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Obama, après l’euphorie

Barack Obama prendra ses fonctions le 20 janvier prochain. Se montrera-t-il à la hauteur des espoirs suscités? Reuters

L'élection de Barack Obama soulève à la fois enthousiasme et inquiétude aux Etats-Unis. L'enquête de swissinfo auprès d'Américains d'origine suisse.

Pas encore entré à la Maison Blanche, Barack Obama est déjà entré dans l’Histoire en étant le premier Noir à être élu à la présidence des Etats-Unis.

Le sénateur de l’Illinois a été porté par l’immense désir de changement des Américains après huit années de guerre et de crise avec George Bush. Il a suscité une vague d’euphorie, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi, et peut-être plus encore, dans le reste du monde.

Même George Bush est apparu élégiaque, sinon euphorique, mercredi. «C’est un rêve devenu réalité», a en effet estimé le président américain sortant. Alors que Barack Obama s’apprête à former son gouvernement et à annoncer les premières mesures qu’il prendra lors de sa prise de fonctions le 20 janvier, les Américains sont cependant partagés entre enthousiasme et inquiétude.

L’inquiétude demeure

«C’est une victoire absolument historique», déclare Emily Muelly, Américaine en instance de double nationalité en raison de son mariage avec un Suisse. En Pennsylvanie, elle a voté pour Barack Obama.

«L’élection d’un président noir représente un tournant dans la façon dont le pays change du point de vue de la diversité de sa population et du point de vue des attitudes et des comportements», explique Emily Muelly, qui se dit «enthousiasmée et très heureuse».

Avant le scrutin, cette jeune femme blanche avait confié à swissinfo qu’elle n’avait «pas confiance dans le fait qu’Obama puisse gagner», parce qu’il y «a encore beaucoup de racisme» aux Etats-Unis. Aujourd’hui, elle n’est qu’en partie rassurée.

«Je suis plus rassurée par rapport au fait qu’en tant que nation, nous avons dépassé le racisme avec cette élection, mais il y a toujours des incidences de racisme et maintenant, même s’il ne faut pas être obsédé à ce propos, on commence à s’inquiéter pour la sécurité du président Obama», dit-elle.

Historique ou pas?

D’autres Américains ne voient pas de caractère historique dans l’élection de Barack Obama. «Non, ce n’est pas historique parce qu’il est Noir, je ne regarde pas les choses de cette manière», indique ainsi Tom Gisler, un habitant de Sacramento dont les ancêtres immigrèrent de Suisse et qui se dit «déçu» de la défaite du Républicain John McCain.

D’autres Américains encore reconnaissent qu’une page vient d’être tournée dans l’histoire des Etats-Unis, mais ils le font sans enthousiasme particulier.

Mary Leedy, une immigrée de la deuxième génération, mesure le chemin parcouru par les Etats-Unis en se souvenant qu’en 1968, quand elle emménagea à Timonium, dans le Maryland où elle vit à ce jour, «il y avait des émeutes noires dans toute la région à la suite de l’assassinat de Martin Luther King».

«L’élection d’Obama est assurément un évènement historique et le fait qu’il soit noir est OK, mais il faut attendre de voir ce qu’il va faire et comment le pays va réagir», souligne cette mère de famille qui est restée indécise jusqu’à l’avant-veille du scrutin et qui a finalement opté pour John McCain.

Le «wait and see» est d’ailleurs assez répandu, même parmi les partisans du nouveau président, dont certains s’interrogent sur la notion de «changement» mise en avant par le candidat Obama et sur ses contours pendant son mandat présidentiel.

«Il faut changer les choses qui vont mal, mais pas celles qui n’ont pas besoin d’être changées», prévient ainsi John Hooker, qui a voté et blogué pour Barack Obama à Long Island dans l’Etat de New York.

Ce double national estime que les changements doivent d’abord porter sur la réforme de l’éducation et du système de santé. «Si vous avez de l’argent, vous êtes protégé et vous pouvez aller dans l’enseignement supérieur, sinon, non. Et ça, il faut que ça change aux Etats-Unis», explique John Hooker.

Touche pas à ma liberté!

Mais ce démocrate ne veut pas trop de changement non plus. «Ce qui ne doit pas changer, c’est la créativité, l’expérimentation, qui caractérisent la société américaine, or c’est là où je m’inquiète, si nous sacrifions tout cela pour une sorte d’égalité et si nous allons trop à gauche», dit-il.

Si les Américains sont prêts à envisager un rôle élargi pour leur gouvernement fédéral face à une crise économique sans précédent depuis la Grande Dépression de 1929 et s’ils sont prêts notamment à accepter une réglementation du secteur bancaire et financier, ils sont en effet souvent soucieux de ne pas voir le gouvernement empiéter sur la liberté d’entreprendre qui leur semble distinguer leur pays des autres pays occidentaux.

«Quand ils sont arrivés de Suisse au début du XXème siècle, les membres de ma famille n’ont pas reçu d’aide du gouvernement, et c’est comme ça que les choses fonctionnent dans notre pays», note ainsi Tom Gisler, le républicain de Sacramento qui souligne qu’il n’est «pas très chaud à l’idée de voir le gouvernement diriger différents programmes d’aide à ceci ou à cela».

Tom Gisler est aussi très sceptique sur la volonté déclarée de Barack Obama de transcender les divisions partisanes et de «rassembler» les Américains, quelle que soit leur tendance politique. «J’attends de voir, parce qu’Obama n’a jamais travaillé avec les républicains jusqu’à présent, ni quand il était un élu local en Illinois, ni quand il était au Sénat à Washington», déclare ce Californien d’origine suisse.

Tom Gisler avertit même que «c’est à Obama de faire le premier pas, car les républicains ont tendu la main aux démocrates, John McCain certainement, et même George Bush».

swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington

Les relations entre la Suisse et les Etats-Unis relèvent d’une longue tradition et sont multiples.

Entre 1700 et 2003, quelque 460’000 Suisses ont émigré aux Etats-Unis.

On estime à un million le nombre des Américains ayant des racines suisses. La plupart d’entre eux vivent en Californie, à New York, en Ohio, dans le Wisconsin et en Pennsylvanie.

Parce qu’elles avaient les mêmes valeurs de référence, les deux «républiques sœurs» établirent au 19e siècle des relations amicales.

En 1822 déjà, la Suisse a ouvert des consulats à Washington et à New York et en 1882 elle a établi à Washington sa première ambassade extra-européenne.

Actuellement, plus de 70’000 de nos compatriotes vivent aux Etats-Unis.

Précisément, 73’978 Suisses étaient enregistrés aux Etats-Unis à fin 2007, soit plus de 10% des Suisses de l’étranger. 52’415 d’entre eux sont binationaux.

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