Le ministre de la défense s’attaque à un tabou
Le ministre de la défense Samuel Schmid propose de discuter de la suppression du service militaire obligatoire.
Cela dans un contexte particulier: l’armée est sous pression en raison de coupes budgétaires et de critiques diverses. Le gouvernement devra se prononcer sur l’avenir de l’armée de milice.
Confronté à une vague de critiques, le ministre de la Défense, de la protection de la population et des sports (DPPS) sort de sa discrétion coutumière.
La presse dominicale a jeté le pavé dans la mare en rapportant des critiques en lien avec un rapport interne, qui analyse les structures et la conduite du Ministère de la défense. Des critiques que, selon certains, le ministre aurait tenté d’étouffer.
Lundi, Samuel Schmid a convoqué la presse pour justifier sa façon de diriger son département. Il estime que l’introduction d’Armée XXI suscite des «réactions» et des «frictions» bien naturelles, puisque la réforme de l’armée a été introduite au début de l’année seulement.
Armée de milice ou professionnelle?
Et voilà que mardi soir, sur les ondes de la radio suisse alémanique, Samuel Schmid a repris l’initiative en déclarant qu’il avait l’intention d’ouvrir la discussion au sein du gouvernement sur la suppression du service militaire obligatoire.
Le ministre cherche-t-il à détourner l’attention des critiques dont il est l’objet? Difficile de l’affirmer avec certitude. Quoi qu’il en soit, c’est un véritable tabou qui est ainsi remis en question, aussi vieux que l’armée suisse elle-même.
Le ministre a ajouté que sa marge de manœuvre dépendra du cadre financier dont son département bénéficiera. Le gouvernement, qui prépare un nouveau programme d’assainissement des finances, en discutera ce mois encore.
D’autre part, le ministre de la Défense estime qu’il est urgent de définir les dimensions de l’armée de demain. Et cela d’autant plus que le principe de l’armée de milice est inscrit dans la constitution fédérale. Cette assurance avait du reste convaincu le peuple suisse d’approuver la réforme de l’armée en 2003.
Samuel Schmid a précisé que ses services ont déjà établi un premier rapport sur la question.
Le système actuel
C’est en fait la taille de l’armée du futur qui est en question. La nouvelle Armée XXI a diminué les effectifs à 140’000 actifs (contre 600’000 au temps de la guerre froide) en abaissant la limite d’âge supérieure pour l’obligation de servir. Ainsi est tout de même respecté le principe de l’armée de milice tel que prévu par la Constitution depuis cent trente ans.
L’école de recrues a été allongée à 21 semaines. Ensuite, les cours de répétition (260 jours au total) sont accomplis selon un rythme annuel jusqu’à 30 ans pour les soldats, 36 pour les officiers. Nouveauté: école de recrues et cours de répétitions peuvent être effectués d’une traite. Quant à ceux qui ne sont pas recrutés, ils s’acquittent d’une taxe militaire.
La mission même de l’armée a évolué depuis la fin de la guerre froide. Elle consiste bien sûr à «la prévention de la guerre et au maintien de la paix, la défense et la protection, le soutien aux autorités civiles».
Mais elle a aussi d’autres tâches, comme de contribuer au soutien de la paix et la gestion des crises dans un cadre international. Ou a des tâches de police, comme par exemple la surveillance des ambassades. Cette diversité exige une grande souplesse.
Une jeunesse peu motivée
Le sénateur démocrate-chrétien Bruno Frick a saisi la balle au bond et estime lui aussi qu’il faut ouvrir la discussion. «Actuellement, ceux qui font le service sont les sages ou les zélotes», assène-t-il.
Effectivement, les jeunes ne se montrent pas très motivés pour accomplir leur service militaire. Selon la NZZ, en 2000, 18,8% des recrues ont abandonné durant les premiers jours. Un pourcentage qui a passé à 22,6% en 2002.
En ce qui concerne une hypothétique armée professionnelle, selon les modèles étudiés, on parle d’effectifs se situant entre 15’000 et 50’000 hommes. Ce qui poserait, là encore, un cruel problème de recrutement.
Service militaire ou civil
Personnellement, Samuel Schmid se dit favorable au maintien du service militaire obligatoire. Pour lui, l’alternative envisageable à ce système serait une obligation d’accomplir un service soit militaire, soit civil. Les engagements dans la protection civile ou dans le service civil seraient équivalents à ceux effectués dans l’armée.
Suite à ces propos, certaines réactions ont été virulentes. Ainsi le mot «parjure» a-t-il été prononcé par le député Ulrich Schlüer, qui appartient au même parti que Samuel Schmid (UDC, droite dure).
Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que la discussion va être des plus vives.
swissinfo et les agences
L’armée de milice a été introduite en 1874.
Son principe est inscrit dans la Constitution fédérale.
Le budget 2004 de la Défense est de 4,8 milliards de francs.
Dans les pays européens, la tendance est en faveur d’une professionnalisation de l’armée.
– Acceptée par le peuple suisse en 2003, Armée XXI est la 2e réforme de l’après-guerre froide.
– Cette réforme a créé une armée de 140’000 actifs (soldats de milice et 5000 militaires de carrière) et 80’000 réservistes.
– Elle assure la défense du territoire, la politique de sécurité (terrorisme) et la coopération militaire internationale.
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