«Les parlementaires sont en campagne permanente»
Un an après les élections nationales, les Chambres fédérales sont-elles encore au diapason du peuple et défendent-elles les intérêts des Suisses de l’étranger? Les trois invités de notre débat filmé Let’s Talk ont passé sous la loupe l’action d’un Parlement plus à droite et moins vert.
Le 23 octobre 2023, le Parlement suisse glissait à droite, à la suite de la défaite électorale des écologistes et la progression de la droite conservatrice. Un an après, le politologue de l’institut gfs.bern Lukas Golder constate, dans notre débat Let’s Talk, que la polarisation s’est renforcée et que les Chambres ont du mal à trouver des solutions.
«Les parlementaires sont en campagne permanente. Ils pratiquent une sorte de politique symbolique. On connaissait déjà cela avec l’Union démocratique du centre (UDC), mais on le voit désormais aussi du côté du Parti socialiste (PS / gauche) et du PLR (Parti libéral radical / droite)», affirme le politologue.
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«Les Vert-e-s ne font plus peur»
Le journaliste parlementaire du groupe de presse Tamedia Florent Quiquerez constate que l’UDC bénéficie du contexte politique en Europe. «Il y a une forme de droitisation de la société européenne, qui fait office de caisse de résonance pour le discours de la droite conservatrice. Elle est ainsi parfois rejointe par le PLR et Le Centre sur les questions sécuritaires», estime ce dernier.
La journaliste Marie Vuilleumier, correspondante au Palais fédéral pour les radios régionales romandes (RRR), estime que la perte de cinq sièges par les écologistes au Conseil national a un impact concret sur les décisions prises sous la Coupole. «Les Vert-e-s et l’écologie étaient très présents au cours de la législature précédente, mais il y a désormais un retour de balancier», relève-t-elle dans l’émission.
«Les Vert-e-s ne font plus peur. Leurs dernières initiatives ont été rejetées par le peuple. Leurs adversaires n’ont ainsi plus vraiment d’intérêt à aller dans leur sens. Cela explique leur faiblesse», ajoute Florent Quiquerez. Lukas Golder nuance toutefois en rappelant que la politique énergétique a déjà été fixée et que la stratégie reste de miser sur les énergies renouvelables.
Le risque de blocage politique
Le PS et les Vert-e-s misent désormais sur les référendums pour défendre leurs idées. Cela a notamment marché lors du vote sur la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP), refusée par le peuple en septembre dernier. «C’est une stratégie qui fonctionne très bien, mais qui risque aussi de bloquer notre système politique», commente Lukas Golder.
Un avis partagé par Florent Quiquerez: «Je ne suis pas très optimiste sur la capacité de la Suisse à trouver des compromis ces prochains temps». À ses yeux, le référendum et l’initiative populaire sont les armes du faible. «Si vous êtes obligé d’y avoir recours, c’est que vous n’avez pas la capacité de faire passer vos projets au Parlement», note-t-il.
Une perte de confiance dans les institutions
Cette année, le Parlement et le gouvernement ont perdu sur deux thèmes majeurs soumis en votation fédérale, la réforme de la LPP et la 13e rente AVS. Lukas Golder considère que cela traduit un problème de confiance entre le Parlement et le peuple. «Si les parlementaires n’arrivent plus à convaincre le peuple avec des compromis, c’est vraiment un problème», dit-il.
Pour Marie Vuilleumier, il y a un décalage entre les préoccupations du peuple et celle des politiques. «Les parlementaires veulent par exemple résoudre des questions de financement des retraites sur le long terme, alors que la population craint surtout de ne pas avoir assez d’argent pour vivre à la retraite», note-t-elle.
La confiance des Suisses de l’étranger dans les autorités dépend de leur lieu d’habitation, de leur âge ou encore de leur niveau d’éducation, estime Alexandra de Mello, déléguée pour Singapour au Conseil des Suisses de l’étranger, qui participait à l’émission à distance.
«Les Suisses qui vivent dans un pays autocratique auront davantage confiance dans le système suisse multipartite. Celles et ceux qui vivent dans un pays où le système de gouvernance est très pointu auront peut-être une confiance moins importante dans les institutions helvétiques», dit-elle.
«Une influence proche de zéro»
Alexandra de Mello considère que l’influence de la Cinquième Suisse au Parlement est «très limitée». «Nous essayons de défendre nos intérêts à travers l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), mais nous estimons qu’il serait préférable d’avoir une représentation directe au Parlement, comme en Italie ou en France», note-t-elle.
«L’influence des Suisses de l’étranger au Parlement est proche de zéro», estime de son côté Florent Quiquerez. Il rappelle qu’après la démission de Tim Guldimann du Conseil national en 2018, le seul Suisse de l’étranger à avoir siégé sous la Coupole, la Cinquième Suisse n’a plus réussi à faire élire un représentant ou une représentante. «De plus, ni la gauche ni la droite ne semble prête à avancer sur le développement du vote électronique, l’une des principales revendications de la diaspora», note Florent Quiquerez.
Marie Vuilleumier se montre plus optimiste sur la question. «On sent une ouverture du Parlement pour développer les services électroniques», affirme-t-elle. Elle estime notamment que la nouvelle loi sur l’identité électronique devrait aboutir, ce qui constituerait un pas important vers la sécurisation de l’e-voting.
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