La Suisse, une métropole en question

Genève contribue également à faire de la Suisse une métropole. picswiss.ch

L'urbanisation du Plateau suisse se poursuit. Selon l'Office fédéral de la statistique, cette tendance pourrait aboutir à la constitution d'une vaste métropole helvétique.

Mais cette question oppose deux écoles de chercheurs.

Intitulé «Evolution de la population des communes 1850-2000 », le rapport de l’Office fédéral de la statistique (OFS) met en perspective les derniers résultats du recensement fédéral (2000).

Sur quelque 300 pages, le lecteur peut suivre l’évolution démographique de la Suisse durant ces 150 dernières années.

Au passage, l’OFS n’hésite d’ailleurs pas à s’auto congratuler: «Par son rythme décennal, la série de recensements fédéraux de la population représente, en comparaison internationale, une des statistiques démographiques les plus pertinentes qui soient».

Croissance des périphéries

Il faut dire que l’ensemble des données collectées par l’OFS l’autorise à affirmer que «l’urbanisation et la métropolisation se sont étendues à l’ensemble du Plateau».

«Certaines agglomérations en rejoignent d’autres pour former ensemble une seule et même ville», précise encore le rapport de l’OFS. C’est généralement à la périphérie de certaines villes que la croissance urbaine est la plus importante. Et ce, depuis une dizaine d’années.

Les valeurs maximales de cette croissance ont été enregistrées dans les périphéries genevoise, lausannoise et zurichoise.

«Malgré la forte croissance spatiale des agglomérations, leur centre ont perdu une part importante de leurs habitants», relève également le rapport.

Cette précision n’étonne pas outre mesure le sociologue Michel Bassand. «Ces données confirment ma théorie de la métropolisation de la Suisse. Le phénomène urbain s’étale sur l’ensemble du Plateau», affirme le président de l’Association Métropole Suisse.

Pour sa part, Daniel Marco de l’Institut d’architecture de l’université de Genève réfute cette analyse. «En réalité, dit-il, nous assistons davantage à une polarisation autour de certaines villes, comme Zurich ou Genève».

Le poids des centres de décision

«L’attractivité d’une ville dépend avant tout du nombre de centres de décision qu’elle abrite. Tout le monde se bat pour s’en rapprocher», précise Daniel Marco.

Les cartes visibles sur le site web de l’OFS montrent effectivement une agglomération zurichoise qui s’étend sur quatre cantons. Les villes de Bâle, Berne, Lausanne, Genève et Lugano s’étendent également. Mais dans une moindre mesure.

Le rapport de l’OFS relève également que pour la première fois la croissance des régions urbaines est restée inférieure à celle des régions rurales.

La bataille qui oppose les tenants d’une métropole helvétique et ceux qui s’y opposent – dont l’ancien maire de Lausanne, Yvette Jaggi – n’est donc pas prêt de finir.

Trop de communes

Mais tous sont au moins d’accord sur un point: que les divisions administratives actuelles sont caduques. Daniel Marco prend pour exemple Genève: «L’agglomération genevoise qui compte 700’000 habitants s’étend sur deux cantons et sur au moins deux départements français».

Justement, Michel Bassand brandit l’exemple de la France pour fonder son analyse. «Cet Etat possède par exemple des collectivités territoriales. Celles-ci regroupent les communes d’une agglomération. Or rien de cela n’existe en Suisse».

Et de renchérir: «La division de la Suisse en 26 cantons et 3000 communes n’est plus tenable, même si les responsables politiques s’y accrochent».

Les mentalités semblent pourtant évoluer. Ainsi, le gouvernement suisse vient d’adopter des « Lignes directrices sur la collaboration entre la Confédération, les cantons et les communes». Un programme qui devrait permettre aux villes suisses de mieux se faire entendre.

swissinfo/Frédéric Burnand à Genève