Des perspectives suisses en 10 langues

Les événements en Syrie divisent la diaspora de Suisse

Les sympathisants des protestataires en Syrie appellent à l’arrêt de la répression. swissinfo.ch

Pour certains Syriens de Suisse, les manifestations et la répression policière qui agitent leur pays sont une émanation du printemps arabe. Mais d’autres y voient l’œuvre de forces diplomatiques extérieures plus larges.

Tous les Syriens de Suisse contactés par swissinfo.ch reconnaissent que des réformes sont nécessaires, mais tous ne sont pas unanimes à propos des moyens à mettre en œuvre pour les obtenir, de leur contenu ou des vrais responsables des récentes violences.

Les défenseurs des droits humains estiment que 1000 personnes ont été tuées depuis le début des protestations, à la mi-mars.

Raymond Arbash, Suisse d’origine syrienne vivant à Fribourg, est convaincu qu’il existe «une conspiration directe contre le pays dont la politique ne convient pas aux pays occidentaux et à Israël, leur allié dans la région». Il ajoute que les troubles visent à «briser les liens de la Syrie avec l’Iran ainsi que la résistance palestinienne».

De même, Suhail Kurriya, installé depuis plus de trente ans à Genève où il est employé dans une société financière, estime que les événements actuels sont le résultat «d’un complot extérieur planifié par l’opposition à l’étranger».

«Ce n’est pas une révolution populaire, comme l’affirment certains médias. Ce sont des événements orchestrés par des Syriens qui cherchent à déstabiliser le pays avec l’aide de puissances étrangères», affirme-t-il.

Conspiration étrangère

Conspiration ou non, presque chaque pays de la région est tôt ou tard confronté à des revendications de réformes depuis le déclenchement du printemps arabe en Tunisie en décembre.

C’est la situation générale de la région qui explique ce qui se passe actuellement en Syrie, selon Ameen Muhammad, rédacteur en chef de la rubrique en arabe de Subaru, site d’information en ligne de l’opposition syrienne basée en Suisse.

Une conspiration est peu vraisemblable, «parce qu’il est impossible pour n’importe quelle puissance étrangère de mobiliser de telles foules dans une zone géographique aussi vaste». Muhammad croit plutôt que «la situation a explosé en raison des pressions et des tensions subies par les citoyens Syriens pendant des décennies de persécutions et d’injustices».

Il fallait s’attendre à une révolte, confirme Lafa Khalid, journaliste syrienne établie en Suisse et porte-parole d’une coalition de jeunes révolutionnaires syriens. «C’est normal que la population se révolte contre un régime qui a usurpé le pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire il y a plus de 40 ans, relève-t-elle. Nous sommes en présence d’une lutte pacifique pour obtenir des droits légitimes. Tout ce que demandent les Syriens, c’est la liberté.»

De son côté, Muhammad ajoute que les affirmations selon lesquelles le régime syrien serait visé en raison de sa position envers Israël est «une excuse bien faible que le régime a toujours invoquée pour demeurer au pouvoir».

Besoin de changement

Les vues divergent aussi pour ce qui est des responsables des violences exercées contre les protestataires. En revanche, partisans et opposants au régime s’accordent pour dire qu’il y a un urgent besoin de réformes.

Très hostile au mouvement de protestation, Kurriya estime que les véritables objectifs des manifestants ne s’arrêtent pas à des réformes politiques. «Il y a un besoin de changement en Syrie, personne ne nie cela, mais ce n’est pas la principale cause des événements. On est loin de la mobilisation populaire massive qui a soulevé la Tunisie ou l’Egypte, mais on est en présence d’un groupe armé qui veut s’en prendre à la stabilité et à la sécurité de l’Etat.»

Au contraire, pour l’activiste Khalid, «ceux qui dirigent les manifestants sont des représentants de toute la population».

La communauté syrienne de Suisse compte également des défenseurs du régime, mais eux aussi reconnaissent que, de manière générale, des changements et des réformes sont indispensables. «Je suis favorable à des réformes et si le régime n’en prend pas l’initiative, je m’opposerai à lui, déclare Arbash. J’entends par là l’introduction du multipartisme, la levée de l’état d’urgence et l’éradication de la corruption par une refonte totale du système administratif actuel.»

Mais il estime que le mouvement doit cesser une fois ces réformes obtenues, sans chercher à renverser le régime dans son entier, avec le danger de voir «des éléments extrémistes salafistes et des Frères musulmans prendre le pouvoir et menacer la stabilité et la coexistence religieuse dans le pays.»

Craintes de surenchère

Agiter l’épouvantail de l’extrémisme et des peurs pour l’équilibre interreligieux n’a pas de sens et est plutôt le fait de «manœuvres pour esquiver la responsabilité d’une transition démocratique dans ce pays, où le régime s’est mis en place après le putsch militaire des années 1960», remarque Muhammad, qui exclut également tout risque de guerre civile.

Le pouvoir en place a toujours excité les peurs, notamment en «jouant la carte de la religion», affirme Khalid.

«Au départ, il a accusé les manifestants d’être des terroristes de l’extérieur et, plus tard, des islamistes fanatiques. Voilà qu’aujourd’hui il brandit la carte des Alawi (communauté religieuse à laquelle appartient la famille Assad). «C’est parce que le régime al-Assad sait qu’il va devoir partir qu’il utilise tous les atouts possibles.»

Majoritaires. Les opposants au pouvoir syrien, qui semblent majoritaires au sein de la communauté de Suisse, ont régulièrement manifesté devant l’ambassade et ont rencontré des représentants du Parlement et des autorités helvétiques, ainsi que d’organisations internationales pour leur expliquer la situation sur le terrain.

Coalition. A Genève, un groupe a également créé la «coalition des Syriens de Suisse», dans le but d’informer les médias suisses sur la situation qui règne sur place.

Avoirs. La Suisse a imposé des sanctions contre la Syrie, notamment, depuis le 25 mai, un gel de tous les avoirs déposés dans les banque suisses par des membres du régime syrien. Toute personne détenant des informations concernant des avoirs syriens en Suisse est tenue d’en informer le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco).

Voyages. Les personnes figurant sur la liste, qui compte aussi le président Bashar al-Assad, sont également frappées d’une interdiction de voyager en Suisse.

UE. Ces mesures sont conformes aux sanctions prises par l’Union européenne, en réaction à la violente répression exercée par l’armée et la sécurité syriennes contre des manifestants pacifiques.

Turquie. L’opposition politique syrienne est sur le point d’organiser une conférence pour «sauver» la Syrie en juin en Turquie, selon Lafa Khalid, membre du comité d’organisation.

Court terme. La priorité de cette conférence est de stopper les violences exercées contre la population par les forces de sécurité syriennes.

Long terme. Ses objectifs à moyen et long terme visent à mettre fin au système du parti unique et de préparer une nouvelle Constitution. Certains ont l’intention de proposer l’établissement d’un gouvernement ad intérim pour prendre le relais après la chute du régime.

(Adaptation en anglais, Muhammad Shokry, et en français, Isabelle Eichenberger)

Les plus lus
Cinquième Suisse

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision