Le 1er Août aux quatre coins de la Suisse
La Fête nationale a déroulé ses fastes jusqu’à 4634 mètres d’altitude, avec l’ascension de la Pointe Dufour par le ministre Joseph Deiss.
Sa collègue Micheline Calmy-Rey était quant à elle au Kosovo, où elle a plaidé pour la liberté et la justice, tandis que l’extrême droite chahutait une fois de plus les cérémonies du Grütli.
Depuis 1993, le 1er Août commence par un brunch à la ferme. Cette année, près de 200’000 personnes ont répondu à l’invitation de 430 familles paysannes.
La santé était à l’honneur de cette 13e édition. Conjointement avec l’Office fédéral de la santé publique, les paysans ont rendu leurs visiteurs attentifs au fait qu’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement favorise santé et bien-être.
Gros succès également pour la visite du Palais fédéral à Berne. Près de 3000 personnes ont pu parcourir les couloirs et les salles du parlement et s’entretenir avec les présidents des deux Chambres.
Deiss au sommet
Ce 1er Août 2005 marquait également les 150 ans de la première ascension de la Pointe Dufour, point culminant du pays, avec 4634 mètres d’altitude.
Joseph Deiss avait choisi de défier le sommet. Il y est parvenu dans la matinée, après quelque sept heures d’effort. Peu après le ministre suisse de l’économie, son collègue italien de l’agriculture Giovanni Alemanno l’a rejoint sur le toit de la Suisse.
Par un temps radieux, Joseph Deiss s’est dit impressionné et très heureux. «C’est grâce aux guides suisses de montagne que nous avons pu vivre cette journée ainsi. Ils ont rendu l’impossible possible», a-t-il dit.
Redescendu à Zermatt, Joseph Deiss a réendossé en soirée l’habit de l’homme politique et s’est prononcé dans son discours «pour un patriotisme ouvert sur le monde». Pour le ministre, l’avenir de la Suisse est placé entièrement sous le signe de la coopération et «le repli sur soi ne nous fera pas progresser dans le monde».
Guillaume Tell n’était pas Rambo
Micheline Calmy-Rey, quant à elle, avait choisi de prononcer son discours du 1er Août au Kosovo, où elle achevait une visite de quatre jours.
S’exprimant à Suva Reka, la ville où sont stationnés les soldats de la Swisscoy, elle a insisté sur l’idéal de liberté qui avait animé les auteurs du serment du Grütli, notant au passage que ces trois hommes avaient «certainement trois femmes fortes derrière eux».
La ministre des Affaires étrangères a également évoqué la figure de Guillaume Tell, qui n’était certainement pas un «Rambo», mais plutôt «un chasseur solitaire, qui aurait préféré qu’on le laisse en paix». Et d’ajouter qu’elle n’était pas venue préconiser «le meurtre du tyran».
Malgré cela, la liberté doit se conquérir et se défendre, et «vous le savez certainement mieux que moi» a dit Micheline Calmy-Rey aux Kosovars. Dans cette lutte, la Suisse peut apporter son expérience de la cohabitation des langues, des cultures et des religions.
Evoquant enfin, certains de ses collègues, la votation du 25 septembre sur l’extension de la libre circulation, la cheffe de la diplomatie a estimé que la Suisse ne serait ni plus sûre ni plus aisée si elle se repliait sur elle-même.
Schmid contre l’extrême droite
Après son allocution radio-télévisée, le président de la Confédération Samuel Schmid était sur la prairie du Grütli dans l’après-midi, face à une foule de quelque 2000 personnes, dont la moitié en gros étaient des extrémistes de droite.
Ils ont chahuté et interrompu le discours à plusieurs reprises, traitant l’orateur de «Judas» et de «cochon». Ils ont particulièrement peu apprécié les passages où le président évoquait l’intégration des autres cultures et des étrangers.
Samuel Schmid ne s’est pourtant pas laissé démonter. Il s’est lancé dans des improvisations afin de parler plus longtemps que prévu des thèmes qui fâchent les crânes rasés. «La Confédération puise sa force dans sa capacité d’intégration depuis des siècles», a-t-il dit.
Rendant hommage à tous ceux qui ont fait de l’histoire de la Suisse une «histoire à succès», le président a souligné que «d’innombrables étrangers avaient aussi contribué à notre prospérité».
«Parviendrons-nous à l’avenir à abriter côte à côte églises, synagogues et mosquées?», s’est interrogé Samuel Schmid. Pour cela, il faudra selon lui «réagir énergiquement mais de façon appropriée à toute forme de fondamentalisme».
Manif et contre-manif
A l’issue de la fête au Grütli, les agitateurs d’extrême droite se sont repliés, comme chaque année, sur la petite ville schwytzoise de Brunnen, où ils ont bravé l’interdiction de manifester.
Défilant dans la rue qui mène à la gare en scandant leurs habituels «la Suisse aux Suisses» et «les étrangers dehors», ils ont lancé au passage des pierres aux photographes présents. La police n’est pas intervenue.
Un peu plus tôt à Lucerne, quelque 800 antifascistes, dont de nombreux jeunes, ont protesté contre la présence des extrémistes de droite sur le Grütli.
Un tiers des participants étaient cagoulés. Arborant des drapeaux noirs et rouges et transportant un cercueil noir, le cortège en a appelé à la solidarité internationale et à «un Brunnen multicolore».
Les organisateurs avaient en effet souhaité manifester à Brunnen même, mais devant le risque d’affrontements, la commune le leur avait interdit.
Retour aux valeurs
Christoph Blocher, ministre de Justice et Police, était pour sa part à Unteriberg, dans le canton de Schwytz. Dans son discours, il a plaidé pour un retour aux valeurs du Pacte fédéral de 1291.
«La liberté, l’autodétermination, la responsabilité constituent des valeurs fondamentales de la Suisse, qui en ont fait un pays puissant et prospère», a dit le ministre.
Et de s’affirmer convaincu que «responsabiliser les citoyens, revenir à la liberté d’antan et à l’indépendance du pays, tout en préservant une entente pacifique avec tous les Etats, représente le meilleur modèle d’avenir pour la Suisse».
Hans-Rudolf Merz, ministre des finances, avait choisi quant à lui de diffuser son discours sur Internet, dès vendredi.
Il y lance lui aussi un appel à la population pour qu’elle retrouve les valeurs qui ont fait la grandeur de la Suisse. Pour lui, la paix sociale, la concertation, la diversité des opinions et le patriotisme ne sont pas des notions vides de sens, mais bien «les fondations de notre société».
Eloge de la lenteur
Moritz Leuenberger, enfin, ministre de l’Environnement, des Transports, de la Communication et de l’Energie, se trouvait à Samedan, dans les Grisons, où il a parlé en soirée.
Le texte écrit de son discours traite du rythme de vie trépidant d’un monde qui fait l’éloge de la vitesse tout en éprouvant le besoin de s’arrêter pour se ressourcer, pour être ensemble dans la concordance, la collégialité, et finalement l’amitié.
Quant à Pascal Couchepin, ministre de l’Intérieur, il est le seul des sept membres du gouvernement à ne pas avoir sacrifié cette année à la tradition du discours du 1er Août.
swissinfo et les agences
C’est à la fin du 19e siècle que le la Fête nationale du premier Août a été introduite, mais cette journée est un jour férié officiel seulement depuis 1994.
On y célèbre le pacte défensif passé au début Août 1291 par les représentants des trois cantons d’Uri, Schwytz et Unterwald, qui ont posé les bases d’une alliance devenue la Suisse moderne en 1848.
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