Suisse-UE: la tension monte sur la fiscalité
Alors que la Commission européenne s'apprête à demander mardi aux Etats de l'Union européenne (UE) un mandat pour négocier avec Berne, le débat se durcit en Suisse.
Ce week-end, l’Union démocratique du centre (UDC – droite nationaliste) a dénoncé les pressions «inadmissibles» exercées par Bruxelles. De son côté, un ex-ministre allemand a accusé la Suisse de manquer de fair-play.
Le 13 février, la Commission européenne avait établi que les privilèges fiscaux accordés par les cantons suisses à certaines sociétés représentent une forme d’aide publique qui menace la loyauté de la concurrence.
Bruxelles estime que ces privilèges ne sont pas compatibles avec l’accord de libre échange conclu en 1972 avec la Suisse.
La Commission européenne a donc demandé au groupe AELE (experts de l’UE qui s’occupent notamment des dossiers concernant la Suisse) de lui accorder un mandat de négociation.
L’aval des Etats membres permettrait alors à l’exécutif de l’UE de négocier avec Berne une modification des privilèges fiscaux accordés aux entreprises, afin de «mettre un terme à l’imposition différenciée des bénéfices de source domestique et étrangère».
La Commission veut néanmoins accorder à la Confédération une phase transitoire lui permettant de supprimer progressivement ses règles fiscales, lesquelles relèvent de la souveraineté des 26 cantons.
L’UDC monte au créneau
Ce week-end, l’Union démocratique du centre est montée au créneau pour prôner la manière forte. Son groupe parlementaire a demandé le gel de toutes les négociations en cours et suggère des mesures de rétorsion,
«Il ne suffit pas que le Conseil fédéral rejette les reproches de l’UE» sur les avantages fiscaux accordés par certains cantons aux entreprises étrangères, a communiqué samedi le groupe parlementaire UDC. «Le gouvernement doit aussi réfléchir à des mesures de rétorsion.»
Dans l’immédiat, l’UDC exige que la Suisse refuse d’entrer en matière sur les 350 millions de francs supplémentaires demandés à titre de contribution à l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE.
Dans un deuxième temps, l’UDC suggère de geler le paiement du «milliard de cohésion» accordé aux 10 autres Etats d’Europe de l’Est et le remboursement de l’impôt sur la fiscalité de l’épargne des ressortissants européens en Suisse. Elle suggère également «d’augmenter massivement» la vignette autoroutière pour ces derniers.
Autant de mesures qui, selon l’UDC, permettraient de répondre aux procédés «chicaniers» auxquels Bruxelles risque de recourir pour faire pression sur la Suisse.
«La Suisse doit faire clairement comprendre à l’UE qu’elle est un Etat souverain qui ne tolère pas d’immixtion dans ses affaires intérieures», indique encore le groupe, qui réclame un débat urgent lors de la session parlementaire de mars.
«La Suisse ne peut faire la fine bouche»
De son côté, l’ancien ministre allemand des Finances, le socialiste Hans Eichel, estime que la Suisse ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Dans une interview à la «NZZ dimanche», il déclare que le régime fiscal de certains cantons est «extrêmement injuste» puisque les entreprises indigènes et étrangères ne sont pas soumises au même régime.
L’ancien ministre allemand estime encore que la Suisse «profite dans une large mesure» de l’UE, notamment des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes et des marchandises, et que Bruxelles n’a jamais posé de conditions aux accords bilatéraux conclus avec Berne.
«La Suisse ne peut donc faire la fine bouche en n’acceptant que les avantages d’un marché commun tout en refuser les obligations» que cela implique, affirme encore Hans Eichel.
Décision mardi?
Mardi, la Commission européenne devrait savoir si elle peut ouvrir les discussions avec Berne, ce qu’elle souhaite faire rapidement. Respondable de l’ordre du jour du groupe AELE, la présidence allemande de l’UE devrait tenter d’obtenir un consensus.
Comme les autres groupes d’exerts, le groupe AELE prépare les décisions du Conseil des ministres. En cas d’unanimité, les politiques donnent en général leur feu vert sans autre forme de procès.
swissinfo et les agences
La querelle entre Berne et Bruxelles concerne la politique fiscale de certains cantons suisses qui, selon l’UE, viole l’accord bilatéral de libre-échange conclu en 1972.
La Commission européenne fait pression sur la Suisse pour qu’elle supprime tout avantage fiscal accordé à des sociétés étrangères basées en Suisse.
L’UE interdit à ses membres d’attirer des groupes étrangers avec des conditions plus avantageuses que celles appliquées aux entreprises locales.
La Suisse, qui n’est pas membre de l’UE, n’a pas signé ce code.
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