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Tunnels: une carte de visite pour la Suisse

Keystone

Alors que le secret bancaire place la Suisse dans une position inconfortable, Moritz Leuenberger a convié ses homologues européens à visiter le chantier du siècle, le futur tunnel ferroviaire le plus long du monde. Rien de tel pour redorer le blason du pays. Reportage.

Le ministre suisse des Transports a choisi le tronçon de Sedrun, dans les Grisons, pour montrer l’avancement des travaux aux ministres européens et au Commissaire européen aux Transports, Antonio Tajani.

Le choix du chantier au fonds de la Surselva n’est pas un hasard. Les 9,7 kilomètres qui doivent permettre de relier Faido (Tessin) à Amsteg (Uri) représentent sans aucun doute la section la plus spectaculaire. Rien que l’ascenseur qui emmène – à une vitesse décoiffante – les ouvriers (et les visiteurs) du chantier sur leur lieu de travail, par 800 mètres de profondeur, vaut le déplacement.

Mais Sedrun est aussi la preuve de la maitrise suisse de la construction de tunnels. Aucun des chantiers des NLFA n’a posé de problème géologique aussi difficile. La galerie de Sedrun avait même nécessité la construction d’une voûte spéciale pour résister à la pression de la roche qui agit au-dessus du percement des galeries est et ouest, et qui menaçait l’ouvrage.

Un modèle à suivre

Sur place, l’admiration de Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat français aux Transports, de Doris Bures, la ministre autrichienne ou encore de l’ambassadeur de l’Union Européenne Michael Reiterer était visible.

Ce dernier a d’ailleurs souligné qu’«en tant qu’Autrichien, j’espère que mon pays prendra exemple sur la Suisse pour faire avancer le chantier du Brenner et relier l’Italie, a confié le diplomate. En Europe, on parle beaucoup. En Suisse, on parle moins et on agi davantage.»

De son côté, le ministre italien des Transports a poliment décliné l’invitation du voyage de Sedrun. L’Italie, aux prises avec de graves problèmes budgétaires, accuse du retard dans ses travaux. C’est peut-être pour ne pas avoir à répondre de ces aléas que le représentant du gouvernement à Rome a évité de venir en Suisse, ont chuchoté les mauvaises langues, vendredi à Sedrun.

La Suisse, noyau du continent

A l’inverse, Alessandro Tajani, le Commissaire européen aux transports a souligné à plusieurs reprise l’«importance de l’aspect politique de la rencontre», pourtant qualifiée par le ministère suisse des Transports d’«informelle».

«Le tunnel ferroviaire du Gothard est au centre de notre attention, puisqu’il est compris dans le Projet Prioritaire 24 Nord-Sud (PP24). Et nous ne pouvons que remercier la Suisse de consentir cet effort gigantesque et de financier un tel ouvrage», a précisé l’Italien.

L’expérience de Moritz Leuenberger

En place depuis 1995, Moritz Leuenberger est plus ou moins poussé vers la sortie du gouvernement par plusieurs partis politique et même par le sien, le Parti socialiste. Mais à Sedrun, le ministre des Transports a voulu faire valoir sa longue expérience et la reconnaissance que lui vaut celle-ci sur l’échiquier européen.

«Il m’arrive fréquemment que certains de mes homologues m’appellent pour me consulter et me demander conseil, sur la manière de résoudre tel ou tel problème, a-t-il expliqué. La continuité, surtout dans un domaine aussi complexe, est un atout. D’ailleurs, la Suisse est invitée à toutes les réunions ministérielles européennes en matière de transports.»

«Il est vrai que la Suisse se heurte à des problèmes dans certains dossiers, mais sous l’angle des transports, nous suscitons beaucoup d’admiration», s’est encore félicité Moritz Leuenberger.

Savoir-faire helvétique

Doris Bures, la patronne autrichienne des Transports, s’est réjouie de constater que de nombreux compatriotes, experts dans la construction de tunnels, étaient engagés sur les chantiers du Gothard. La ministre a d’ailleurs souligné avec plaisir, «la collaboration efficace qui lie son pays à la Suisse».

Surmonter et contourner les obstacles naturels fait partie intrinsèque de l’histoire moderne de la Suisse. L’aventure des tunnels alpins avait débuté en 1708 déjà, avec l’«Urnerloch», à proximité d’Andermatt, d’une longueur de 64 mètres, et qui a été la première galerie destinée au trafic de marchandises et de passagers sur un axe alpin.

Près de deux siècles et de pénibles voyages à dos de mulet plus tard, le train pouvait à son tour traverser les Alpes, puisque c’est en 1882, que le tunnel ferroviaire du Gothard était inauguré. Durant les dix ans de travaux nécessaires pour venir à bout du percement, le chantier avait coûté la vie à plus de deux cents ouvriers.

Avec ses 15 kilomètres, le tunnel a détenu durant longtemps le record de longueur d’un tel ouvrage. Un record par ailleurs battu ensuite par une autre galerie, aussi construite en Suisse.

Nicole della Pietra à Sedrun, swissinfo.ch

Vote populaire: En 1992, 63,6% des citoyens suisses approuvaient le projet des nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA), soit la construction de deux tunnels ferroviaires au Gothard et au Lötschberg.

Transfert route-rail: L’un des principaux objectifs vise le transfert des marchandises de la route au rail et la réduction des temps de voyage pour des passagers. La nouvelle ligne permettra ainsi de racourcir d’une heure le trajet Zurich-Milan.

Déjà un tunnel: La galerie ferroviaire de 34,6 km du Lötschberg, qui relie les cantons du Valais et de Berne, a été inaugurée le 15 juin 2007.

Record mondial: la galerie du Gothard, qui deviendra le tunnel ferroviaire le plus long du monde (57 km), devrait entrer en fonction en 2017. La ligne ferroviaire de plaine à travers les Alpes sera complétée par la galerie du Monte Ceneri (15,4 km) vers 2019.

En 2017: Aujourd’hui, plus de quatre cinquièmes du tunnel ferroviaire de base du Gothard ont déjà été percés. Les travaux devraient être terminés dans les délais, soit en 2017.

Lourde facture: Selon les dernières estimations et en tenant compte du renchérissement de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts sur les crédits à la construction, la facture finale de la NLFA devrait atteindre près de 24 milliards de francs.

Financement: L’œuvre est entièrement financée par la Suisse, par le biais des impôts sur le trafic poids lourds (65%), la taxe sur les carburants (25%) de même que la TVA (10%).

En Europe, les travaux préparatoires en vue de la construction des deux tunnels du Brenner et du Moncenisio ont débuté. Les deux ouvrages ne battront cependant pas le record mondial de longueur du futur ouvrage du Gothard.

Le premier, doit rapprocher l’Autriche de l’Italie, avec une galerie de 55 kilomètres.

Le second (53 kilomètres) sera creusé entre Lyon et Turin et permettra de relier les deux villes par une ligne à grande vitesse.

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