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Suisse-Allemagne: vers la fin du différend fiscal

L'accord doit encore être approuvé par les gouvernements et les parlements des deux pays. Keystone

La Suisse et l'Allemagne sont en passe de régler leur différend fiscal. Après des mois de pressions et de négociations, les deux pays ont paraphé mercredi un accord réglant l'imposition des fonds déposés «au noir» dans les banques helvétiques. Les experts réagissent positivement.

Berne entendait à la fois garantir le secret bancaire et éviter l’échange automatique d’informations prôné par l’Union européenne.

Dans une prise de position diffusée par le Département fédéral des finances (DFF), Eveline Widmer-Schlumpf se dit satisfaite du résultat. Selon ses services, la collaboration bilatérale prévue équivaut durablement, quant à ses effets, à l’échange automatique de renseignements.

«C’est un bon accord, juge Martin Janssen, consultant financier et fondateur d’Ecofin à Zurich. La délégation des négociateurs suisses, sous le direction du secrétaire d’Etat Michael Ambühl, a fait du très bon travail».

L’expert y voit des avantages tant pour les Suisses que pour leurs clients allemands, qui veulent diversifier leurs placements. «L’anonymat est garanti, et si cela continue avec le chaos actuel dans l’Union européenne, ils seront contents d’avoir une partie de leur fortune en Suisse».

L’Allemagne en tête

Une réglementation de ce type est également en négociation avec la Grande-Bretagne. Mais sur la liste des priorités, le premier pays avec lequel passer un tel accord était l’Allemagne.

Les Allemands en effet placent traditionnellement leur argent en Suisse depuis plus d’un siècle. Selon les estimations, la majorité de tous les avoirs déposés en Suisse et soustraits à l’impôt viendrait d’Allemagne.

Cette somme est évaluée à plus de 130 milliards d’euros, mais les experts de la place financière n’excluent pas qu’une part importante ait déjà filé vers d’autres cieux, qui échappent aussi bien à la juridiction de Berlin qu’à celle de Bruxelles.

L’avenir et le passé

Un premier volet de l’accord concerne la taxation à l’avenir des comptes en Suisse de personnes domiciliées en Allemagne. Les futurs rendement et bénéfices de ces capitaux seront frappés d’un impôt forfaitaire de 26,375%. Ce taux équivaut à celui pratiqué outre-Rhin (25%) plus le supplément de solidarité allemand. Le produit de ces taxes sera remis au fisc allemand. Mais le contribuable pourra aussi déclarer ses revenus aux autorités allemandes.

L’argent placé «au noir» par le passé est également visé. Pour régler ces cas, l’accord prévoit un impôt forfaitaire et anonyme sous forme de paiement unique. La charge grevant le capital devrait s’élever entre 19 et 34% en fonction de la durée de la relation bancaire ainsi que des montants initial et final placés en Suisse.

Une fois cet impôt acquitté après coup, les autorités allemandes passeraient l’éponge, sauf si l’argent provient d’un crime ou si elles disposaient déjà d’indices de la présence de valeurs non déclarées. Là aussi, le contribuable allemand peut préférer la transmission directe des données le concernant au fisc allemand. Celui qui s’oppose à une imposition après coup sera tenu de fermer ses comptes en Suisse.

Information par les banques

Les contribuables allemands seront informés par les banques suisses de leurs droits et devoirs dans un délai de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de l’accord.

Les autorités helvétiques s’assureront du déroulement correct de l’imposition et effectueront des contrôles dans les banques. Celles-ci s’acquitteront début 2013 d’un montant forfaitaire de 2 milliards de francs. Des sommes bien plus élevées auraient été réclamées.

Ces 2 milliards seront répartis entre les banques qui avaient des clients allemands à la fin de 2010, proportionnellement aux montants déposés. Cela représente au plus une cinquantaine d’établissements, a précisé Thomas Sutter, responsable de la communication de l’Association suisse des banquiers. Les banques récupéreront par la suite cet argent sur les impôts prélevés.

Entraide administrative élargie

Autre pan de l’accord, les autorités allemandes disposeront d’une entraide administrative élargie, allant au-delà du minimum prévu par l’OCDE. Le fisc allemand pourra contrôler les données d’un contribuable en demandant à Berne s’il détient ou détenait, au cours de la période de taxation, un compte en Suisse.

Il ne sera pas nécessaire d’indiquer le nom de la banque. Ces demandes devront se fonder sur des faits plausibles et le nombre sera limité: entre 750 et 999 sur deux ans dans un premier temps. Une pêche aux informations («fishing expedition») reste exclue.

En contrepartie, les banques suisses auront un accès facilité au marché financier allemand. L’exécution de la procédure d’exonération sera simplifiée et l’obligation de nouer des relations bancaires par l’intermédiaire d’un institut établi sur place sera supprimée.

Fin des CD volés?

L’affaire des données bancaires volées devrait être close. Selon le DFF, Berlin ne voit plus de raison d’acheter de telles informations. Et Berne s’engage à ne pas répliquer pénalement.

L’accord prévoit aussi que l’Allemagne renonce, sauf exceptions, à s’en prendre aux employés des banques suisses pour participation à des délits fiscaux commis avant la signature du traité.

Gouvernements. L’accord paraphé mercredi sera prochainement signé par les deux gouvernements.

Parlements et peuple. Ensuite viendra l’étape de la ratification par les parlements, avec en Suisse la possibilité d’attaquer l’accord en réunissant les 50’000 signatures nécessaires pour qu’il soit soumis au référendum.

2013. Si tout se passe comme prévu, il devrait entrer en vigueur au début de 2013.

En Suisse, les partis de la droite et du centre-droit accueillent avec satisfaction et soulagement l’accord passé avec l’Allemagne, qui préserve la place financière suisse.

Le Parti socialiste salue aussi le texte mais parce qu’il contribue à mettre fin à la fraude fiscale.

Les ONG appellent quant à elles à ne pas oublier les pays du Sud. Selon elles, 360 milliards de francs déposés sur des comptes suisses échapperaient aux fiscs de ces Etats.

Les banques saluent l’accord par la voix de leurs associations professionnelles. Credit Suisse, Julius Bär et Vontobel y voient une «solution pragmatique». UBS a refusé de commenter la nouvelle, préférant se concentrer sur l’information à donner à ses clients et se préparer à la mise en œuvre de l’accord.

En Allemagne, les libéraux du FDP saluent un accord qui selon eux «rend impossible la fraude fiscale par le biais de relations bancaires avec la Suisse».

La gauche radicale (Die Linke ) y voit par contre «un cadeau pour les criminels fiscaux et leurs complices suisses».

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