Un manifeste pour défendre les intérêts de la diaspora
Forte d’un demi-million de citoyens détenteurs du droit de vote, la Cinquième Suisse veut avancer ses pions en vue des élections fédérales. Elle formule sept revendications pour la prochaine législature. Les expatriés promettent de conditionner leurs choix électoraux.
Fermement déterminée à se frayer une place dans la politique fédérale, la diaspora s’adresse directement aux partis et aux candidats au Parlement suisse. C’est à eux qu’elle remettra son «Manifeste électoral 2011 de l’OSE» (Organisation des Suisses de l’étranger), qui contient son catalogue détaillé de revendications.
Elle demande la création d’une loi destinée aux expatriés, la facilitation de l’exercice des droits politiques depuis l’étranger, le développement de la mobilité internationale des Suisses, un encadrement consulaire adéquat, le développement de la communication avec la Cinquième Suisse, la consolidation du Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) comme organisme représentatif de la Cinquième Suisse, le renforcement et le développement de la présence et de la participation internationale de la Suisse.
Un dénominateur commun
Sept requêtes qui constituent le dénominateur commun de l’électorat helvétique à l’étranger. Un électorat disséminé aux quatre coins de la planète, mais « dont le cœur est toujours en Suisse», comme l’explique, Giuseppe Broggini, un architecte urbaniste tessinois à la retraite et installé depuis une quarantaine d’années à Londres.
Si la participation des expatriés à la vie politique helvétique est dictée par des motifs affectifs, c’est surtout la raison qui les pousse à mettre en œuvre une stratégie pour atteindre leurs objectifs.
«Les expatriés suisses tirent un bilan en demi-teinte de la législature en cours», souligne le directeur de l’OSE, Rudolf Wyder. Parmi les exemples qu’il énumère, figurent les progrès en matière de vote électronique, même s’il est encore loin d’être généralisé. C’est pourquoi la Cinquième Suisse demande l’accélération de cette procédure.
Une loi ad hoc
Pour le directeur de l’OSE, un pas très important a aussi été franchi avec la reconnaissance par le gouvernement du besoin de mener une politique cohérente à l’égard des Suisses de l’étranger. «Celle-ci devra être concrétisée lors de la prochaine législature», insiste Rudolf Wyder. C’est précisément dans ce but que la première des sept requêtes du manifeste demande la création d’une base légale destinée aux expatriés.
De fait, le sentiment d’un abandon de la part de la mère patrie, se répand au sein de la diaspora helvétique. «Ils nous promettent toujours beaucoup, mais au final, ils ne font rien. Au contraire, ils ferment même les consulats», regrette Greta Latini, une Zurichoise qui vit depuis 1969 à Pérouse.
Selon Rudolf Wyder, globalement, la classe politique helvétique ne se rend pas encore vraiment compte de l’importance de la diaspora pour la Suisse. Il s’agit d’un réseau de contacts internationaux – économiques, politiques et culturels – «sans lesquels, notre pays s’appauvrirait. Ce réseau est géré avec attention.»
Relais politiques
Néanmoins, «certains parlementaires, conscients de la valeur de la Cinquième Suisse et proches de ses préoccupations ont exprimé leur intérêt pour les problèmes concrets auxquels se heurte la communauté. Ils ont contacté la diaspora et mené campagne auprès d’elle », relève Jean-Paul Aeschlimann, consul honoraire dans le sud de la France, et qui a passé plus de quarante ans à l’étranger, dans divers pays.
Les Suisses de France – la communauté helvétique la plus importante hors de la Confédération – avec 181’462 personnes, ont choisi d’emprunter cette voie. Pour son congrès annuel, qui se tiendra à la fin du mois d’avril à Bordeaux, elle a invité cinq représentants des cinq plus grands partis présents au Parlement suisse, à exposer leurs positions respectives sur plusieurs thématiques.
Des rencontres similaires sont également prévues dans d’autres pays. «Comme en Grande-Bretagne, en septembre prochain, où l’ambassade de Suisse organisera un forum consacré aux élections fédérales», indique Giuseppe Broggini.
A la recherche du candidat idéal
Des Suisses expatriés figureront aussi au nombre des candidats en lice pour les élections fédérales d’octobre. Mais les délégués du CSE avec lesquels swissinfo.ch s’est entretenu admettent que ces prétendants n’ont que peu de chances d’être élus. Ils servent néanmoins la cause de la Cinquième Suisse, qui gagne ainsi en visibilité dans le pays. Parallèlement, leur candidature suscite des débats électoraux au sein de la diaspora et nourrit l’intérêt des citoyens suisses de l’étranger pour le scrutin.
Les Suisses à l’étranger sont désormais convaincus qu’il «est plus utile de disposer de plusieurs députés au Parlement, de divers partis politiques, qui vivent dans la Confédération et défendent les intérêts de la diaspora, plutôt que quelques expatriés qui se perdent dans la masse», note Roberto Engeler, président de l’école suisse de Milan.
Il est juste que les Suisses installés à l’étranger votent et influencent ainsi la politique de la Confédération. «Mais pour exercer un mandat parlementaire, il faut vivre dans le pays», convient la vice-présidente de l’OSE, Elisabeth Michel, installée depuis 35 ans en Allemagne.
Jean-Paul Aeschlimann trouve aussi important que la diaspora soit représentée par des parlementaires en Suisse, qui connaissent en détail le terrain sur lequel ils évoluent. Pour lui, l’idéal sera atteint le jour où il sera possible d’organiser « les élections aux Chambres fédérales parallèlement à celles du Conseil des Suisses de l’étranger. Parce que si l’ensemble des expatriés détenteurs du droit de vote élisait le CSE, il serait plus représentatif et il impliquerait davantage» les Suisses de par le monde.
«Nous en rêvons», confie Jean-Paul Aeschlimann. Avec le vote électronique et la plateforme SwissCommunity, ce rêve pourrait devenir réalité.
A la fin de 2010,695’101 Suissesses et Suisses de l’étranger étaient immatriculés auprès de représentations helvétiques à l’étranger. Soit 1,5% de plus qu’une année auparavant. 538’243 d’entre eux sont détenteurs du droit de vote et d’éligibilité.
Pour exercer ses droits politiques, il faut être immatriculé auprès d’une représentation suisse du pays de résidence et être inscrit au registre électoral d’une commune de la Confédération.
La participation politique de la Cinquième Suisse est en constante progression. A la fin de 2010, on dénombrait 135’877 Suissesses et Suisses de l’étranger, ce qui correspond à une croissance de 4,5% en un an.
L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) représente les intérêts dans la Confédération, des Suisses expatriés. Les autorités reconnaissent l’organisation comme la porte-parole de la Cinquième Suisse.
Le Conseil des Suisses de l’étranger. La diaspora helvétique dispose de son propre Parlement: le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE), qui se réunit en Suisse deux fois par année, soit en été et en automne, à l’occasion du Congrès annuel des Suisses de l’étranger.
Le Manifeste. Lors de la réunion de printemps, qui s’est tenue le 8 avril dernier à Brunnen, dans le canton de Schwyz, le CSE a adopté à l’unanimité le «Manifeste électoral 2011 de l’OSE», qui s’adresse à tous les partis et candidats aux élections fédérales du 23 octobre prochain. Il s’agit d’un catalogue de revendications concrètes, de la Cinquième Suisse, en vue de la prochaine législature.
Traduction de l’italien: Nicole della Pietra
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