Nicolas Walder: «La Cinquième Suisse a moins de leviers au Parlement que les cantons»

Le conseiller national écologiste Nicolas Walder s'engage au Parlement pour défendre les intérêts des Suisses de l'étranger. Dans notre série «La Cinquième Suisse sous la Coupole», il explique quelles sont ses motivations.
Nicolas Walder a grandi à Carouge, dans le canton de Genève. Il a notamment étudié la sociologie et a travaillé plusieurs années pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans des régions en crise. Il a adhéré au parti écologiste suisse en 2001 et siège depuis 2019 au Conseil national, ou il est membre de la commission de politique extérieure.
La Cinquième Suisse sous la Coupole: Contrairement à la France ou l’Italie, qui accordent des circonscriptions électorales à leurs citoyens expatriés, les Suisses de l’étranger ne disposent pas de représentation directe sous la Coupole fédérale. Cela ne signifie pas pour autant que leurs intérêts ne sont pas pris en compte. Plus de 60 députés et sénateurs (sur 246) sont membres de l’intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger»Lien externe. Chaque semaine de session, nous donnons la parole à l’un d’entre eux dans notre nouveau format «La Cinquième Suisse sous la Coupole».
swissinfo.ch: Quel est selon vous le sujet le plus important de la session de printemps (3 au 21 mars) pour la Cinquième Suisse?
Nicolas Walder: Je dirais le versement de la 13ᵉ rente AVS, qui a été validé au début de cette session par le Conseil national. Nous avons aussi débattu de plusieurs conventions de double imposition, dont celle avec l’Allemagne. Cela revêt une importance particulière pour les Suisses de l’étranger mais aussi pour la Suisse dans son ensemble.
Quels sont vos liens avec la communauté des Suisses de l’étranger?
J’ai grandi dans les milieux internationaux à Genève et j’ai vécu plusieurs années à l’étranger en tant que délégué du CICR. S’expatrier n’est pas un reniement, ce n’est pas trahir son pays. Cela fait rayonner notre pays et montre au contraire que la Suisse est ouverte sur le monde.
Pourquoi vous engagez-vous en faveur de la Cinquième Suisse?
Ici au Parlement, la Cinquième Suisse n’a pas accès aux mêmes leviers pour défendre ses droits que d’autres groupes d’intérêt, par exemple les cantons. Par leurs expériences diverses, les Suisses de l’étranger apportent pourtant beaucoup à notre pays et au débat. C’est un réel enrichissement. Les expatriés ont aussi une vision beaucoup plus réaliste de la Suisse telle qu’elle est perçue à l’étranger.
Quelles victoires avez-vous pu obtenir en défendant les intérêts des Suisses de l’étranger?
L’un des grands intérêts de l’intergroupe parlementaire «Suisses de l’étranger», c’est de rappeler dans tous les débats au parlement qu’il y a 10% de Suisses qui vivent à l’étranger. Même s’il n’est pas facile de faire voter des propositions en faveur de la Cinquième Suisse, on arrive quand même à faire passer des messages et, je l’espère, à améliorer sa perception.
Il y a aussi certains dossiers qui avancent un peu plus vite grâce à l’engagement de l’intergroupe. Je pense notamment au vote électronique. On a l’impression que ça n’avance pas, mais c’est quand même un dossier qui a rebondi grâce à nos interventions alors qu’il était quasiment en état de mort clinique il y a peu.
Avez-vous aussi dû concéder des défaites?
On a perdu l’automne dernier une bataille sur la couverture maladie pour les Suisses de l’étranger. Mais le dossier n’est pas clos, on n’a donc pas perdu la guerre.
Sur les questions de nationalité également, il est difficile d’avancer dans le climat actuel. Mais nous ne baissons pas les bras pour autant. Nous souhaitons par exemple faciliter l’accès à la nationalité pour les descendants des Suisses de l’étranger à la suite d’une pétition venant de nos compatriotes d’Amérique latine. Une proposition en ce sens sera débattue au Conseil des États au cours de cette session.
Aujourd’hui, un autre dossier important pour la Cinquième Suisse me préoccupe, ce sont les coupes annoncées par le Conseil fédéral affectant l’offre de la SSR destinée à l’étranger. À travers nos télévisions nationales et Swissinfo, ce sont des liens importants qui unissent les Suisses de l’étranger à leur pays. Nous allons nous battre contre ces coupes.
Comment voyez-vous la Suisse dans le monde en ce moment?
Elle est un peu perdue. Elle cherche sa place au milieu de vents contradictoires. Il y a actuellement un enjeu énorme pour notre pays autour du respect du droit international, avec la montée en puissance d’États illibéraux.
Je pense notamment à la Russie, qui viole les frontières d’États souverains et mène des opérations d’ingérence en soutien à l’extrême-droite dans de nombreux pays européens pour tenter de mettre à mal la cohésion sociale. C’est très préoccupant.
Et que peut faire la Suisse dans ce contexte?
Si on revient à l’époque ou les différends se réglaient par la force, les petits pays comme la Suisse en seront les premières victimes. Car si on est la 20e puissance économique, on reste un nain politiquement.
Il faut donc que la Suisse redouble d’engagement pour soutenir le droit international et le multilatéralisme. Elle doit investir plus dans sa politique d’État hôte et renforcer sa place sur la scène internationale. Le rôle de la Suisse, c’est d’offrir les conditions pour que les acteurs se rencontrent et se parlent. C’est exactement ce que fait la Genève internationale avec ses multiples conférences et son tissu d’organisations internationales, de représentations diplomatiques et d’ONG. Et cela a un coût.
Malheureusement, les mêmes qui prétendent vouloir renforcer la politique d’État hôte de la Suisse en figeant sa neutralité n’hésitent pas à couper les budgets de coopération internationale qui servent justement à financer les acteurs qui font vivre la Genève internationale, tel le CICR.
Si vous deviez émigrer, dans quel pays le feriez-vous?
J’adore la Suisse, mais je n’aurais aucune peine à vivre au Canada par exemple. Les Canadiens ont ce côté nord-américain qui les rend très accessibles, avec en même temps la sincérité en amitié qui caractérise davantage les Européens. Il y a une gentillesse naturelle qui se dégage de ce peuple.
Texte édité par Samuel Jaberg

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.