Restrictions à la vente du matériel de guerre
La Suisse veut restreindre les exportations de matériel de guerre obsolète. Le gouvernement tire ainsi les conséquences de polémiques récentes.
Désormais, l’équipement produit à l’étranger doit être retourné aux pays producteurs.
L’an dernier, la Suisse officielle avait suscité la polémique en voulant vendre 180 chars M113 à l’Irak via les Emirats arabes unis (12 millions de francs) et 736 de ces engins au Pakistan (40 millions). Depuis jeudi, ce genre de démarches ne devrait plus être possible.
Le Conseil fédéral (gouvernement) a en effet présenté diverses mesures de durcissement concernant les exportations de matériel de guerre. La première touche l’équipement dont l’armée n’a plus besoin.
Dorénavant, le matériel obsolète devra être prioritairement revendu ou remis gratuitement au pays producteur. Le ministre de l’économie Joseph Deiss reconnaît que dans ce cas, il sera impossible de savoir ce qu’il adviendra de lui.
Deuxième possibilité, cet équipement sera revendu (moyennent l’aval du pays d’origine et une déclaration de non-réexportation) aux démocraties occidentales signataires des quatre régimes internationaux de contrôle des exportations.
Troisième solution, ce matériel obsolète sera stocké ou réutilisé en Suisse même. Cette solution n’est pas forcément la plus coûteuse, estime Joseph Deiss.
Eviter les acheteurs indésirables
Sur le fond, la position du gouvernement est limpide. Il ne veut pas que du matériel aboutisse dans des pays vers lesquels une autorisation d’exportation serait exclue.
Berne pose d’autres garde-fous. Sera par exemple exigée une déclaration de non-exportation de la part des pays acheteurs (mentionnant l’interdiction de prêt et de dons). Des inspections supplémentaires seront aussi possibles.
Ces décisions ne tombent évidemment pas du ciel. Le gouvernement a en effet mal vécu l’affaire des 40 chars M109 de l’an dernier.
Vendus aux Emirats arabes unis en 2004, ces derniers s’étaient retrouvés au Maroc. Avec l’aval des Etats-Unis, producteur des chars, mais pas de la Suisse…
Le gouvernement a depuis demandé aux Emirats de reprendre les chars. Mais n’a pas obtenu de réponse. Une situation qui ne satisfait pas Joseph Deiss.
Fin du préavis gouvernemental
Décidé aussi à s’éviter toute polémique à l’avenir, le Conseil fédéral ne tranchera plus que sur les demandes d’exportations concrètes.
Sauf exception, il ne donnera plus de préavis, confiant désormais cette tâche à son Secrétariat d’Etat à l’économie (seco).
Sur les critères eux-mêmes autorisant les exportations, le gouvernement ne souhaite pas modifier la loi.
Le département de l’économie devra toutefois examiner la possibilité de préciser les critères d’octroi des autorisations d’exportation au niveau de l’ordonnance (application de la loi)
En attendant, deux ventes de fusils d’assaut au profit des armées égyptienne et saoudiennes – pour 3 millions de francs – ont été autorisées, annonce Joseph Deiss.
swissinfo et les agences
– La loi suisse sur le matériel de guerre interdit l’exportation de tel matériel vers les Etats en conflit.
– La notion de matériel de guerre couvre non seulement les armes, munitions, moyens de dynamitage et autre matériel d’engagement, mais aussi l’équipement destiné ou modifié en vue de la formation au combat.
– La Suisse n’a pas toujours eu la main heureuse ces derniers temps en matière de vente d’armes. Quarante obusiers cédés au Emirats arabes unis se sont par exemple retrouvés au Maroc.
– En lien avec cette affaire et d’autres, la question de la compatibilité de telles ventes avec la neutralité suisse s’est plus que jamais posée.
En 2005, la Suisse a exporté pour 257,7 millions de francs de matériel de guerre vers 72 pays (2004: 402,2 mio. CHF)
Cela correspond à 0,17% (0,27%) des exportations totales du commerce extérieur suisse
Environ 86% (72%) du matériel de guerre exporté l’a été à destination des 25 pays mentionnés dans l’annexe 2 de l’Ordonnance sur le matériel de guerre (OMG)
Ces pays ont tous adhéré aux quatre régimes internationaux de contrôle des exportations
Ces régimes étant: le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, le Groupe d’Australie, le Régime de contrôle de la technologie des missiles, l’Arrangement de Wassenaar
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