Double refus pour le droit du bail
Les Suisses n’ont pas voulu donner un coup de pouce aux propriétaires. Les deux propositions de modification du droit du bail ont été refusées dans les urnes. L’une visait à empêcher les sous-locations abusives et l’autre à simplifier les résiliations anticipées de bail en cas de besoin propre des propriétaires.
Ces deux modifications du droit du bail étaient l’élément de suspense de cette journée de votation. Il aura en effet fallu attendre les tout derniers dépouillements pour livrer le verdict final, tant les deux camps étaient au coude à coude, en particulier en ce qui concerne les sous-locations abusives.
Les sondages avaient vu juste
Mais en fin de compte, ce résultat ne constitue pas forcément une surprise. La tendance était en effet depuis longtemps négative pour les deux propositions de modification.
Le vote populaire va dans le sens des sondages réalisés par l’institut gfs.bern pour le compte de la SSR. Le soutien aux deux modifications n’avait cessé de s’éroder au fil de la campagne.
Le dernier sondage en date laissait entrevoir un refus de l’objet sur le besoin propre des propriétaires (53% de «non» et 44% de «oui») et une issue un peu plus incertaine pour celui sur les sous-locations (50% de «oui» et 47% de «non»).
Un peuple de locataires
Normalement, tout aurait dû se dérouler sans encombre pour ces deux propositions de modification. Elles étaient soutenues tant par le gouvernement que par la majorité du Parlement. Or les Suisses ont généralement tendance à suivre les recommandations de vote de leurs autorités.
Par ailleurs, ces deux propositions ne semblaient à première vue pas extravagantes, mais plutôt frappées au coin du bon sens. Or les Suisses ont généralement tendance à se montrer raisonnables et pragmatiques en matière de vote.
Cela ressemblait donc à une voie royale pour obtenir une double approbation populaire. Mais seulement voilà, un grain de sable est venu se glisser dans cette mécanique bien huilée: la montée aux barricades des milieux de défense des locataires pour faire couler le projet. Et auprès d’un peuple de locataires – environ 60% de la population – cette voix trouve visiblement de l’écho.
Clarification pour les uns, péjoration pour les autres
La première modification proposée visait à empêcher les sous-locations abusives. Le texte accordait davantage de latitude aux propriétaires en stipulant notamment que la sous-location d’un bien immobilier doit être approuvée par écrit par le propriétaire et que ce dernier peut la refuser si elle dépasse une durée de deux ans ou s’il y voit des inconvénients majeurs.
La seconde modification prévoyait qu’un propriétaire puisse plus facilement résilier le bail d’un locataire, s’il veut utiliser le bien loué pour son propre usage. Actuellement, en cas de contestation, les procédures peuvent prendre plusieurs années.
Pour les milieux favorables à l’adaptation de la loi – les partis de droite et les milieux immobiliers – les modifications proposées étaient très ciblées et ne faisaient que clarifier des notions déjà existantes dans le droit actuel.
Pour les adversaires – les partis de gauche et les milieux de défense des locataires – ces modifications étaient, au mieux, inutiles, au pire péjoraient la situation pour les locataires en démantelant des mécanismes de protection, en particulier contre les congés abusifs.
Nouveaux combats en vue
À l’annonce des résultats, les réactions sont sans surprise. La gauche et les milieux de défense des locataires se félicitent de l’issue du scrutin.
Pour l’Association des locataires (Asloca), ce vote montre que «les Suisses refusent de démanteler la protection des locataires». Dans un communiquéLien externe, l’association souligne que les règles actuelles ont fait leurs preuves, «favorisant des relations harmonieuses entre locataires et propriétaires responsables».
L’Asloca s’attend à des nouvelles attaques contre ces relations harmonieuses au Parlement. Mais forte de cette victoire dans les urnes, l’association se dit prête à «combattre ces nouvelles attaques avec détermination».
Du côté des milieux immobiliers et de la droite, c’est la déception qui prévaut. Pour ces milieux, les modifications proposées auraient apporté plus de «sécurité du droit», ce qui aurait profité tant aux locataires qu’au propriétaires. Quant à l’échec des urnes, il s’explique en partie du fait que ces objets ont été «mal expliqués».
Conseiller national du Centre et membre de la Chambre immobilière du Valais, Benjamin Roduit est même d’avis que le vote de dimanche n’est pas forcément favorable aux locataires. «On va dissuader encore plus les propriétaires de louer leur bien», a-t-il estimé sur les ondes de la RTS.
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