Pas d’accord sur le climat sans réduction des émissions
Lors de la conférence de l’ONU sur le climat à Cancun, la Suisse va œuvrer en faveur d’un accord global basé sur une réduction des émissions de CO2 pour tous, y compris les non-signataires du Protocole de Kyoto. C’est le postulat de Franz Perrez, chef de la délégation suisse.
La conférence qui s’est ouverte ce lundi dans la station mexicaine est consacrée à l’élaboration d’un paquet de mesures en matière de financement de la lutte climatique, de déforestation, de technologies propres ainsi que de moyens d’adaptation aux effets du réchauffement. Objectif: préparer la signature d’un traité pour la conférence sur le climat en Afrique du Sud l’année prochaine.
Bien qu’on soit encore très éloigné d’un accord global, l’ONU espère accomplir de grands progrès à Cancun en vue de la création d’un fonds permettant d’aider les pays les plus pauvres à s’adapter aux changements climatiques, d’un plan pour empêcher la déforestation ainsi que l’amélioration de l’accès aux technologies propres.
«Le squelette est prêt, reste à lui ajouter un peu de chair, indique Franz Perrez. Nous aimerions boucler un paquet qui permettrait de progresser de manière substantielle dans chaque point de la négociation.»
Et d’ajouter que la constitution d’une base juridiquement contraignante pour les pays non-signataires du Protocole de Kyoto constituerait «un immense pas en avant».
Après l’échec de l’année dernière à Copenhague, le responsable onusien de Cancun, Robert Orr, a quelque peu douché les attentes en déclarant d’emblée que personne ne s’attend à une percée décisive à Cancun. «Les changements climatiques ne se sont pas faits en un jour, et ils ne seront pas résolus en un jour non plus», a-t-il relativisé.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon en personne ouvrira la réunion ministérielle du 7 au 10 décembre et appellera les Etats à «œuvrer en faveur d’une série de résultats équilibrés».
Trouver un équilibre
«Il est temps de passer aux choses sérieuses, lance Patrick Hofstetter, porte-parole de l’Alliance suisse pour le climat, qui regroupe 60 organisations de la société civile. Nous devons travailler et progresser sur chaque élément du paquet, si nous voulons parvenir à un accord en 2011.»
Pour sa part, la Suisse veut qu’un équilibre soit atteint entre les engagements et les concessions des pays industrialisés et des pays récemment industrialisés. Elle soutient la fixation de la limite du réchauffement global à moins de 2 degrés, décidée à Copenhague.
Elle entend aussi augmenter «considérablement» son aide pour que les pays en voie de développement puissent s’adapter aux changements climatiques et à la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Pour ce faire; elle proposera la constitution d’un groupe d’experts chargé de plancher sur la création d’un fonds de 99,7 milliards de francs.
Des enjeux cruciaux
Par rapport à l’après-Kyoto, le débat portera sur la suite à donner après l’échéance de 2012. Le processus est dans l’impasse, les partenaires étant incapables de s’entendre sur les réductions d’émissions.
La Suisse privilégie une période de suivi au Protocole de Kyoto – mais à condition que les pays non signataires adoptent les mêmes objectifs juridiquement contraignants. «Kyoto en soi n’a pas de sens sans un soutien global pour résoudre le problème, explique Franz Perrez. C’est la réponse à cette question cruciale qui fera de Cancun un succès ou un échec.»
La Suisse s’est fixé un objectif de 20% de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2010, par rapport aux niveaux de 1990, ou de 30% si elle est suivie par d’autres pays.
Pour l’Alliance suisse pour le climat, Cancun doit permettre de faire la plus grande partie du travail de l’après-Kyoto. «C’est une condition préalable pour faire des progrès sur d’autres thèmes, car de nombreux pays en développement ne croient tout simplement pas que les pays industrialisés vont accomplir leurs promesses ou qu’ils iront plus loin encore», note Patrick Hofstetter.
Soutien présidentiel
La présidente de la Confédération Doris Leuthard, qui est aussi ministre de l’Environnement, sera parmi les quelques présidents présents à Cancun et, de ce fait, disposera de davantage de temps pour s’exprimer et pour expliquer la position de la Suisse.
L’Alliance pour le climat a dressé une liste à l’intention de Doris Leuthard. Non seulement la Suisse doit fixer le seuil du réchauffement à moins deux degrés, mais aussi élever les objectifs de réduction des émissions (à 40% par rapport aux niveaux de 1990), soutenir la création de nouveaux fonds en faveur du climat ainsi que de nouvelles sources de financement, telles que les taxes sur l’aviation.
Enfin, en tant que membre du Groupe de l’intégrité environnementale, la Suisse devrait s’attacher à empêcher des compromis trop faibles durant les négociations, selon l’Alliance. Cependant, l’influence du groupe devrait être amoindrie cette fois, du fait que, en tant que pays-hôte du sommet, le Mexique, doit rester neutre.
«A Cancun, Doris Leuthard peut contribuer de manière significative à un environnement globalement sain et créer des conditions optimales pour une industrie helvétique cleantech, en créant les emplois correspondants», a indiqué l’Alliance, faisant allusion à l’objectif de la Suisse de devenir un leader en la matière.
«Bonne chance», conclut la déclaration.
Un sondage réalisé par le WWF a montré que 69% de la population suisse veut que le gouvernement fasse plus d’efforts contre le réchauffement global.
73% des sondés estiment que les politiciens doivent être plus actifs sur ce front.
18% n’ont pas d’inquiétudes à propos des changements climatiques.
74% estiment que la Suisse devrait se doter de réglementations plus sévères en matière de protection de l’environnement, quelle que soit l’issue des négociations onusiennes.
La Convention cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC) est un traité international qui rassemble 194 Etats signataires.
Il est destiné à encadrer les avancées à réaliser à l’échelle mondiale pour réduire le réchauffement climatique et faire face aux augmentations de la température mondiale.
Certains pays ont approuvé un ajout à ce traité, le Protocole de Kyoto, qui comprend des mesures plus fortes et juridiquement contraignantes.
La conférence des parties à la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC), se tient dans la station balnéaire mexicaine du 29 novembre au 10 décembre 2010.
Scepticisme. Le processus de négociation implique les pays signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui se réunissent chaque année pour suivre la mise en œuvre de la convention. Les discussions ont progressé sur certains points en prévision de Cancun mais les organisateurs sont sceptiques quant à un accord global.
Après-Kyoto. Il sera notamment question de trouver une vision commune à long terme, de définir les moyens d’adaptation aux effets inévitables du réchauffement, de réduire les gaz à effet de serre, de trouver un financement de la lutte pour le climat ainsi que de définir l’avenir du Protocole de Kyoto.
Progrès. L’ONU et le Mexique ont indiqué que des progrès ont été réalisés en vue de trouver un financement pour encourager les pays en développement à lutter contre le réchauffement ainsi qu’à mesurer les émissions de gaz à effet de serre.
Kyoto. Le Protocole de Kyoto est le principal outil de l’ONU pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre qui expire à la fin de 2012. La conférence de 2009 à Copenhague n’a pas permis de trouver un accord entre pays riches d’ici 2012.
A Copenhague, plus de 120 nations se sont entendues en 2009 pour trouver un moyen de limiter le réchauffement global à moins de 2 degrés, mais d’importantes divergences subsistent quant aux moyens d’atteindre ce but.
La Chine vient de reconnaître qu’elle est le plus gros émetteur de CO2, mais estime que ce sont toujours les pays industrialisés qui sont au centre du débat, en particulier les Etats-Unis.
Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger
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