Les Européens attendent la Suisse au contour
L'Union européenne s'est réjouie du résultat de la votation sur la libre circulation. La Suisse a plein de projets dans ses cartons. Mais gare aux lendemains qui déchantent.
Alors que la République tchèque, qui actuellement préside l’Union européenne (UE), a «félicité le peuple de la Confédération suisse pour avoir exprimé son désir de poursuivre la coopération avec l’Union sur la libre circulation des personnes», le président de la Commission européenne José Manuel Durão Barroso a qualifié «d’excellent» le résultat du référendum.
«Ce vote positif ouvre la voie au renforcement du tissu existant de nos relations d’intérêt mutuel. Je suis confiant que nous allons encore intensifier nos relations excellentes», a-t-il ajouté dans une déclaration écrite.
Un pays modèle?
Cet optimisme ne signifie toutefois pas que les Européens considèrent la Suisse – qui se targue d’être le seul pays d’Europe occidentale à s’être prononcé positivement par référendum sur l’élargissement de l’Union vers l’est du Vieux continent – comme un pays modèle qui mérite toutes les attentions.
On s’attend, à Bruxelles, à ce que la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey véhicule ce genre de message lors de la visite qu’elle rendra jeudi à la Commission européenne. Elle y sera bien accueillie, certes, mais en même temps, l’exécutif communautaire ramenera rapidement Berne les pieds sur terre.
«La seule raison de jubiler, c’est qu’on a évité la catastrophe», note l’avocat helvétique Jean Russotto, un grand connaisseur des relations entre Berne et l’Union européenne.
Pas une «promenade dominicale»
«Mais on peut toujours craindre des lendemains qui déchantent. Ce vote, naturellement égoïste, est un plébiscite clair pour la voie bilatérale, qui est de plus en plus compliquée à maintenir». Elle ne sera jamais une «promenade dominicale», confirme, du côté européen, la Bulgare Bilyana Ilieva Raeva, qui préside la délégation du Parlement européen en charge des relations avec la Suisse.
On s’en apercevra probablement dès vendredi: une nouvelle réunion de «dialogue» sur le casse-tête des régimes fiscaux cantonaux qui, selon l’UE, menacent le bon fonctionnement de l’accord de libre-échange de 1972, se tiendra ce jour-là dans la capitale de l’Europe.
Les concessions que la Suisse s’est déclarée prête à faire à l’Union dans l’espoir d’aplanir leurs divergences laissent la Commission perplexe. Bruxelles se réjouit de l’abolition annoncée du régime des sociétés boîtes aux lettres, mais suspecte toujours la Suisse de vouloir préserver certains avantages contestés dont bénéficient les holdings et les sociétés mixtes.
Des solutions avant juin
L’avenir du bilatéralisme, que Berne voit en grand (des négociations ont débuté ou sont prévues sur l’électricité, le libre-échange agricole, la santé publique, le système européen de navigation par satellite Galileo, le commerce des droits d’émission de CO2, la sécurité des produits chimiques, la fiscalité de l’épargne, la participation de la Suisse aux missions de paix de l’UE, la coopération judiciaire et dans le domaine de l’équipement militaire), dépendra largement de l’évolution de ce dossier sensible-
Pour sa part, Bilyana Ilieva Raeva réclame que des «solutions» soient trouvées avant les élection européennes de juin.
Le 8 décembre 2008, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ont en effet édicté de nouvelles règles du jeu sévères pour la Suisse, qui s’articulent autour de deux axes: le «parallélisme» – plus question de ne conclure que des accords bilatéraux favorables à Berne – et l’alignement, quasi-systématique, de la législation helvétique sur celle de l’UE.
Dans ce contexte, ils avaient également critiqué certaines mesures d’accompagnement suisses de l’accord sur la libre circulation des personnes.
swissinfo, Tanguy Verhoosel à Bruxelles
La cheffe de la diplomatie suisse y rencontrera Benita Ferrero-Waldner et Javier Solana, quatre jours après la votation sur la reconduction et l’extension de la libre circulation des personnes. Cette visite entre dans le cadre des rencontres régulières entre les deux parties.
Atalanta. Une décision du Conseil fédéral prévue jeudi concernant une participation suisse à la mission européenne «Atalante », contre la piraterie au large de la Somalie, est encore incertaine. Le thème sera cependant sans aucun doute au centre de l’entrevue de Mme Calmy-Rey avec le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana.
Justice. Fin novembre 2008, un accord a été signé entre la Suisse et l’organisation européenne de coordination judiciaire Eurojust sur la lutte contre la grande criminalité. Le Parlement doit encore ratifier cet accord.
Electricité. Depuis 2006, des négociations sont en cours sur le transit transfrontalier de l’électricité et le libre accès mutuel aux marchés.
Agriculture. Des négociations sont en cours sur un libre- échange dans le secteur agro-alimentaire. Cet accord doit permettre d’ouvrir les marchés respectifs aux produits agricoles et alimentaires ainsi que d’éliminer les entraves comme les droits de douanes et autres barrières.
Santé publique. Ces négociations visent une coopération renforcée et institutionnalisée dans le domaine de la santé publique. La priorité est la participation de la Suisse au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et à l’Autorité européenne de sécurité des aliments ainsi qu’aux systèmes d’alerte rapide.
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