La Suisse rejette les exigences des Quinze
La Suisse réagit avec surprise aux nouvelles pressions des ministres européens des Finances pour la conclusion de l'accord sur la fiscalité.
Berne persiste donc dans sa décision de signer en bloc les neuf accords des bilatérales II.
La Suisse est «surprise» des conclusions du conseil Ecofin. Telle est la réaction mardi du président de la Confédération Joseph Deiss. Lequel ne voit «aucune raison de changer de stratégie de négociation» et répète que la Suisse ne concluera les négociations qu’à la condition que tous les dossiers puissent être achevés en commun.
Réunis mardi à Bruxelles, les ministres européens des Finances de l’Ecofin ont en effet durci leur position à l’égard de la Suisse. «Le message fort et unanime de tous les Etats membres est qu’il faut terminer les négociations avec les pays tiers», a déclaré le ministre irlandais des Finances. «Il n’y a aucun lien à faire avec d’autres sujets», a ajouté Charlie McCreevy.
«C’est une position claire, commune» insistait de son côté le ministre allemand, Hans Eichel. Sinon, les négociations «deviennent extrêmement compliquées» expliquait quant à lui l’Autrichien Karl-Heinz Grasser.
Le ministre français a tenu des propos identiques. «Oui, nous avons beaucoup parlé de la Suisse, confiait Francis Mer, il n’est pas question de relier des sujets qui n’ont aucun rapport. Il est nécessaire de mettre les Suisses au pied du mur dans les prochaines semaines», a conclu le ministre français.
La Suisse au pilori
Ainsi, le feuilleton de la directive sur la fiscalité de l’épargne rebondit. Et la Suisse se retrouve une nouvelle fois mise au pilori.
En visite le 2 février à Bruxelles, la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey avait répété à ses interlocuteurs européens que les bilatérales bis ne pourront «se clore qu’une fois tous les dossiers réglés».
Adopté en juin dernier par les Quinze, l’accord sur la fiscalité de l’épargne, qui permet à la Suisse de préserver son secret bancaire, doit encore être formellement signé.
Mais Berne attend de l’Union européenne qu’elle fasse un geste pour boucler le dossier Schengen/Dublin qui permettra à la Suisse de s’associer à la coopération européenne en matière de sécurité et d’asile.
La Confédération exige cependant des garanties concernant l’entraide judiciaire en cas d’évasion fiscale afin de préserver son secret bancaire.
L’UE refuse donc clairement d’établir des liens entre les dossiers. Ce qui ne signifie pas, soulignait le ministre allemand, que l’UE refuse de négocier les autres sujets.
En fait elle veut surtout accélérer les choses et éviter l’enlisement. C’est l’analyse de René Schwok, professeur à l’Institut d’études européennes de Genève: «La position de la Suisse s’affaiblit de plus en plus en raison des pressions exercées d’une part par l’UE, et de l’autre par l’aile conservatrice du gouvernement ainsi que des milieux bancaires.»
«Je doute que Berne garde encore longtemps sa modération actuelle», déclare encore René Schwok à swissinfo.
Exigences des quatre pays tiers
La question de la fiscalité de l’épargne est revenue mardi pour la première fois depuis juin sur la table des ministres européens.
Cela s’explique par le fait que les négociations avec les quatre autres pays tiers, à savoir Andorre, Saint-Marin, Monaco et Liechtenstein, se sont avérées plus difficiles que prévues. Elles ne sont d’ailleurs pas encore terminées, car ces petits pays ont présenté une liste d’exigences.
Là encore, les Quinze sont persuadés que la Suisse détient la clé des négociations. «Ces petits pays se cachent derrière la Suisse», affirme Francis Mer.
Le ministre français est sûr qu’une fois l’accord signé avec la Suisse, «les petits problèmes avec les autres pays tiers seront facilement réglés».
Reste que l’UE peine également à obtenir du Royaume-Uni et des Pays-Bas l’assurance que leurs territoires associés de la Manche et des Caraïbes vont adopter les mêmes mesures que celles qui seront mises en œuvre dans l’UE.
Berne campe sur ses positions
De son côté, le ministre suisse des Finances Hans-Rudolf Merz comprend certes les motivations de Bruxelles, mais souligne que la Suisse a également des intérêts en jeu.
«Pour l’instant, il serait absolument faux de signer l’accord sur la fiscalité de l’épargne», a-t-il déclaré à l’agence AP.
A ses yeux, le Conseil fédéral doit s’en tenir à sa décision de signer les neuf accords des bilatérales II en parallèle, afin d’obtenir un paquet équilibré. Bref, il revient maintenant à Bruxelles de faire le premier pas.
M. Merz reste toutefois confiant pour la suite: un compromis est encore possible. En tant que principal partenaire économique de l’UE, la Suisse a encore des moyens de pression. «Ces prochains mois seront décisifs», conclut-il.
Reste que les Quinze doivent boucler le dossier de la fiscalité de l’épargne d’ici à fin juin pour que la directive entre en vigueur au 1er janvier 2005. Le temps presse.
swissinfo, Barbara Speziali, Bruxelles
– C’est en juin 2001 que la Suisse et l’Union européenne (UE) ont décidé d’ouvrir de nouvelles négociations bilatérales sur dix thèmes. Les deux partenaires sont tombés d’emblée d’accord pour en traiter un à part (la libéralisation des services).
– Berne souhaite une conclusion simultanée des négociations sur les neuf autres domaines à traiter, alors que l’Exécutif européen est favorable à un découplage des négociations.
– En cause notamment: l’accord sur la fiscalité de l’épargne, que Berne n’a pas encore signé. Car la Suisse compte échanger cet accord contre des concessions sur Schengen (une exception sur l’entraide judiciaire).
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