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Quand la Suisse rêvait de la bombe atomique

Berne a collaboré avec l'OTAN, mais sans dépasser les limites du permis. Keystone

Une récente étude d'une historienne du King's College de Londres révèle comment la Suisse a tenté de se doter d'armes nucléaires à l'étranger.

Elle nous apprend aussi jusqu’où est allée sa collaboration avec l’OTAN pendant la guerre froide.

Que pensaient, à l’époque, les grandes puissances de la neutralité de la Suisse et du fait qu’elle envisageait d’acquérir la bombe atomique? Et y a-t-il eu violation de la neutralité helvétique?

Docteur en sciences militaires du King’s College de Londres, la jeune universitaire suisse Stefanie Frey tente de répondre à ces questions.

Pour ce faire, elle a passé à la loupe la politique de défense de la Suisse depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au début des années 70.

La grande originalité de ce travail est d’analyser non seulement les positions du gouvernement et des militaires suisses, mais également – et c’est un peu une première – la manière dont la Suisse était perçue à l’époque par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

Stéfanie Frey s’est fondée à cet égard sur un nombre impressionnant de documents d’archives français, britanniques et américains, dont certains étaient classés «secret» jusqu’à peu

La Suisse a sollicité l’aide de la France

La jeune universitaire profite de l’occasion – et c’est son deuxième grand mérite – pour apporter de nouveaux éléments sur les efforts déployés par la Suisse pour se doter de l’arme atomique.

On apprend par le biais d’une note diplomatique française (entête: «très secret») que, le 13 octobre 1959, lors d’une rencontre entre des membres de l’Etat-major général helvétique et le chef d’Etat-major des Armées françaises, la Suisse a expressément demandé à la France de l’aider «pour son armement atomique».

Cette demande était tout à fait logique dans la mesure où, depuis 1945 – la chose sera maintenue secrète jusqu’en 1958 -, le gouvernement était favorable au fait que la Suisse se dote d’un armement atomique.

A ce propos, Stéfanie Frey révèle que Berne avait également demandé à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis s’ils étaient prêts à lui livrer des armes atomiques «clé en mains». Mais Londres et Washington auraient refusé.

Les documents qui existeraient à ce sujet auraient «malheureusement été très fortement censurés» et leur consultation ne serait «probablement jamais possible».

Une collaboration étroite avec l’OTAN

Cela dit, le sujet principal de recherche de Stéfanie Frey, c’est le respect par la Suisse des règles que lui imposaient alors son statut international de neutralité.

Selon l’étude, la Suisse a collaboré avec l’OTAN de matière parfois assez intense, notamment dans l’acquisition de matériel militaire. Mais elle n’a jamais vraiment outrepassé ce qui lui était permis.

Lors de rencontres secrètes entre des membres de l’Etat-major helvétique et des militaires britanniques, des informations très importantes auraient été échangées sur la manière dont le commandement de l’OTAN et la Suisse pourraient ou devraient coopérer en cas de guerre.

Et certaines positions adoptées du côté suisse n’auraient pas toujours été conformes «à l’idée que l’on peut se faire d’une politique traditionnelle de neutralité».

Mais ces positions auraient été minoritaires. Et aucun document n’indiquerait qu’elles avaient l’appui du gouvernement fédéral.

A plusieurs reprises, la Suisse se serait d’ailleurs opposée, au nom de la neutralité, à des projets qui auraient pu donner l’impression d’une institutionnalisation poussée de la collaboration avec l’OTAN.

swissinfo, Michel Walter

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