz, interrogé par la RTS. Ce dernier a également regretté une «prise en otage» de la thématique par les milieux agricoles, qui n’étaient pas mentionnés dans l’initiative. Il a rappelé que des déficits de biodiversité touchaient également les milieux urbains, les cours d’eau ou encore les zones humides.
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