Pessimisme sur l’avenir politique de l’Italie
Après la victoire serrée de l'Unione de Romano Prodi aux élections législatives, la presse suisse s'interroge sur l'avenir politique de l'Italie.
Selon les éditorialistes, Romano Prodi hérite d’un pays divisé, qu’il doit gérer à la tête d’une coalition trop hétérogène.
«Nous sommes tous déçus. La gauche et la droite.» Cité par «La Liberté», ce citoyen italien résume bien l’impression qui prévalait mardi en Italie, pays divisé après les élections et la «victoire si fragile» de Prodi, comme le souligne «Le Temps».
Une victoire obtenue notamment grâce à la diaspora.
Autorisés pour la première fois à voter par correspondance, rappelle «24 Heures», les Italiens émigrés ont plébiscité l’Unione, contribuant à renverser la majorité du Sénat.
Un remake
Résultat serré donc. 25’000 voix d’écart: pratiquement un «match nul», note «Le Temps». Et le remake, la «réédition», surtout, d’une tendance, selon le quotidien romand. Cette incapacité des équipes, dans l’Occident des élections libres, à se départager.
«On ne remporte plus une élection grâce à un projet mobilisateur, mais à cause de la lassitude provoquée par l’équipe sortante, analyse l’éditorialiste du «Temps». C’est la démocratie-zapping, le choix sans choix, le refus du changement en reconnaissant sa nécessité.»
Avant de conclure: «Deux Amérique, deux Italie, deux Europe (le référendum sur la Constitution en France): il faudra bientôt en passer par les tirs au but.»
Difficulté à gouverner
Alors que «le tranchant de la lame électorale laisse un pays littéralement cisaillé en deux», comme l’écrit «La Liberté», les éditorialistes s’interrogent sur l’avenir politique du pays. «Comment est-ce que ça pourrait bien se passer?», lance par exemple le «Tages-Anzeiger».
Pour le quotidien zurichois, «Romano Prodi hérite d’un pays déchiré, coupé en deux politiquement. Un pays dont les caisses sont vides. C’est son hypothèque et un poids pour toute l’Italie».
La «Neue Zürcher Zeitung» note qu’au final, dans cette «victoire à la Pyrrhus», c’est davantage «l’instabilité qui sort gagnante».Un point de vue partagé par la «Tribune de Genève» qui constate que «la fragilité ne relève pas seulement de la déconvenue électorale.»
«Elle tient d’abord aux tensions propres à l’Union de la gauche – à l’association de composantes qui n’ont souvent d’autre point commun que leur hostilité à Berlusconi», écrit le quotidien genevois dans son éditorial.
L’Unione, qualifié par «La Liberté» de «talon d’Achille de Prodi». Sur ce point, «tout le monde lui souhaite bon courage tant les tranchées idéologiques sont marquées, notamment sur les questions liées à la flexibilisation du marché de l’emploi ou encore sur le Pacs.»
Rôle européen
La presse suisse attribue aussi quelques atouts à Romano Prodi. A commencer par son expérience européenne.
Avec à sa tête l’ancien président de la Commission européenne, l’Italie devrait reprendre «son rôle traditionnel de lien transalpin entre le sud et le nord du continent», note ainsi «La Liberté».
En tant qu’économiste, Romano Prodi sait aussi «les gains que l’Italie peut retirer d’une dynamique relancée dans ses relations avec l’Euroland».
Selon «La Regione», la lassitude des Italiens (probablement même parmi ceux qui n’ont pas voté pour lui) pourrait aussi jouer en sa faveur. Mais, pour le quotidien tessinois, l’avantage principal de Romano Prodi est le soutien international dont il bénéficie.
swissinfo, Alexandra Richard
– Entre 1950 et 1970, on a enregistré un important flux migratoire de l’Italie vers la Suisse.
– Durant ces vingt ans, environ deux millions d’Italiens ont émigré en Suisse. La plus grande partie d’entre eux sont rentrés au pays après quelques années.
– Actuellement, 505’000 citoyens italiens vivent encore en Suisse (parmi eux, 200’000 ont la double nationalité).
– 374’000 d’entre eux étaient inscrits dans les registres électoraux pour participer aux élections législatives italiennes.
– 50,4% ont participé au scrutin. 55% d’entre eux ont voté pour l’Unione de Romano Prodi.
L’Union de la gauche de Prodi a remporté les élections italiennes. Elle a obtenu 340 sièges à la Chambre des députés (contre 277 pour Berlusconi) et 159 au Sénat (contre 156).
L’actuel président du Conseil italien Silvio Berlusconi a toutefois contesté le résultat du scrutin et demandé un recomptage des voix.
Pour la première fois, 18 sièges au Parlement étaient réservés aux Italiens de l’étranger (12 à la Chambre des députés et 6 au Sénat).
Parmi les nouveaux élus figurent trois Italiens de Suisse: Claudio Micheloni (Sénat), Franco Narducci e Antonio Razzi (Chambre des députés).
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