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Les «Faiseurs de Suisses» dansent et chantent!

La comédie musicale sera créée le 16 septembre à Zurich. Keystone

Le célébrissime film de Rolf Lyssy, avec Emil Steinberger, revit: plus de 30 ans après leur sortie en 1978, «Les Faiseurs de Suisses» se transforment en comédie musicale, avec des chansons qui en renforcent la charge pamphlétaire.

Des perruques de toutes les tailles, des dizaines de paires de chaussures, des petites mains qui cousent à toute vitesse des mètres de tissus oranges et bruns appelés à devenir des habits typiques des années 70: ce sont les coulisses, un peu stressées, d’une comédie musicale qui sera créée le 16 septembre à Zurich.

Qu’a-t-elle de spécial, cette création, dans un paysage culturel alémanique qui enchaîne les «musicals», invités ou créés sur place, pour le plus grand plaisir du public, depuis plus de dix ans? Son originalité: ce sont les «Faiseurs de Suisse» qui renaissent, du nom du plus grand succès du cinéma helvète à ce jour, avec plus d’un million d’entrées, sorti en 1978.

Les fonctionnaires de la police cantonale zurichoise interprétés par Emil Steinberger et Karl Lüond sont encore dans toutes les mémoires. L’absurdité de leur travail – contrôler la «suissitude» des candidats à la naturalisation – doublée d’une histoire d’amour, était filmée avec un humour ravageur par Rolf Lyssy.

Mais dans une comédie musicale, un genre où les histoires à tendance sirupeuse ou folklorique sont plus fréquentes que les scénarios «à texte», ces «faiseurs de Suisses» ne risquaient-ils pas de perdre leur âme? D’après la visite des coulisses et les deux scènes intégrales présentées aux médias, il n’en est rien, au contraire.

Des Allemands désireux de devenir suisses!

D’une part, le scénario de Rolf Lyssy et sa dénonciation d’enquêtes pinailleuses sur la vie privée des citoyens sont toujours d’actualité. Un des couples candidats à la naturalisation de l’histoire est en outre allemand, ce qui n’est pas sans écho avec la réalité alémanique actuelle…

Mais, et c’est l’excellente surprise de l’aperçu présenté aux médias, les textes des chansons renforcent même la dénonciation originale. Si la chanson titre, «Heimatgfühl» – «sentiment de patrie» – est passe-partout, d’autres morceaux se moquent ouvertement de certains discours xénophobes actuels.

Affaire des fiches

Jusqu’au décor qui accentue le message: les parois sont formées de tiroirs de bureaux faisant immédiatement penser aux classeurs fédéraux qu’ils renferment et aux fiches qui viennent de refaire surface dans l’actualité suisse!

Le compositeur de la musique et auteur des textes des chansons Markus Schönholzer ne pense pas qu’on puisse aller jusqu’à parler de «comédie musicale politique». Mais «nous ne voulions surtout pas exclure les éléments politiques du film. A certains moments, on en a même fait un peu plus».

«Sinon on aura la saleté…»

C’est le cas du solo du policier Max Bodmer après la fondue, une des scènes clés du film. Le «méchant» fonctionnaire (alors que le personnage joué à l’époque par Emil, était le «bon»), ivre après la fondue, hurle – en chantant – son aversion des mauvais éléments de la société.

Il chante «la barque est pleine / démocratie / sinon on aura toute la saleté!» Titubant, il est peu à peu entouré par les autres personnages qui dansent une manifestation syndicale avec un drapeau noir et des slogans sociaux.

«Ce n’est pas parce qu’on fait une comédie musicale que seuls le rire et les larmes doivent être permis, poursuit Markus Schönholzer. C’est une tendance un peu énervante actuellement: dès qu’on pratique un art populaire, il semble qu’il y ait comme un interdit de réflexion! Il ne faut pas sous-estimer le public.»

Le producteur Darko Soolfrank tempère quelque peu. «Bien sûr, il y a aussi des éléments critiques sur la Suisse, mais c’est surtout une histoire d’amour.»

Le budget n’est pas encore définitif, précise Darko Soolfrank. Il dépend aussi de la durée des représentations. Il est question de 5, 6, voire 7 millions de francs, ce qui ferait de la comédie musicale une des, voire la plus importante production de ce genre. Migros est le sponsor principal.

Un passeport tout neuf pour l’actrice

Darko Soolfrank avait le sujet en tête depuis longtemps. «Je suis un secondo et je me souviens quand ma mère a subi les contrôles pour la naturalisation. Elle m’a caché quand le policier est venu.»

L’actrice Iréna Flury, qui joue le rôle féminin principal, celui de Milena Vakulic, rayonne: «Non seulement je suis fan du film, que nos parents d’origine suisse, nous ont montré plusieurs fois quand nous étions enfants, mais, en plus, j’ai reçu mon passeport suisse ce matin! Je suis super heureuse!»

Pour Milena, la parfaite secondo de l’histoire, née en Suisse de parents yougoslaves, la chose n’est pas si facile: elle finit par laisser tomber sa demande de naturalisation et quitter le pays avec son ex-policier de compagnon…

Né en 1936, le réalisateur Rolf Lyssy a réalisé, outre «Les Faiseurs de Suisse», son œuvre la plus connue, sortie en 1978, «Leo Sonnyboy», sur les mariages arrangés, en 1989.

Avant cela, il avait rencontré le succès en 1975 avec «Konfrontation», une fiction racontant l’assassinat – réel – d’un dignitaire nazi par un étudiant juif à Davos en 1936, et présenté au festival de Cannes.

Il tourne régulièrement des films documentaires.

swissinfo.ch: Etes-vous heureux de voir votre film revivre sur scène?

Rolf Lyssy: Très heureux! Je trouve que les auteurs de l’adaptation ont très bien travaillé. J’ai pu lire leur travail en cours de création et donner mon avis.

Comment jugez-vous la situation aujourd’hui, dans le domaine de la naturalisation?

Je viens de voir un reportage sur les enquêtes contre les mariages blancs, thème que j’avais traité dans le film «Leo Sonnyboy»: je n’en croyais pas mes yeux! Ce n’est pas mieux, vraiment pas.

Est-ce une bonne chose que le cadre temporel de la comédie musicale reste celui des années 70?

Oui, car une scène de théâtre est de toute façon un extrait de réalité, une abstraction. Cela n’aurait pas été possible, je crois, de transposer l’époque. L’adaptation est complètement fidèle au scnéario original et les textes des chansons en soulignent encore l’esprit. C’est pourquoi je suis très content.

La comédie musicale pourrait susciter quelque controverse…

(rires) Oui, effectivement, comme le film, et c’est très bien ainsi!

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