Les défis du nouveau commandant des gardes suisses
Daniel Rudolf Anrig est le 34e chef de l'histoire de la Garde suisse pontificale. Mais une affaire liée à son passé professionnel a resurgi dans les médias et entoure la nomination du Saint-Gallois de relents de polémique. Reportage au Vatican.
«Il s’agit d’événements vieux de cinq ans. Tout à été réglé depuis. Il est étonnant que les journaux choisissent de revenir sur cette histoire maintenant».
L’officier avait décidé de se taire, mais face à l’assaut des journalistes internationaux qui se sont emparés de l’affaire, Daniel Rudolf Anrig, le nouveau commandant en chef de la Garde suisse pontificale, a finalement préféré rompre le silence. «C’est une histoire qui a trouvé une issue positive pour mes hommes et moi-même, puisque la magistrature avait classé la plainte».
L’affaire, qui a refait surface à l’occasion de la nomination du jeune commandant, âgé de 37 ans, père de quatre enfants et marié à une théologienne, remonte à 2003. A cette époque, Daniel Rudolf Anrig était commandant de la police du canton de Glaris.
Après une descente anti-drogue dans un centre d’accueil pour requérants d’asile, ses hommes, qui avaient opéré à visage couvert pour ne pas être reconnus, avaient été accusés d’avoir commis des actes de violences et d’humiliation, dont certains de nature sexuelle. Une plainte avait aussi été déposée par Amnesty International.
La justice avait finalement blanchi le commandant et son équipe, mais elle avait relevé des «comportements inadéquats» et Daniel Rudolf Anrig avait été condamné à une amende de 500 francs ainsi qu’au paiement de la moitié des frais de justice.
«Dieu m’a préparé de plusieurs manières»
Après le quotidien zurichois Tages Anzeiger, ces dernières semaines ce fut au tour du Spiegel Online, le site internet du fameux magazine allemand, d’évoquer cet épisode. Et vendredi dernier, la presse italienne emboitait le pas aux deux médias dans ses colonnes.
Réagissant à cette lame de fond médiatique, Daniel Rudolf Anrig a expliqué que «le travail de la police est souvent l’objet d’interprétations». «De toute façon, en tant que responsable, je me sens le devoir de tenir compte d’opinions différentes, notamment dans le but de m’améliorer», a-t-il expliqué.
Et ce n’est peut-être pas un hasard si, dans son discours inaugural, Daniel Rudolf Anrig – qui avait d’ailleurs été hallebardier de la Garde suisse pontificale il y a une vingtaine d’années – a déclaré: «Avec mon retour au sein de la Garde, et fort des expériences accumulées dans ma vie professionnelle et dans la société, je pense être prêt pour assumer cette délicate mission. Dieu m’y a préparé de plusieurs manières».
«Tout a été réglé»
Des propos qui n’ont pas pesé sur la cérémonie qui s’est déroulée conjointement à la bénédiction de l’étendard de la Garde. Après quoi, le nouveau commandant de cette armée de 110 hommes, qui ont juré fidélité et engagement pour la sécurité du souverain pontife, n’a pas esquivé les quelques questions relatives l’«affaire».
«Il n’y a aucun problème, tout a été expliqué et pour nous l’affaire est close, a assuré pour sa part le chanoine Alain de Raemy, aumônier de la Garde. Par ailleurs, le commandant Anrig a fait preuve d’une grande ouverture quant à cette question, il a même ajouté que cette expérience avait été une source d’enseignement».
Et si un jour la Garde suisse perdait sa mission de protection du souverain pontife au profit de la gendarmerie italienne – une crainte exprimée à plusieurs reprises par l’ex commandant Thomas E. Maeder ? La perspective n’affole pas nos interlocuteurs.
«Je ne suis pas ici depuis très longtemps. Mais riche de mon expérience helvétique, où le fédéralisme nous enseigne à collaborer, je suis confiant et j’espère pouvoir appliquer cette méthode au Vatican», affirme le nouveau commandant.
De son côté, le chanoine De Raemy, ajoute que «le fait qu’il y ait un peu de concurrence est tout à fait normal. Il s’agit de deux domaines de responsabilité assez proches, mais je crois que la personnalité du nouveau commandant suisse sera une occasion de renouveler les liens entre nous tous».
swissinfo, Aldo Sofia, Cité du Vatican
La Garde suisse pontificale a été fondée le 22 janvier 1506 par le Pape Jules II, qui avait commandé des lansquenets à la Diète suisse.
Aujourd’hui, la «plus petite armée du monde» compte 110 hommes chargés de la défense du souverain pontife.
Les conditions d’admission sont: être de nationalité suisse, de sexe masculin, âgé de 19 à 30 ans, mesurer au moins 174 cm, avoir un certificat fédéral de capacité professionnel ou une maturité.
Les candidats doivent être célibataires au moment de l’admission mais peuvent se marier au cours de leur mandat.
La durée minimum de l’engagement est de deux ans.
Il est né le 10 juillet 1972 à Walenstadt, dans le canton de Saint-Gall. Daniel Rudolf Anrig est marié et père de quatre enfants.
De 1992 à 1994, il a été hallebardier de la Garde suisse pontificale.
Rentré au pays en 1999, il a obtenu sa licence en droit civil et ecclésiastique à l’Université de Fribourg. Il a aussi été assistant de la chaire de droit civil de cette même université durant deux ans.
Daniel Rudolf Anrig a dirigé la police criminelle du canton de Glaris de 2002 à 2006.
En 2006, il a été nommé capitaine de l’armée suisse avec la charge de commandement général de Corps de police du canton de Glaris.
Le 19 août, le Pape Benoît XVI l’a désigné commandant de la Garde suisse auprès du Saint-Siège, (le 34e, avec grade de colonel).
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