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Le dernier faux pas d’Hans-Rudolf Merz

Hans-Rudolf Merz laisse derrière lui des finances saines mais également de nombreuses casseroles. Keystone

Un bon gestionnaire qui a cruellement manqué de sens politique: telle est l’image que les gazettes suisses retiennent d’Hans-Rudolf Merz au lendemain de l’annonce de sa démission. Une annonce qui sonne pour beaucoup d’éditorialistes comme l'ultime couac du mandat de l’Appenzellois.

Crise libyenne, attaques en règle des Etats voisins contre le secret bancaire, sauvetage d’UBS et ses suites controversées: Hans-Rudolf Merz a vécu lors de ses dernières années au gouvernement ce que peu d’autres conseillers fédéraux auront eu l’occasion d’expérimenter durant leur mandat. «Si les circonstances font l’homme politique, force est de constater qu’elles ont défait Hans-Rudolf Merz», écrit La Liberté de Fribourg.

Le ton est partout le même. La presse, francophone comme germanophone, n’est pas tendre avec le ministre des Finances démissionnaire. «Hans-Rudolf Merz se retire. C’est une bonne nouvelle pour lui, pour son parti et pour tout le pays», s’exclame ainsi le journal de boulevard Blick.

«Hans-Rudolf Merz restera dans l’histoire comme le conseiller fédéral qui a pu à peine réaliser ce qu’il aurait souhaité. Et qui a finalement été contraint de faire ce qu’il n’aurait jamais voulu dans sa vie», écrivent encore le Bund de Berne et le Tages-Anzeiger de Zurich, en référence à l’affaiblissement du secret bancaire qui a marqué son passage à la tête du ministère des Finances.

Gestionnaire sans charisme

Les éditorialistes mettent en avant le manque de charisme du conseiller fédéral libéral-radical, arrivé par la petite porte au Conseil fédéral il y a sept ans en même temps que le leader de la droite conservatrice Christoph Blocher. «Il n’aura jamais été un homme d’Etat. L’Appenzellois laissera plutôt l’image d’un anti-Couchepin arrivé là par hasard», estime ainsi Le Temps.

Côté face, pratiquement tout le monde s’accorde à louer les qualités de gestionnaire du ministre démissionnaire. La Neue Zürcher Zeitung souligne ainsi qu’Hans-Rudolf Merz été le seul en Europe à pouvoir présenter des comptes d’Etat bénéficiaires en 2009, année de récession mondiale. «Il a stabilisé le budget fédéral et réduit la dette de près de 20 milliards de francs», rappelle la NZZ.

Les qualités humaines d’Hans-Rudolf Merz sont également soulignées plus d’une fois par les gazettes de samedi. Ainsi, plus affable que certains de ses confrères, l’éditorialiste de la Tribune de Genève dresse des lauriers au libéral-radical: «Tout chez lui transpire l’honnêteté, la simplicité et la compétence. (…) Les temps ne sont pas aimables avec les gouvernants de simple bonne volonté. Face à l’Union européenne, par exemple, Merz a tenu, mais seul son héritier pourra s’en prévaloir.»

Manque de flair politique

Mais, comme le souligne Le Matin, Hans-Rudolf Merz était un conseiller fédéral «aux deux visages»: «Gentleman cultivé, Hans-Rudolf Merz est certes un très bon gestionnaire. Il a parfaitement tenu les comptes du ménage fédéral. Reste que son absence de flair politique, sa communication maladroite, son entêtement l’ont totalement desservi.»

Symbole de cette dichotomie, La Liberté de Fribourg estime que «les finances fédérales se portent certes bien, mais le coffre-fort du secret bancaire a dû être entrouvert par le gardien même qui présentait les meilleures garanties de son verrouillage absolu.»

Côté pile, on retiendra surtout son absence de sens politique. Pour Le Temps, la meilleure illustration en est encore l’annonce de sa démission: «Sa sortie oblige les Chambres à lui trouver un successeur en septembre, alors que celui de Moritz Leuenberger, l’autre démissionnaire de l’été, sera élu en décembre. Ce manque de coordination, modeste miroir de la discorde au Conseil fédéral, empêche les parlementaires de redéfinir le collège avec une vision globale.»

Des enfantillages

Mêmes critiques dans 24heures de Lausanne, qui estime que le ministre des Finances démissionne un peu comme il a gouverné: en «bon gestionnaire un peu obtus, tendance autiste. Le bon gestionnaire pense à son parti, qui peut ainsi reprendre la main aux socialistes et placer ses pions dans la course aux successions. L’obtus se fiche de faire son annonce le matin même où sa collègue et présidente, Doris Leuthard, lance sa campagne pour la votation sur l’assurance-chômage.»

L’Express de Neuchâtel ne se montre pas plus tendre: «Décidément, les conseillers fédéraux ne parviennent même plus à se mettre d’accord lors de leur départ pour éviter que la vie politique fédérale ne soit polluée pendant plusieurs mois par les annonces successives. Ces annonces désordonnées ressemblent plus à des enfantillages qu’à un comportement qu’on attend des hommes d’Etat.»

La Tribune de Genève veut plutôt y voir une manoeuvre bien organisée: «En quittant le Conseil fédéral début octobre déjà, le libéral-radical accroît les chances de son parti de conserver deux sièges à l’Exécutif et perturbe la stratégie des socialistes.»

Une majorité féminine?

Et, comme toujours dans pareille circonstance, l’heure des spéculations a déjà sonné. La conseillère d’Etat (ministre) saint-galloise Karin Keller-Sutter apparaît comme la grande favorite à la succession Merz. Si elle était élue le 22 septembre, Karin Keller-Sutter rejoindrait Doris Leuthard, Micheline Calmy-Rey et Eveline Widmer-Schlumpf au sein du gouvernement. Pour la première fois de l’histoire, le Conseil fédéral serait ainsi composé à majorité de femmes. «Une bonne nouvelle! Espérons par ailleurs que les socialistes parviendront même à en mettre une cinquième», s’enthousiasme Nicolas Willemin dans L’Express.

Mais la partie n’est pas encore gagnée, puisque l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et les Verts briguent également le siège vacant. «Mathématiquement, et au nom de la fameuse concordance, le siège de Hans-Rudolf Merz devrait revenir à un UDC. N’en déplaise à ses détracteurs. Mais gageons que les partis en place feront tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter le retour aux affaires du premier parti de Suisse», écrit Le Matin.

La double succession à venir pourrait également marquer le retour d’un conseiller fédéral italophone au gouvernement. Mais les journaux tessinois n’y croient pas trop: «Il est difficile d’imaginer qu’en vue des élections fédérales de 2011, qui s’annoncent ardues pour les libéraux-radicaux, le parti renonce à privilégier une candidature germanophone», écrit le Corriere del Ticino.

Si la revendication est légitime pour La Regione Ticino, Le Giornale del Popolo se montre pessimiste: «Ce sera encore plus difficile que l’an dernier (ndlr: lors de l’élection à la succession du ministre libéral-radical Pascal Couchepin), car tout semble déjà préparé et confectionné». Karin Keller-Sutter dispose en effet de toutes les cartes en main pour devenir la quatrième femme à siéger à Berne, conclut le journal tessinois.

Samuel Jaberg, swissinfo.ch

Hans-Rudolf Merz est né le 10 novembre 1942 à Herisau, dans le canton d’Apenzell Rhodes-Extérieures.

Il termine son cursus universitaire à Saint-Gall en 1971, avec le titre de docteur en sciences politiques. Sa thèse porte sur le patrimoine financier et administratif selon les aspects du droit public et de l’économie.

De 1969 à 1974, Hans-Rudolf Merz travaille comme secrétaire du Parti libéral- radical (PLR) de Saint-Gall et comme directeur de l’Association de l’industrie d’Appenzell Rhodes-Extérieures.

Jusqu’en 1977, il exerce la fonction de sous-directeur du centre de formation Wolfsberg de l’UBS. Ensuite, jusqu’en 2003, il est conseiller d’entreprise indépendant et membre du conseil d’administration de diverses entreprises industrielles et sociétés de services suisses.

En 1997, il est élu au Conseil des Etats en tant que représentant du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Il préside la Commission des finances en tant que membre du PLR.

Hans-Rudolf Merz est élu au Conseil fédéral en décembre 2003, suite au retrait de Kaspar Villiger. Depuis son entrée en fonction au début de l’année 2004, Hans-Rudolf Merz a toujours été chef du Département fédéral des finances.

En 2009, il a assuré la présidence de la Confédération.

Hans-Rudolf Merz est marié et père de trois fils.

Source: Département fédéral des finances

1959 – 2003: L’ère de la «formule magique»: 2 sièges au Parti socialiste (PS), 2 au Parti libéral-radical (PLR), 2 au Parti démocrate-chrétien (PDC) et 1 à l’Union démocratique du centre (UDC).

2004 – 2007: L’UDC Christoph Blocher prend un siège au PDC: 2 sièges PS, 2 PLR, 2 UDC et 1 PDC.

2008: Eveline Widmer-Schlumpf et Samuel Schmid quittent l’UDC et entrent au nouveau Parti Bourgeois démocratique (PBD): 2 sièges PS, 2 PLR, 2 PBD et 1 PDC.

2009: L’UDC revient au gouvernement avec Ueli Maurer qui succède à Samuel Schmid: 2 sièges PS, 2 PLR, 1 PDC, 1 UDC et 1 PBD.

2010: Moritz Leuenberger (PS) annonce sa démission pour fin 2010 et Hans-Rudolf Merz pour octobre.

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