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Le matin le plus long de Ruth Lüthi

Dans le train qui la conduit à Berne, Ruth Lüthi (à gauche) lit des messages d'encouragement. Keystone

Ruth Lüthi est déçue de ne pas pouvoir siéger au Conseil fédéral. Mais elle se réjouit de l'élection de Micheline Calmy-Rey.

Du petit matin jusqu’au son fatidique de la cloche, swissinfo a suivi la matinée la plus longue de l’ex-candidate fribourgeoise.

Sans réelle surprise, la Genevoise Micheline Calmy-Rey a donc été élue au Conseil fédéral. D’ailleurs, les analystes la donnaient gagnante depuis plusieurs jours déjà.

Le spectacle de l’élection a donc davantage eu lieu dans les coulisses que dans la salle du Conseil national.

Quoi qu’il en soit, la Fribourgeoise Ruth Lüthi n’a pas pu cacher son émotion à l’issue d’une campagne de six semaines et d’un ‘spectacle’ qui n’aura duré très exactement que 2 heures et 18 minutes.

Voilà pour le volet coupole fédérale. Mais tout avait commencé, aux aurores déjà, en gare de Fribourg.

06h30: l’attente du départ

Vingt minutes avant le départ du train, une trentaine de personnes attendent dans le petit hall de la gare de Fribourg.

Parmi elles, de nombreux journalistes comme le montre une multitude de caméras, appareils photo et autres enregistreurs. Mais, bien que moins nombreux, il se trouve aussi quelques supporters de la candidate.

Quelques minutes plus tard, la star du jour arrive, vêtue d’un manteau blanc immaculé. Tout sourire, elle répond déjà aux nombreuses questions de journalistes et reçoit les encouragements de ses partisans.

Plusieurs de ses partisans tiennent une fleur à la main. Une rose rouge bien sûr, féminité et socialisme obligent.

Tout ce petit monde se dirige ensuite vers les quais. Dans le train, les caméras tournent et les flashs crépitent. Déjà il faut jouer des coudes pour atteindre Ruth Lüthi. C’est une sorte de répétition générale, en miniature, de se qui se passera quelques minutes plus tard au Palais fédéral.

07h10: l’arrivée à Berne

Dès la descente du train, la meute de journalistes s’agite à nouveau autour de la candidate. La petite troupe se dirige en cortège de la gare vers le Palais fédéral, sous l’oeil à la fois intéressé, curieux et – mais c’est beaucoup plus rare – irrité des passants.

Aux abords du Palais, c’est l’heure pour beaucoup d’accompagnants de quitter leur candidate. Ne possédant pas d’accréditation pour entrer au Palais, ils attendront le verdict de l’élection dans un restaurant de la ville. Et, bien que leur candidate ne soit pas donnée favorite, ils veulent encore croire à ses chances.

Ruth Lüthi pénètre alors à l’intérieur du Palais et va trouver refuge dans la salle du président du Conseil national en compagnie de sa rivale, la Genevoise Micheline Calmy-Rey.

Impossible de savoir quelle peut être l’ambiance dans cette salle. La porte est fermée et surveillée par des cerbères au poil généralement très court et à l’oreillette collée au tympan.

08h00: l’élection commence

A 08h00 très précisément, le président du Conseil national fait tinter la cloche qui annonce le début de cette séance très spéciale du Parlement.

La première demi-heure est consacrée à la ministre démissionnaire Ruth Dreifuss. Ensuite, après quelques interventions, l’élection proprement dite peut commencer.

Dans la salle des pas perdus, les journalistes, encore calmes jusqu’alors, commencent à s’agiter. Au fil des différents tours de l’élection, ils enchaînent interviews et analyses.

Les «spécialistes» de la politique fédérale imaginent tous les scénarios possibles. Ils se demandent surtout à qui profiteront les voix de l’Union démocratique du centre, après l’élimination de son candidat Toni Bortoluzzi.

Mais, dans le fond, personne ne croit à une surprise possible. Les conversations dans les couloirs de la salle des pas perdus ne laissent planer aucun doute: la Genevoise, donnée favorite dès le début, sera bel est bien conseillère fédérale, d’autant qu’elle ne cesse de creuser l’écart au fil des tours.

10h18: le verdict tombe

Et, effectivement, il n’y aura pas eu de surprise. Micheline Calmy-Rey est élue avec une confortable avance. La Genevoise peut presque immédiatement sortir de son refuge et accepter son élection.

Ruth Lüthi, elle, reste encore quelques minutes à l’intérieur. Ce n’est pas son heure, ce n’est plus son heure.

Elle fait bonne figure à mauvais jeu, Elle avoue sa déception. Mais elle se réjouit, aussitôt, de l’élection de sa rivale.

«C’est bon pour le Parti socialiste, lance Ruth Lüthi aux journalistes. Il a montré qu’il avait plusieurs candidates de valeur.

Et la perdante du jour de conclure que la victoire de sa concurrente est «moins due à une question de langue qu’à celle de la représentation des régions».

10h30: un discours et un verre de blanc

De son côté, la Genevoise Calmy-Rey savoure sa victoire et ses tout premiers instants en tant que conseillère fédérale. Son allocution – bien que faite en quatre langues – est rapide. Tout comme le verre de vin blanc qu’elle partage avec ses futurs collègues du gouvernement.

Dans les travées du Parlement, la cohue est indescriptible. Les journalistes veulent décrocher leurs interviews. Avec Micheline Calmy-Rey, bien sûr, mais aussi avec Ruth Lüthi, finalement sortie de son refuge et toujours souriante.

Et avec Pascal Couchepin bien sûr, qui – on l’avait presque oublié – vient d’être élu à la présidence de la Confédération pour 2003.

Quelques parlementaires se soumettent avec délectation au jeu des interviews. D’autres restent plus sereins. Ils s’étonnent d’autant plus de cette cohue que l’élection n’a pas été des plus palpitantes dans les rangs des représentants du peuple.

«Cette élection, remarque le neuchâtelois Didier Berberat, n’a pas été aussi intense que celle où Ruth Metzler n’avait été un moment séparée que d’une voix de sa rivale.»

«Un moment, confie pour sa part le Fribourgeois Jean-Paul Glasson, il y eu un suspense concernant le report des voix de l’UDC.» Mais on peine à le croire.

11h30: le rideau tombe

Un peu plus d’une heure après l’élection, la fièvre retombe dans les travées du Palais fédéral. De nombreux journalistes sont désormais passés à la critique de leur propre exercice, parlant d’untel qui en a fait trop ou d’une autre qui s’est montré pour une fois d’une étonnante sobriété.

Pour sa part, Micheline Calmy-Rey peut rejoindre ses troupes. Des femmes en costume traditionnel genevois l’attendent ainsi qu’une foule de fidèles. Le vin genevois a été tiré, il convient désormais de le boire.

Mais la journée bernoise s’achève lentement. C’est maintenant le début de la journée genevoise, avec le retour triomphal vers la Cité de Calvin.

Quant à Ruth Lüthi, elle retrouve, elle aussi, ses troupes avant de regagner son canton. Les vins fribourgeois suivront le même chemin.

Les parlementaires, eux, reprennent le cours normal de leurs travaux à 11h37 très exactement.

swissinfo/Olivier Pauchard au Palais fédéral

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