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Le vote compliqué des Irakiens expatriés

Les affiches appellent au vote. Mais la participation au scrutin n’est pas garantie pour les Irakiens expatriés. Keystone

Les Irakiens vivant en Suisse seront obligés de se rendre en Allemagne ou en France pour participer à leurs élections nationales de fin janvier.

Mais bon nombre d’entre eux n’ont ni l’argent, ni les documents indispensables pour effectuer les voyages nécessaires.

Les Irakiens et les Irakiennes expatriés ont la possibilité de se rendre dans des bureaux de vote situés dans différents pays pour faire valoir leur bulletin et participer au premier scrutin libre de l’histoire de leur pays.

Au total, 14 Etats ont en effet répondu favorablement à l’appel de la Commission électorale indépendante irakienne pour des élections en Irak (IECI). Cette dernière s’est basée sur l’importance des communautés irakiennes expatriées pour effectuer son choix.

2800 Irakiens en Suisse

«J’ai parlé à beaucoup d’Irakiens et ceux-ci sont disposés à participer à l’élection. Ils la considèrent comme un devoir patriotique», explique Al-Ghazali d’Abdullah Suker, président de la communauté irakienne de Suisse. «C’est une opportunité pour démontrer au monde entier que nous sommes un pays démocratique.»

2800 ressortissants irakiens vivent en Suisse – dont 1200 n’ont pas encore atteint l’âge de la majorité. Mais pour ces électeurs potentiels, la participation au scrutin ne sera pas chose aisée.

Ils devront en effet se rendre en France voisine ou en Allemagne – Munich et Mannheim sont les bureaux les plus proches – car il n’y aura aucun local ouvert en Suisse.

Dans la pratique, ils devront même effectuer deux voyages. Un premier entre le 17 et le 23 janvier afin de s’inscrire et le second entre le 28 et le 30 pour glisser leur bulletin dans l’urne.

Un parcours semé d’embûches

Le problème est que les frais inhérents à ces déplacements sont trop élevés pour la plupart d’entre eux. Sans compter le fait que beaucoup sont sujets à des restrictions de voyage, en raison de leur statut juridique de réfugiés ou de demandeurs d’asile en Suisse.

Les personnes dont les cas sont en suspens et ceux qui n’ont reçu qu’une autorisation de séjour provisoire en Suisse ne peuvent en principe pas quitter le pays», confirme Mario Tuor de l’Office fédéral des migrations (ODM).

Mais 800 personnes concernées par ce problème recevront un permis spécial pour le temps des élections. Les difficultés ne sont pas balayées pour autant, puisqu’elles devront encore recevoir un visa de la part de la France ou de l’Allemagne pour avoir le droit de pénétrer sur leur territoire.

L’ambassade d’Allemagne en Suisse a annoncé qu’elle facilitait les procédures de visa pour les électeurs irakiens jusqu’au 19 janvier. «L’Allemagne veut soutenir ces élections et il est normal que les Irakiens expatriés puissent venir voter dans notre pays», lance Wolfgang Spliesgart.

Mais le porte-parole de l’ambassade d’Allemagne précise que les visas ne seront délivrés qu’aux personnes ayant les papiers nécessaires et uniquement si elles arrivent à prouver qu’elles retourneront en Suisse.

A noter que, selon les Conventions de Genève de 1951, les Irakiens de Suisse qui possèdent le statut de réfugié n’ont pas besoin d’un visa, à moins d’avoir épuisé leur quota de 90 jours à l’étranger pour une période de six mois.

Trop cher

Comme environ 1600 de ses compatriotes, Al-Ghazali de Suker fait partie des Irakiens ayant le droit de vote, et détenteurs d’un permis de séjour en Suisse. «J’irai à Mannheim avec mon épouse et mon fils pour voter», confirme-t-il.

Parallèlement, il essaie d’organiser un voyage collectif au départ de Berne. «J’ai demandé une offre à une agence de voyage afin de me rendre compte à combien une telle entreprise revenait.»

Selon lui, cela est nécessaire, car beaucoup d’Irakiens risquent de renoncer aux déplacements au vu des coûts, et de la très forte dépense d’énergie que nécessite l’organisation des voyages.

«Mais si nous renonçons ou si les élections sont reportées, les fanatiques et les bandits d’Irak verront cela comme une victoire, conclut-il. Notre région ne doit pas manquer la chance qui lui est offerte.»

Al Tamer Sabâa Al Joumaili, directeur du centre Ishraq situé à Lausanne, tente également d’organiser un voyage à Munich afin de faciliter l’accès à ces élections à nombre de ses compatriotes. 15 personnes se sont déjà annoncées.

swissinfo, Christian Raaflaub et Islah Bakhat
(traduction et adaptation: Mathias Froidevaux)

14 pays au total ont accepté de tenir sur leur sol les élections irakiennes, selon l’OIM:
Ce sont l’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la France, l’Iran, la Jordanie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, la Syrie, la Turquie et les Emirats arabes unis.

– Les Irakiens et les Irakiennes né(e)s avant le 31 décembre 1986 sont autorisés à prendre part au scrutin.

– Comme la Suisse ne fait pas partie des 14 pays où des locaux de vote seront ouverts pour les Irakiens expatriés, les ressortissants irakiens de Suisse auront de très grandes difficultés pour aller voter.

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