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«Les Occidentaux craignent la poudrière syrienne»

A Daraa, épicentre de la contestation contre le régime de Bachar al-Assad, l'armée a accentué la répression. AFP/youtube

Pour tenter de mettre fin à la contestation qui secoue la Syrie, Bachar el-Assad a opté pour la manière forte. Sous le regard embarrassé des puissances occidentales, qui redoutent une déstabilisation de la région, comme le souligne Lorenzo Suarez, qui revient d'un long séjour sur place.

Le mouvement de protestation sans précédent qui secoue la Syrie depuis six semaines et la répression toujours plus marquée qui l’accompagne aurait déjà fait plus de 400 morts, selon des organisations de défense des droits de l’homme.

Relativement prompte à sanctionner la répression du mouvement populaire en Libye, la communauté internationale a longtemps tergiversé face au régime syrien. Elle commence à peine à discuter de sanctions. Les grandes puissances auraient-elles peur d’affaiblir le régime de Bachar el-Assad au risque de déstabiliser toute la région?

C’est le point de vue du Genevois Lorenzo Suarez, qui est rentré le 20 mars dernier d’un séjour humanitaire de trois ans et demi en Syrie.

swissinfo.ch: Lors de vos trois ans passés en Syrie, avez-vous ressenti les prémisses de la contestation envers le régime en place?

Lorenzo Suarez: Je n’aurais jamais imaginé que de tels événements puissent se produire. Même lors des premières révoltes en Tunisie et en Egypte, personne dans mon entourage n’envisageait que la contestation puisse un jour atteindre Damas. Dans la population, y compris chez les jeunes, Bachar el-Assad était souvent bien perçu. Les Syriens le résumaient ainsi: Bachar el-Assad est un réformiste pétri de bonnes intentions mais entouré par une vieille garde de militaires et de pontes du renseignement hérités de son père, sources de tous les maux. Aujourd’hui, un nombre accru de Syriens demandent un changement à la tête même du régime, et non plus seulement dans l’entourage du président. C’est un élément nouveau.

swissinfo.ch: Comment expliquer alors que le mouvement de contestation ait pris une telle ampleur?

L.S.: Au départ, on a beaucoup insisté sur l’importance des réseaux sociaux tels Facebook ou Twitter. Mais les contestataires sur internet ne représentaient en fait qu’un nombre limité de personnes. La montée de la révolte s’est faite en réponse à des assassinats commis par le régime. On assiste à une spirale «répression-manifestations» qui se nourrit davantage de la violence avérée du régime face à la contestation que des arguments rationnels de l’opposition. Dans une région où les identités religieuses sont encore très marquées et les émotions peuvent vite prendre le dessus, le régime a joué avec le feu.

swissinfo.ch: Comme Benghazi en Libye, Deraa est-elle l’épicentre de la révolte contre le régime de Bachar el-Assad?

L.S.: Cette ville est sans nul doute au coeur du mouvement de contestation mais d’autres foyers ont émergé ailleurs dans le pays. Deraa a été longtemps une région oubliée et en proie à des difficultés économiques. Le chômage des jeunes y est certainement l’un des moteurs de la protestation, mais pas le seul. Les manifestants semblent provenir de différentes régions, classes sociales et courants politiques.

Les revendications sont également très hétéroclites. Les uns demandent la libération d’un proche emprisonné, d’autres exigent davantage de liberté économique ou politique, certains enfin s’opposent au système lui-même. A l’instar des mouvements observés en Tunisie, en Egypte ou ailleurs dans le monde arabe, le mouvement de contestation syrien n’a pas de base idéologique claire ni d’organisation autonome.

Dans la rue, c’est donc davantage l’homme de la révolte que l’homme de la révolution que l’on observe: celui qui refuse frontalement l’ordre établi sans pour autant avoir la volonté ou les moyens de proposer une alternative au pouvoir en place.

swissinfo.ch: A-t-on sous-estimé la capacité répressive du régime syrien?

L.S.: La répression actuelle est bien entendu totalement inacceptable, mais il s’agit tout de même de garder le sens des proportions. L’Etat n’est pas en train de commettre des attaques systématiques et généralisées à l’encontre de milliers de civils. Il mise plutôt sur des assassinats et des arrestations ciblées, dans l’espoir d’intimider et d’étouffer le mouvement.

En Occident, personne ne s’est jamais fait d’illusions sur le régime de Bachar el-Assad. Il n’a pas foncièrement changé de nature par rapport à celui de son père Hafez el-Assad, même si une tendance plus modérée s’est dessinée au fil du temps. La plus grande surprise ne vient pas du comportement du régime, mais de l’émergence et du développement rapide de la contestation elle-même.

swissinfo.ch: Craignez-vous que ces contestations engendrent des affrontements communautaires?

L.S.: Oui, je suis très inquiet. La Syrie est une mosaïque de communautés et de religions, tout comme l’Irak voisin. L’expérience historique de la sous-région fait donc craindre une nouvelle poudrière. Bien que les touristes et certains observateurs occidentaux qui témoignent de cette Syrie contemporaine ont parfois tendance à idéaliser un Etat stable et sûr bénéficiant d’une grande harmonie intercommunautaire, les relations entre les différentes communautés sont plus tendues qu’on ne le pense.

Les Alaouites aujourd’hui au pouvoir sont fréquemment accusés, à juste titre, de s’être appropriés les ressources de l’Etat et de l’économie privée. Le risque de radicalisation, nourri de ressentiment et de méfiance, est une réalité.  

swissinfo.ch: Le régime de Bachar el-Assad peut-il s’effondrer?

L.S. : Evidemment, tout est possible, comme l’ont démontré les cas tunisien, égyptien et libyen. Mais je pense que ce scénario est encore très lointain. Les manifestants sont encore relativement peu nombreux et les organes vitaux de l’appareil d’Etat ne sont pas, loin s’en faut, en péril. Deuxièmement, le mouvement de contestation ne porte pas de projet politique qui pourrait fédérer une majorité de la population. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les paramètres géopolitiques régionaux. Les grandes puissances influentes en Syrie et dans les pays voisins ne semblent pas disposées à courir le risque d’une intervention qui pourrait conduire à une nouvelle guerre civile au cœur d’une région déjà très instable.

A moins d’une escalade de la violence sur le long terme, les chancelleries occidentales s’en tiendront à des interventions essentiellement rhétoriques. Cela montre une nouvelle fois combien l’indignation de la communauté internationale reste encore et toujours très sélective, puisque la décision d’une intervention pour motifs dits «humanitaires» relève davantage de l’opportunité politique que d’une quelconque intégrité morale occidentale.  

Mercredi, plus de 230 membres du parti Baas (le parti au pouvoir), ont annoncé leur démission.

«Les services de sécurité ont démoli les valeurs sur lesquelles nous avons grandi. Nous dénonçons et condamnons tout ce qui s’est passé et annonçons sans regret notre retrait du parti», ont affirmé dans un communiqué les démissionnaires de la région de Banias.

Source: ATS

Les quinze pays du Conseil de sécurité de l’ONU ne sont pas parvenus à se mettre d’accord mercredi sur une déclaration commune pour condamner la répression sanglante en Syrie, ont indiqué des diplomates.

La Russie et la Chine ont bloqué une déclaration proposée par la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Portugal, qui condamnait l’intervention de l’armée et les tirs à balles réelles sur des manifestants.

 

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU tiendra vendredi à Genève une session spéciale sur la situation en Syrie, a indiqué mercredi un porte-parole onusien.

La demande de cette réunion a été déposée par les

Etats-Unis. Elle a été soutenue par la Suisse.

 

Source: ATS

Une superficie de 185’180 km2 (Suisse: 41 290 km2) pour 21 millions d’habitants dont 50% de citadins et 52% de moins de 25 ans (taux d’alphabétisation: 75%).

Une population composée d’Arabes (89 %), de Kurdes( 6 %), d’Arméniens (2 %), de Tcherkesses et d’Assyriens ( 3 %).

Une diversité confessionnelle répartie en musulmans sunnites (72 %), alaouites (secte d’origine islamique, mais considérés comme hérétique tant par les sunnites que par les chiites, 12 %), catholiques et protestants (6 %), chrétiens orthodoxes (4 %), druzes (secte d’origine islamique, mais considérés comme hérétique tant par les sunnites que par les chiites, 3 %), musulmans chiites 3 %).

 

Sources: Courrier International et Le Temps

Chiffres. En 2009, les exportations suisses s’élevaient à 209,4 millions de francs, les importations à 5,2 millions.


Coopération. Le Bureau de la coopération suisse (DDC) à Damas coordonne la coopération suisse au développement en Jordanie, en Syrie et au Liban.


Projets. La DDC apporte un soutien aux projets de petites ONG qui ont un impact social direct, qui font la promotion de la culture locale ou qui facilitent l’échange d’expériences régionales.

Paix. En 2011, la Suisse a annoncé le lancement d’un processus de paix régionale basé sur la gestion de l’eau. Un projet qui inclut la Syrie.

Expatriés. Les Suisses résidant en Syrie était 10 en 1947, 60 en 1981 et 196 en 2009 (dont 148 doubles nationaux).

En Suisse. Les Syriens vivant dans la Confédération étaient 1023 en 2009.

Source: DFAE, Dictionnaire historique de la Suisse

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