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Les exportations d’armes sur la sellette

Keystone

Le peuple se prononce le 29 novembre sur une initiative demandant que les exportations d'armes soient interdites en Suisse. Ce thème provoque un classique affrontement gauche-droite où les considérations éthiques s'opposent à des arguments économiques et stratégiques.

Cette initiative populaire du Groupe pour une suisse sans armée (GssA) entend mettre fin au «commerce de la mort». Elle demande que l’exportation d’armes et de munitions soit interdite. Seraient également interdits à l’exportation les biens militaires spéciaux et les technologies essentielles au développement ou à la fabrication d’armes.

Ne seraient en revanche pas concernées par l’interdiction les armes de sport ou de chasse reconnues comme telles ainsi que le matériel nécessaire au déminage humanitaire.

Les auteurs de l’initiative ne s’intéressent pas uniquement aux exportations. Ils demandent également que le courtage et le commerce des armes soient interdits en Suisse si le destinataire a son siège ou son domicile à l’étranger.

Une question d’éthique

Cette initiative est soutenue par l’ensemble des partis de gauche et quelques mouvements de chrétiens engagés. Pour eux, interdire l’exportation d’armes se justifie avant tout pour des raisons éthiques.

«Ce commerce est éthiquement inacceptable, déclare le député socialiste Carlo Sommaruga. Particulièrement en Suisse, un pays qui se veut neutre, qui sert de médiateur au niveau international, qui est dépositaire des Convention de Genève et qui est actif dans le domaine humanitaire.»

Mais les opposants à l’initiative – en fait toute la droite – ne se laissent pas démonter par cette argumentation éthique. Et eux aussi avancent des arguments de nature morale.

«Le peuple suisse est attaché à des valeurs telles que l’indépendance et la neutralité, déclare le député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Hans Fehr. Si nous supprimons le secteur de l’armement, cela va à l’encontre de ces valeurs, car les autres pays penseront que la Suisse ne veut plus se défendre.»

Pertes d’emplois

Mais la droite avance également des arguments plus concrets pour justifier son refus. Parmi eux, figure en bonne place celui des pertes d’emplois.

Interdire les exportations d’armes équivaudrait à faire mourir le secteur de l’armement en Suisse, estiment les partis bourgeois. Une telle disparition provoquerait inévitablement des pertes d’emplois.

Le nombre de ces pertes n’est pas réellement connu. Toutefois le nombre le plus souvent cité au cours de la campagne est de 5000. Quoi qu’il en soit, «dans la situation de récession que nous traversons actuellement, il est irresponsable de supprimer tout un secteur», juge Hans Fehr.

Les auteurs de l’initiative ont bien sûr prévu cet argument. C’est la raison pour laquelle leur texte demande que la Confédération soutienne pendant dix ans les régions concernées par cette interdiction, sans autre précision.

Pour Carlo Sommaruga, la reconversion est la clef du problème. «Lorsqu’un produit ne peut plus être vendu, il faut que les industries qui le vendaient commencent à réfléchir à d’autres types de production, déclare-t-il. Nous disposons en Suisse de savoirs qui peuvent servir à autre chose qu’à la destruction et la guerre.»

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Armée sans armes

Une autre crainte de la droite, c’est que la disparition de l’industrie suisse de l’armement ne pose des problèmes à l’armée et, par conséquent, mette en péril la défense nationale.

«La Suisse doit avoir une industrie d’armement pour rester indépendante, estime Hans Fehr. Si nous dépendons de l’étranger, qui va garantir que nous pourrons importer du matériel en cas de nécessité?»

«Dans la perspective de la mondialisation et d’une intégration économique toujours plus forte en Europe, l’indépendance de l’industrie d’armement au profit de sa propre armée n’est plus un problème, rétorque Carlo Sommaruga. Aujourd’hui déjà, pratiquement tous les éléments essentiels de l’armée suisse – armes lourdes, transports, aviation – sont achetés à l’étranger.»

Mauvais usage

Plusieurs affaires ces dernières années ont montré qu’il arrivait que du matériel en provenance de Suisse parvienne dans des zones de conflit, alors que la législation fédérale stipule le contraire.

«Les règles sont extrêmement perméables, estime Carlo Sommaruga. Nous voyons que les dispositions légales actuelles ne permettent pas d’assurer que les armes produites en Suisse ou vendue par la Suisse ne se retrouvent pas utilisées lors de conflit.» Pour la gauche, l’interdiction d’exporter permettrait donc de régler définitivement le problème.

Pour éviter de nouveaux cas litigieux, le gouvernement a récemment renforcé la législation. Pour la droite, la législation est son application par le gouvernement sont des «garde-fous» suffisants.

«Nous avons des critères très clairs, juge Hans Fehr. Ce système fonctionne très bien, car c’est en fin de compte toujours le gouvernement qui décide.»

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

L’initiative «Pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre» a été lancée en 2006 par le Groupe pour une Suisse sans armée.

Munie de plus 109’000 signatures, elle demande l’interdiction d’exporter du matériel de guerre ainsi que des technologies destinées à la fabrications d’armes depuis la Suisse.

Le courtage et le commerce d’armes ayant pour destinataire des sociétés établies à l’étranger seraient également interdit.

Les auteurs de l’initiative demande une aide fédérale de dix ans en faveur des régions qui seraient touchées économiquement par cette interdiction.

Le gouvernement ainsi que le Parlement demandent au peuple de refuser cette initiative.

En 1997, le peuple s’était déjà prononcé sur une initiative également nommée «pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre».

Cette proposition avait été balayée par 77,5% des citoyens et tous les cantons.

En 1972, une initiative intitulée «pour un contrôle renforcé des industries d’armement et l’interdiction d’exportations d’armes» avait connu davantage de succès.

Elle n’avait été refusée que d’extrême justesse par 50,3% des citoyens.

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