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La Suisse prête à débloquer vite les avoirs libyens

Les actifs libyens, et la compagnie pétrolière Tamoil par exemple, seront débloqués une fois donné le feu de l’ONU. Keystone

Les autorités suisses ont gelé en février 650 millions de francs d’actifs appartenant à la Libye. A l’Etat libyen plutôt qu’à Mouammar Kadhafi ou son clan, ce qui facilitera leur restitution. Un geste que la Suisse est prête à faire «rapidement» si les sanctions onusiennes sont levées.

Les nouvelles autorités libyennes veulent développer leur coopération avec la Suisse. Elles souhaitent que les procédures soient accélérées pour récupérer les avoirs libyens bloqués, a affirmé mercredi un diplomate de la mission de Libye à Genève.

«Nous remercions la Suisse pour son soutien au cours de ces six derniers mois», a déclaré le représentant adjoint de Libye à Genève, Adel Shaltut, interrogé par l’ats.

Le représentant libyen demande que Berne accélère les procédures pour débloquer les avoirs de Kadhafi gelés afin de faciliter le processus de reconstruction du pays.

A Berne, le mot d’ordre est sans appel. La Suisse est prête à restituer les avoirs appartenant à la Libye une fois les restrictions légales internationales levées.

«Une fois que les sanctions contre la Libye seront levées, ces fonds peuvent être libérés», affirme Roland Vock, chef du secteur Sanctions au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Et pour lui, le Conseil de sécurité des Nations unies pourrait adapter «relativement vite» ses sanctions financières.

La France et ses partenaires travaillent à une résolution qui permettrait la levée des sanctions et du gel des avoirs libyens, a d’ailleurs indiqué mercredi une source diplomatique française. Cette résolution doit évoluer ces prochains jours lors de discussions au Qatar, en Turquie et à New York.

Porte-parole du SECO, Marie Avet précise que la Suisse est liée par les mesures onusiennes. «Lorsqu’elles seront levées, l’argent pourra être assez vite libéré. Nous ne sommes pas dans la situation des fonds [de l’ancien leader congolais] Mobutu, où ses petits-enfants réclamaient cet argent. Ce n’est pas le cas ici.»

Marie Avet confirme aussi que les fonds étatiques retourneront aux détenteurs des comptes bancaires suisses, et parmi eux la banque centrale libyenne et la Libyan national oil corporation.

La Suisse prête à jouer le jeu

Le ministère suisse des affaires étrangères (DFAE) insiste aussi sur sa volonté de voir cette saga des fonds libyen progresser. «A la lumière des derniers développements, nous espérons que le processus de restitution pourra être accéléré», indique le département. Le DFAE attribue une «grande importance» à la manière dont le Conseil de sécurité réagit aux derniers développements et à sa décision ou non de débloquer certains actifs.

Ces avoirs sont néanmoins nettement inférieurs aux milliards qui auraient été placés en Suisse par Kadhafi puis retirés par le leader libyen en 2008 au cours de la crise diplomatique entre les deux pays.

Des sommes bien plus importantes se trouvent dans d’autres pays. Environ 45 milliards de francs ont été gelés au total dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis et un peu moins de 8 milliards en Allemagne.

Pour rappel, le Conseil de sécurité a annoncé l’application de sanctions en février dernier alors que l’insurrection en Libye prenait de l’ampleur. La Suisse a alors gelé les actifs «potentiellement illégaux» appartenant à Kadhafi et son cercle proche. En réaction, la Libye a nié que Kadhafi ait déposé ses fonds en Suisse ou dans tout autre pays.

Une fois confirmée la chute du régime Kadhafi, les rebelles hériteront de droit du fonds souverain libyen, principale source de revenu libyenne. Mis en place en 2006 pour gérer les revenus pétroliers du pays et détenant des participations dans plusieurs entreprises de première catégorie en Europe, ce fonds est souvent envisagé comme un élément clé de la reconstruction de la Libye après le conflit actuel.

En termes financiers, ce fonds est estimé à 70 milliards de dollars. La part de cash et dépôts atteindrait 32,4% du total, les participations 11,2% et les obligations 5%.

La Libye en meilleure position

«Avec la chute du régime Kadhafi, le fond souverain revient automatiquement au nouvel Etat, qu’importe les personnes en charge», explique Mark Pieth, expert des questions liées à la restitution des avoirs et président du conseil de fondation du Basel institute of governance.

Dans ce dossier des fonds Kadhafi potentiellement placés en Suisse, la Libye est en bien meilleure position que ses voisins égyptiens et tunisiens pour les réclamer. Raison essentielle à cela: la Libye est assimilable à un «Etat défaillant». Cette situation permet d’appliquer la nouvelle loi suisse sur la restitution des avoirs des dictateurs – conçue pour ce genre de situation où les pays se trouvent en transition radicale du pouvoir.

En meilleur état, la Tunisie doit pour sa part prouver que les avoirs obtenus par son ancien homme fort Zine el-Abidine Ben Ali l’ont été illégalement. Ce qui n’est pas forcément aisé et même «paradoxal», admet Mark Pieth.

Dans le cas libyen, Kadhafi aurait droit selon la loi à un court délai, quelque chose comme trois mois, pour prouver que les avoirs en question sont légalement sa  propriété. Sans quoi ils seraient confisqués. «Je pense qu’il s’agit là d’un test intéressant pour la nouvelle loi», juge Mark Pieth.

Selon diverses estimations, la Libyan investment authority (LIA) aurait investi plus de 70 milliards de dollars dans le monde.

Il s’agit d’un des fonds souverains les plus opaques de la planète, qui plus est fortement lié au gouvernement. Dans un de ses rares rapports annuels, en 2009, il déclarait avoir plus de 78% en «instruments financiers à court terme à l’étranger».

Les autorités ont travaillé à améliorer sa crédibilité sur la scène internationale en acquérant les titres d’entreprises de premier ordre en Europe comme la banque italienne Unicredit et l’éditeur britannique Pearson, propriétaire du Financial Times.

Dans un câble diplomatique obtenu par WikiLeaks, Mohamed Layas, patron de la Libyan investment authority, indiquait que plusieurs banques américaines géraient chacune jusqu’à 500 millions de dollars du fonds.

Au début du soulèvement libyen, la Suisse a bloqué les avoirs «potentiellement illégaux» appartenant à Kadhafi et son cercle proche. Le Libye a répondu en niant la présence de fonds du leader libyen en Suisse ou dans d’autres pays.

Durant la querelle diplomatique qui a éclatée entre les deux pays en 2008, des milliards de francs de dépôts libyens ont été retirés de Suisse. En juin dernier, le gouvernement suisse a indiqué avoir gelé un total de 650 millions d’actifs libyens. Une bonne partie de ces fonds appartiennent à des entreprises publiques libyennes plutôt qu’à des individus.

La Libye n’est pas le seul pays dont les avoirs ont été gelés par la Suisse cette année. A la fin mai, ceux du président syrien Bashar el-Assad et de neuf personnalités officielles du régime ont été bloqués et ces personnes interdites de voyage.

La Suisse a aussi gelé 60 millions d’avoirs de l’ancien président tunisien Zine el-Abdine Ben Ali et de son clan et identifié environ 400 millions de francs appartenant à l’ex-président égyptien Hosni Moubarak et son proche entourage.

(Traduction de l’anglais: Pierre-François Besson)

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