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La victoire d’une Suisse traditionnelle et rurale

Les partisans de l'initiative ont raté la cible lors du vote de dimanche. Keystone

Les Suisses ont clairement refusé dimanche l’initiative qui demandait une restriction de l’accès aux armes. Ce sont avant tout les zones rurales et alémaniques qui ont forcé la décision. Pour les partisans du projet, la défaite est plus sévère que prévu. Analyse.

A la simple vue de la carte des résultats, deux éléments sautent immédiatement aux yeux. Le premier, c’est que l’initiative a clairement séparé la Suisse en deux, avec d’un côté la Suisse alémanique et le Tessin et, de l’autre, la Suisse romande.

Il apparaît que l’initiative a davantage séduit à l’ouest de la Suisse, dans les zones francophones. En fait, tous les cantons exclusivement francophones ont voté en sa faveur. Les deux seuls – Fribourg et le Valais – qui ont rejoint le camp des opposants, comptent une minorité de germanophones représentant au moins un tiers de leur population.

La seconde chose qui apparait tout aussi nettement est que l’initiative a davantage séduit dans les zones urbaines que dans les campagnes. On voit que la restriction de l’accès aux armes a été acceptée dans les trois cantons les plus urbanisés du pays: Genève, Zurich et Bâle-Ville.

En regardant les pourcentages un peu plus en détail, le constat est le même. On voit que le taux de refus est particulièrement élevé (environ 70%) dans des zones moins urbanisées telles que Uri, Nidwald ou encore Obwald. Et dans les cantons romands également, le taux de refus est plus fort à la campagne que dans les villes.

On notera enfin que parmi les cantons qui ont accepté l’initiative, c’est dans les cantons villes de Genève (61%) et de Bâle-Ville (58,9) que le taux d’acceptation a été le plus élevé. Dans les autres cantons qui ont dit «oui», mais qui comptent davantage de zones rurales, ce taux n’a pas dépassé de beaucoup le seuil fatidique des 50%.

Victoire d’une Suisse traditionnelle

Pour les partisans de l’initiative, qui partaient pourtant encore très légèrement en tête lors du dernier sondage, le résultat du scrutin de dimanche peut être décevant. Le fait qu’une majorité de cantons aient refusé leur texte n’est pas une surprise.

En revanche, on aurait pu s’attendre à ce que le résultat soit un peu plus serré au niveau des voix. Mais avec plus de 55% des suffrages, les adversaires ont remporté une victoire qui ne souffre aucune contestation. Par rapport aux chiffres présentés lors des différents sondages, force est de constater qu’une fois encore, les indécis ont rejoint le camp du «non».

La campagne politique a été marquée par une forte émotion, qui s’est traduite dimanche par un taux de participation un peu plus élevé qu’à la normale. Mais ce climat émotif semble avoir davantage joué en faveur des adversaires de l’initiative.

En insistant sur le fait que la restriction de l’accès aux armes constituait une attaque contre l’armée et contre les valeurs traditionnelles de la Suisse, les adversaires de l’initiative ont trouvé des arguments qui ont fait mouche en Suisse alémanique et dans les zones rurales et, plus généralement, parmi les citoyens pour qui l’arme reste le symbole du système d’armée de milice et de la défense du pays.

Les partisans du texte pouvaient eux aussi jouer la carte de l’émotionnel en insistant sur les quelques drames qui ont impliqué des armes à feu au cours des dix dernières années et sur le nombre de suicides commis avec une arme. Mais en portant trop souvent le débat au niveau des faits et de statistiques sujettes à discussion, ils ont peut-être raté le coche.

Initiative trop vague

Enfin, le résultat du vote s’explique aussi du fait que gouvernement et armée ont su lâcher un peu de lest. En ne remettant plus de munitions aux soldats entre les périodes de service militaire et en renforçant le contrôle sur les soldats présentant un risque psychologique, ils ont montré que l’initiative n’était peut-être pas indispensable pour éviter des drames.

Quant aux partisans du texte, ils ont certainement perdu quelques voix précieuses en présentant une initiative trop vague. Leur proposition prévoyait en effet l’instauration d’une sorte de «clause du besoin» pour les amateurs d’armes, mais sans qu’aucun critère ne soit clairement établi.

Certes, ils n’ont cessé de répéter que chasseurs et tireurs sportifs ne seraient pas directement touchés par leur initiative. Mais leurs promesses n’auront pas suffi à convaincre et leur adversaires ont eu beau jeu de dénoncer un premier pas vers une abolition pure et simple des armes en Suisse.

L’initiative a été refusée par 56,3% des citoyens.

Au niveau des cantons, 20 ont dit « non » et 6 ont dit « oui ».

Le taux de participation s’est élevé à 49%.

L’initiative avait été remise à la Chancellerie fédérale le 22 février 2009, munie de 106’037 signatures valables.

Elle émanait d’une

coalition regroupant quelque 70 organisations: défense des droits de l’homme, syndicats, prévention du suicide, Eglises, associations de lutte contre la violence faite aux femmes, mouvements pacifistes, etc.

  

Principales exigences: établissement d’un registre national des armes, justification d’un besoin et de compétences pour posséder une arme, stockage des armes militaires dans des lieux sécurisés, interdiction de posséder des armes particulièrement dangereuses (armes automatiques, fusil à pompe) à titre privé.

  

Au niveau politique, l’initiative a reçu le soutien de la gauche. Le gouvernement et la majorité de droite du Parlement ont en revanche recommandé au peuple de la rejeter.

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