Les enjeux de la réunion de Genève sur l’Irak
La coopération suisse met les bouchées doubles pour mettre sur pied sa réunion humanitaire sur l'Irak... Probablement sans l'Irak.
Selon le journal Le Temps, l’initiative de la ministre Micheline Calmy-Rey aurait pris une tournure politique embarassante.
Annoncé lundi par la nouvelle ministre suisse des Affaires étrangères, le projet de réunion humanitaire sur l’Irak se précise.
On sait désormais qu’elle sera organisée le week-end du 15 et 16 février au Centre international de conférences (CICG) de Genève. Et qu’elle se déroulera à huis-clos.
«Au niveau gouvernemental, nous invitons les responsables en charge des questions humanitaires, précise Joachim Ahrens. Dans certains pays, ils ont le rang de ministre. Mais, dans d’autres, comme en Suisse, ce sont de hauts-fonctionnaires.»
Et le porte-parole de l’agence de coopération suisse (DDC) d’ajouter que les responsables des principales agences onusiennes telles que l’OCHA, le HCR et le PAM seront aussi de la partie. Tout comme ceux du Comité international de la Croix rouge (CICR).
«Nous cherchons à mettre sur pied une plate-forme qui permettra à tous les protagonistes d’échanger leurs informations et de coordonner leurs efforts», dit Joachim Ahrens.
Une tournure politique embarassante
Selon les affaires étrangères, les pays invités sont l’Irak et ses voisins, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres pays membres de l’Union européenne.
Voilà pour le côté officiel. Mais, à en croire l’édition de vendredi du journal Le Temps, l’affaire prendrait une tournure politique inopinée et embarassante pour la cheffe de la diplomatie suisse, Micheline Calmy-Rey.
En effet, plusieurs pays, Etats-Unis en tête, auraient fait part de leur opposition à la présence des Irakiens à la réunion humanitaire de Genève.
Pire, toujours selon Le Temps, la Suisse aurait cédé aux pressions.
Un nouvel épisode qui apporte de l’eau au moulin de ceux – à l’étranger et en Suisse – qui estiment que la nouvelle ministre des Affaires étrangères aurait dû mieux tâter le terrain avant d’annoncer publiquement son initiative.
Pas de procès contre les Etats-Unis
Membre de la Commission de politique extérieure du Conseil national, Claude Frey n’a jamais caché ses réserves vis-à-vis du style Calmy-Rey. Au téléphone de swissinfo, il nuance toutefois ses propos.
«Certes, admet le radical neuchâtelois, j’approuve l’idée d’un colloque d’experts pour coordonner l’aide aux victimes de la guerre et la reconstruction de l’Irak.»
«Mais, ajoute-t-il aussitôt, il ne faudrait surtout pas que cette réunion se transforme en procès contre les Etats-Unis.»
Un moment-clé de la crise irakienne
Une chose est sûre: les enjeux de cette réunion sont très importants. D’autant plus que – hasard du calendrier – les discussions dérouleront à un moment-clé de la crise irakienne.
En effet, c’est la veille, le 14 février, que le responsable des inspecteurs en désarmement de l’ONU doit présenter son nouveau rapport devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Le jugement que portera Hans Blix sur les autorités irakiennes et leurs éventuelles dissimulations aura un impact déterminant sur la décision de cautionner ou non les hostilités.
Il aura, par conséquent, aussi des conséquences sur les discussions de la réunion humanitaire de Genève.
Une initiative qui suscite des espoirs
Cela dit, la nouvelle cheffe de la diplomatie helvétique n’a pas que des détracteurs. Mieux, certains espèrent beaucoup de sa réunion sur l’Irak.
«Ce qu’il y a de tout nouveau dans l’initiative de Micheline Calmy-Rey, c’est sa volonté de réunir des responsables politiques et humanitaires avant même le déclenchement des hostilités», relève l’ancien secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et ambassadeur Edouard Brunner.
Professeur à l’Institut des hautes études internationales Victor-Yves Ghebali, lui, espère que cette réunion mettra en lumière les conséquences humaines dramatiques de cette guerre. Et qu’elle débouchera sur une vraie prise de conscience.
Même son de cloche chez le co-président des Verts suisses. «Il ne faudrait pas, lance Patrice Mugny, que cette réunion serve seulement à gérer les dégâts collatéraux de cette guerre.»
«Il faut, ajoute-t-il, qu’elle serve à mettre tous les gouvernements concernés devant leur responsabilité. Et qu’elle montre bien aux opinions publiques la catastrophe qu’impliquerait une telle guerre.»
swissinfo, Frédéric Burnand, Genève
La réunion est officiellement intitulée «Humanitarian meeting Iraq»
Elle se tiendra à huis clos à Genève les 15 et 16 février
Elle sera présidée par la ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey
La Suisse compte sur la participation de 15 organisations internationales et de 30 Etats
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