Sensation autour des résidences secondaires
L'initiative sur les résidences secondaires passe la rampe. Le projet de l'écologiste Franz Weber a été accepté d'extrême justesse: 50,6% des voix et une petite majorité des cantons.
L’initiative demande qu’on ne construise plus de nouvelles résidences secondaires dans les communes où leur part atteint déjà 20% du parc immobilier. Au tel cas, les initiants demandent que les permis de construire ne soient plus accordés dès le 1er janvier prochain.
Quant aux autorisations de construire déjà délivrées, elles ne sont pas concernées, a indiqué Doris Leuthard. Devant la presse, la ministre de l’Environnement a par ailleurs précisé que bon nombre de points relatifs à l’initiative restent encore à éclaircir. Il s’agira notamment de définir ce que recouvre précisément le terme «résidence secondaire».
Exploit
Ce succès constitue un exploit pour les auteurs de l’initiative. En effet, il est relativement rare qu’une initiative passe l’écueil des urnes. Et plus rare encore lorsque le projet est combattu par la droite et les milieux économiques.
Il est vrai que ce succès n’a été acquis que d’extrême justesse, avec 50,6% des voix. Au niveau des cantons, les choses ont été un peu plus nettes: quinze ont accepté l’initiative et onze l’ont refusée.
Si l’on observe un peu plus attentivement les résultats, il apparaît que la proposition de Franz Weber a surtout fait le plein de voix en Suisse romande (à l’exception du Valais) et dans les grands cantons urbains. Sans surprise, l’opposition est surtout venue des petits cantons alpins et touristiques, concernés au premier chef par une limitation des résidences secondaires.
«Je suis fier de la Suisse»
Grand vainqueur du jour, l’écologiste Franz Weber (84 ans) a affiché sa satisfaction à l’issue du scrutin. «Je suis fier de la Suisse, content que les Suisses aient voté pour leur propre intérêt», a-t-il déclaré à l’Agence télégraphique suisse (ATS). «Ce n’était en tout cas pas ma dernière initiative, mais une des nombreuses qui viendront encore», a-t-il promis sur les ondes de la télévision alémanique.
Le résultat est également salué par les différents mouvements écologistes et de gauche. «Ce résultat va permettre de faire en sorte que tout le monde puisse accéder au logement et disposer d’un espace de vie préservé plutôt que le mitage du territoire ne s’accélère encore au seul bénéfice d’une minorité», juge par exemple le Parti socialiste suisse.
C’est en revanche la déception parmi les partis de droite. «Arrêt des constructions dans plus de 650 communes, pertes d’emplois, dommage pour le tourisme et atteinte à l’autonomie des communes: voici ce que représente l’initiative», déplore le Parti libéral-radical. Quant au Parti démocrate-chrétien, il en appelle déjà à des exceptions «pour les régions structurellement faibles ou si la garantie est donnée qu’une résidence sera suffisamment habitée».
La déception et l’inquiétude est également palpable dans les cantons les plus touchés par l’initiative. «La mise en œuvre de l’initiative apportera des problèmes techniques et juridiques. Les cantons alpins demandent des solutions pragmatiques de la part des auteurs de l’initiative», a jugé la Conférence des gouvernements des cantons de montagne.
Particulièrement concerné par la mesure, le canton du Valais déplore également ce résultat qui «freinera l’activité économique valaisanne», selon Jean-Michel Cina. Le responsable de l’économie cantonale s’attend par ailleurs à des difficultés pratiques, comme une ruée sur les demandes de permis de construire d’ici la fin de l’année.
Déroute pour la gauche syndicale
Parmi les autres sujets, l’initiative pour les six semaines de vacances, qui était proposée par les syndicats chrétiens et soutenue par la gauche, a subi en revanche une véritable déroute. Cette proposition, qui visait à faire passer le minimum légal de vacances annuelles de quatre à six semaines, a été refusée par 66,5% des citoyens et à l’unanimité des cantons.
Les milieux économiques et la droite avaient estimé qu’une telle mesure porterait un coup important à la compétitivité de l’économie. L’ampleur du refus montre que ce message a été reçu cinq sur cinq par la population.
Le score est également sans appel pour l’initiative sur l’épargne-logement. Ce projet, qui demandait des allègements fiscaux sur les sommes épargnées en vue de l’achat d’un logement ou de transformations écologiques, a été refusé par 55,8% des votants et une majorité des cantons.
Le débat n’est cependant pas terminé. Une seconde initiative allant dans le même sens est encore pendante. Elle devrait être soumise au peuple en juin prochain.
Pas de prix unique du livre
La Suisse ne connaîtra pas un prix unique du livre. Le peuple a clairement refusé la loi dans ce sens par 56,1% des voix. Le résultat laisse apparaître un fossé linguistique. Le prix unique a été refusé par tous les cantons de langue allemande et italienne. En revanche, tous les cantons francophones l’ont accepté.
Pas de différence par contre pour le décret sur les jeux de hasard qui a été plébiscité dans l’ensemble du pays: 87% des voix et unanimité des cantons. Il est vrai que ce projet, qui se contente de fixer dans la Constitution la répartition des compétences déjà existantes entre cantons et Confédération, n’était contesté par personne, si ce n’est par le petit Parti évangélique suisse.
Résidences secondaires: initiative populaire qui demande que la part des résidences secondaires ne soit pas supérieure à 20% du parc immobilier d’une commune.
Epargne-logement: initiative populaire qui demande que l’argent épargné en vue de l’achat d’un domicile ou de rénovations écologiques bénéficie d’allègements fiscaux.
6 semaines de vacances: initiative populaire qui demande que le minimum légal des vacances en Suisse soit fixé à 6 semaines par an au lieu de 4 actuellement.
Jeux de hasard: décret fédéral qui fixe dans la Constitution la répartition des compétences entre cantons et Confédération en matière de jeux de hasard (casinos, loteries, paris sportifs).
Prix du livre: loi fédérale qui instaure un prix fixe pour les livres.
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