Sepp Blatter garde son trône de roi du foot
L'élection présidentielle de la FIFA, avec «Sepp» Blatter pour seul candidat, a bien eu lieu mercredi à Zurich. La contestation de l'Angleterre a été torpillée, et Blatter a promis de «ramener le bateau dans des eaux plus claires».
«Je suis très heureux de la solidarité et de l’unité qui se sont manifestées. (…) Notre pyramide a résisté car sa base est solide», a lancé Joseph Blatter, après avoir été élu par 186 voix sur 203 bulletins valides.
Mercredi, la FIFA a opté pour le vote à bulletin secret, et non par acclamation, possibilité inscrite dans les statuts quand il n’y a qu’un candidat, comme c’est le cas cette année. C’est ainsi que Joseph Blatter, 75 ans, entame un quatrième et dernier mandat à la tête de la Fédération internationale de football.
La journée de mercredi s’est déroulée sans accroc pour Blatter, alors que l’instance du football mondial est au coeur d’une tempête incroyable depuis une semaine, cernée par les accusations de corruption et minée par des enquêtes internes.
La faute à l’Angleterre?
L’Angleterre, qui avait proposé mardi un report de l’élection – suivie mercredi par l’Ecosse – s’est retrouvée bien seule. La proposition de la fédération anglaise a été balayée par 172 votes électroniques contre 17.
David Bernstein, président de la Fédération anglaise, avait pourtant renouvelé sa critique et sa proposition de report sur l’estrade du congrès mercredi matin: «un couronnement sans opposant, c’est comme un mandat frauduleux, je demande le report».
Non seulement il n’a pas été entendu, mais les autres présidents de fédérations (Haïti, Congo, Bénin, Chypre, Fidji) qui l’ont contredit ont été applaudis. Julio Grondona, président de la Fédération d’Argentine, s’en est même pris à l’Angleterre: «Ces situations arrivent à cause de mensonges, appuyés par des journaux qui se chargent de mentir au lieu de dire la vérité. Les insultes, les problèmes, cela vient toujours du même côté: l’Angleterre.»
«Nous allons tirer les leçons»
Le «capitaine» Blatter a ensuite repris la parole: «Nous avons reçu des coups, moi des gifles, nous allons tirer les leçons de ces erreurs». Il a imputé ces coups à l’attribution en décembre de «notre compétition phare, la Coupe du monde», à la Russie en 2018 et au Qatar en 2022, «déclenchant une vague d’accusations, de suggestions, de critiques».
«Est-il juste que l’attribution de la Coupe du monde revienne au comité exécutif (sorte de gouvernement de 24 membres) de la FIFA? Je veux, dans le futur, que l’organisation de la Coupe monde soit décidée par le Congrès (les 208 membres) de la FIFA. Le comité exécutif fera des recommandations, une short-list, et le congrès décidera», a enchaîné M. Blatter.
L’attribution du Mondial-2022 au Qatar empoisonne actuellement la Fifa. Pas plus tard que ce mercredi matin, le président de la Fédération allemande de football Theo Zwanziger s’est prononcé pour un réexamen de la procédure d’attribution du Mondial-2022, en raison de soupçons de corruption.
«D’après tout ce que j’ai entendu et lu, je dois partir du principe qu’il y a un degré considérable de soupçons qu’on ne peut pas tout simplement balayer», a déclaré M. Zwanziger dans une interview à la chaîne de télévision publique ZDF.
Blatter avait déclaré lundi devant la presse qu’il n’y avait pas de preuve et donc pas de raison d’ouvrir une enquête sur l’attribution du Mondial-2002 au Qatar, en dépit d’une commission d’enquête parlementaire britannique et de révélations du Sunday Times début mai.
Seul dans la course
A 75 ans, Joseph Blatter se succède donc à lui-même, son seul adversaire ayant été mis hors course. Mohammed Bin Hammam, homme d’affaires du Qatar, 62 ans, président de la Confédération asiatique, a en effet retiré sa candidature dans la nuit de samedi à dimanche, avant d’être suspendu le temps d’une enquête interne de la FIFA sur une fraude présumée liée au scrutin.
Les attaques les plus virulentes sont venues de l’intérieur, de Jack Warner, vice-président de la FIFA, qui purge également une suspension dans la même affaire que Bin Hammam depuis dimanche, alors que Joseph Blatter, lui, en est sorti blanchi.
Préoccupations politiques
Outre le déchaînement des médias, l’intégrité du conseil d’administration de la FIFA a été mise en doute par les politiciens de plusieurs pays et certains de ses plus gros sponsors, comme Visa, Coca-Cola ou Adidas, ont exprimé leur préoccupation.
Le monde politique suisse lui aussi a dû intervenir, le siège social de la FIFA étant sis à à Zurich depuis 1932. Le ministre des Sport Ueli Maurer a notamment demandé des réponses aux allégations qui ont été lancées, faute de quoi la FIFA pourrait perdre son statut fiscal privilégié d’association sportive.
Lors de la cérémonie d’ouverture, mardi, la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, a appelé l’organisation à prendre les critiques «au sérieux». «Il est important que vous les examiniez rapidement et preniez les mesures nécessaires pour reformer votre gouvernance, a-t-elle déclaré. L’important est de restaurer la confiance, ne laissez pas l’argent salir vos idéaux.»
Sepp Blatter est né le 10 mars 1936 à Viège (Valais). Diplômé en économie politique, il commence sa vie professionnelle dans le tourisme.
1964: nommé secrétaire général de la Ligue suisse de hockey sur glace.
1975: nommé directeur des programmes de développement techniques de la Fifa, puis secrétaire général en 1981, puis directeur exécutif en 1990.
1998: succède à João Havelange (Brésil) comme 8e président de la FIFA.
Réélu en 2002, 2007 et 2011.
Les dirigeants de la FIFA font l’objet d’accusations de corruption depuis des années.
2006: suite à la publication d’une enquête par le journaliste britannique d’investigation Andrew Jennings, un comité d’éthique a été institué.
2008: procès à Zoug contre des officiels (non nommés) de la FIFA qui auraient empoché des millions de dollars dans l’attribution de droits TV à la société de marketing sportif ISMM-ISL, aujourd’hui en faillite.
2010: nouveaux scandale de corruption à propos du processus d’attribution des Coupe du monde 2018 et 2022 respectivement à la Russie et Qatar. Le Nigérian Amos Adamu et le Thaïtien Reynald Temarri auraient monnayé leur vote à des journalistes qui se faisaient passer pour des lobbyistes.
29 mai 2011: à quelques jours de l’élection du président du 1er juin à Zurich, le principal challenger de Joseph Blatter, Muhamed bin Hamman, est exclu de la course par le comité d’éthique, qui suspend également le vice-président Jack Warner, alors que Joseph Blatter est blanchi.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.