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Le cannabis restera illégal en Suisse

Le cannabis restera illégal en Suisse. Keystone

Fumer un joint constituera toujours un délit en Suisse. Le gouvernement n’a pas réussi à convaincre le Parlement.

La Chambre du peuple a refusé pour la seconde fois d’entrer en matière sur le projet de révision de la loi sur les stupéfiants, par 102 voix contre 92.

Au terme d’un débat émotionnel et houleux, le Conseil national (Chambre basse) a maintenu lundi, par 102 voix contre 92, son refus d’entrer en matière sur la révision de la loi fédérale sur les stupéfiants.

Refusant d’entendre le plaidoyer du ministre de l’Economie Pascal Couchepin, ainsi que l’avis favorables de leurs collègues sénateurs, les députés ont enterré définitivement le projet .

«Entrer en matière veut dire que l’on reconnaît qu’il y a un problème et qu’il faut en discuter. Cela n’équivaut pas à un accord sur le contenu du texte», a plaidé en vain Pascal Couchepin.

Le conseiller fédéral a imploré le plénum de suivre la Chambre des Cantons en acceptant de se saisir du sujet, quitte à le renvoyer au gouvernement pour amélioration. En vain.

Vain plaidoyer

Emmenée par l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure), le Parti démocrate-chrétien (PDC) le Parti évangélique, le Parti libéral et une partie du Parti radical (PRD, droite), la majorité a estimé que la nouvelle loi n’allait tout simplement pas dans la bonne direction en proposant de dépénaliser la consommation de cannabis.

«Si nous entrons en matière, nous ne pourrons plus corriger le tir au moment de l’examen des détails», a averti Thérèse Meyer (PDC).

Et de rappeler les effets négatifs du cannabis sur la santé. «Fumer un joint diminue la concentration des jeunes à l’école et les performances au travail», a souligné la démocrate-chrétienne. «Il ne faut surtout pas banaliser ce produit en le dépénalisant.»

Protéger la jeunesse

La protection de la jeunesse exige des interdits clairs, a affirmé au nom de la commission le libéral Claude Ruey.

Le projet fait la part trop belle à la dépénalisation et ne prône pas assez l’abstinence, selon lui. En outre, une telle libéralisation serait en désaccord avec les accords internationaux en matière de lutte contre la drogue.

«Cet échec donne un signal clair et nécessaire au monde judiciaire et politique». Selon lui, la non-entrée en matière ne crée pas de vide juridique, contrairement à une idée répandue.

Le projet ne tient pas compte non plus de la hausse du taux de THC – la substance active – dans le cannabis. «Peut-on encore dire que le produit est inoffensif alors que sa teneur en THC a explosé» et sans que des études aient été menées sur les conséquences de cette augmentation, a demandé Reto Wehrli (PDC).

La gauche désappointée

Lundi soir, le Parti socialiste (PS) ne cachait pas sa déception, soulignant, ironie du sort, que le Conseil national n’avait pas hésité, quelques heures auparavant, à lever l’interdiction de l’absinthe.

Le communiqué socialiste condamne «ce refus de la réalité qui risque de remettre en cause une politique de santé publique pragmatique et efficace». Il ajoute en outre qu’il se battra pour éviter tout démantèlement de la politique dite des quatre piliers.

Pour sa part, le Parti démocrate chrétien attribue la non-entrée en matière à l’attitude intransigeante des partisans de la légalisation. Comme il l’a déjà annoncé depuis longtemps, il va désormais déposer son initiative parlementaire, a indiqué son secrétaire général Reto Nause.

Celle-ci propose de relancer la révision de la loi sur le principe des quatre piliers tout en punissant la consommation de cannabis par de simples amendes. «Nous sommes convaincus qu’il faut des réformes, mais qu’il faut aussi mieux tenir compte de la protection de la jeunesse», a-t-il précisé.

La plupart des points contenus dans le projet du gouvernement (Conseil fédéral) devraient donc revenir sur le tapis rapidement.

De leur côté, les Verts, favorables au projet, ont également promis de demander l’ancrage dans la loi de la politique des quatre piliers en matière de drogue.

Un comité de jeunes prépare quant à lui une initiative populaire en faveur de la dépénalisation du cannabis.

Comme les professionnels

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Thomas Zeltner, directeur de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), a regretté la décision. «On peut craindre que certains cantons ne soient désormais tentés, à l’instar de Bâle-Campagne, de concocter leurs propres lois, ce qui créera des inégalités dans le pays.»

«Nous pouvons continuer à vivre avec la loi actuelle, mais celle- ci pose des problèmes, en particulier en ce qui concerne le cannabis», a-t-il relevé.

Ainsi, la culture et la vente du chanvre sont seulement punissables si le produit est vendu ou acheté à des fins de stupéfiants. Ce qui est naturellement très difficile à prouver.

Markus Theunert, membre de la Communauté nationale de travail politique de la drogue (CPD), qui rassemble une trentaine d’organisations, est également plein de «regrets». «Dix ans de travail sont ainsi mis au panier. Or cette loi ne serait pas allé beaucoup plus loin.»

La décision de la chambre du peuple déçoit également les associations de policiers et d’enseignants.

swissinfo et les agences

La Loi fédérale sur les stupéfiants de 1951 a été révisée en 1975.
A la fin des années 90, les Suisses ont rejeté une initiative populaire restrictive, «Une jeunesse sans drogue», et une libérale, «Droleg».
En 2003, le Conseil national avait décidé une 1re fois de ne pas entrer en matière sur la révision.
Il a répété cette décision ce 14 juin.

– Le projet du gouvernement prévoyait de dépénaliser la consommation de chanvre, de réglementer son commerce et sa culture mais aussi d’améliorer la prévention et la protection de la jeunesse.

– Les syndicats et les enseignants étaient favorables à ce projet.

– Les opposants estimaient que c’était encourager à consommer du cannabis.

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