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Un rendez-vous indo-suisse «écrit dans les étoiles»

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Cet automne, le festival des médias Nord-Sud innove. Rebaptisé Forum International des Médias Nord-Sud, il se délocalise en Inde. Neel Rapp-Singh, la coordinatrice de l'événement, est indienne et vit en Suisse. C'est grâce à cette double culture que les 'rencontres de Jaipur' auront vu le jour.

Nous avons rendez-vous au Delhi Golf Club, l’un des lieux les plus sélects de la capitale indienne. Ici, seuls entrent les membres du club et leurs invités. Une grande femme brune, chargée de trois sacs à main et d’un large sourire s’approche de moi. C’est Neel Rapp, la femme qui porte sur ses épaules toute l’organisation du forum.

Réserver les chambres des intervenants, elle s’en est chargée, dessiner les invitations pour le gala, c’est elle aussi. Sur la table, ses deux téléphones portables sonnent toutes les quinze minutes. Dans deux jours, elle doit être à Jaipur et il reste encore plein de choses à organiser.

swissinfo: Pourquoi avoir choisi Jaipur?

Neel Rapp-Singh: C’est une ville très culturelle et pas très éloignée de Delhi. Jaipur a été construite au XVIème siècle: le plan de la cité a été dessiné d’après les planètes et l’astronomie indienne. Il y a aussi un observatoire vieux de plusieurs centaines d’années à Jaipur.

Sachant qu’un des colloques du forum sera animé par Stéphane Udry, l’un des deux scientifiques qui ont découvert les exoplanètes, on dirait presque que le choix de Jaipur…

Par ailleurs, nous visons vraiment un public de jeunes. [ndlr : à Jaipur se trouvent de nombreuses universités]. Nous avons déjà contacté plusieurs collèges, universités et lycées. Comme l’entrée est gratuite, on les attend en grand nombre!

swissinfo: D’où est venue l’idée d’organiser le forum en dehors de la Suisse?

N. R.-S. : Le concept du festival a évolué… le directeur Jean-Philippe Rapp – accessoirement mon mari – trouvait que ce serait bien de recevoir un pays une année et de prolonger les débats l’année suivante dans ce même pays. Comme en 2007 on avait centré les rencontres sur «L’Inde, future puissance mondiale» et qu’on fête cette année les 60 ans du traité d’amitié indo-suisse, c’était l’occasion de tester cette nouvelle formule.

swissinfo: Et que va-t-on y trouver?

N. R.-S. : Beaucoup de documentaires. Des débats sur l’astrophysique ou le changement climatique… mais aussi de la danse et de la peinture. Je trouvais qu’il fallait aussi que ce soit un festin pour les yeux. En effet, un des problèmes qui va apparaître, c’est celui de la langue: imaginez qu’à l’université d’astrophysique d’Inde, les cours sont encore donnés en sanskrit, une langue ancienne. Il faudra donc traduire en anglais, hindi et sanskrit !
Nous avons aussi voulu montrer comment deux pays éloignés peuvent avoir des traditions qui se rapprochent. Il y aura des films sur les Alpes et l’Himalaya. Ou sur les vaches: elles sont sacrées en Inde… On va projeter des images de désalpe et de combats de reines pour montrer qu’il y a un aussi un culte de la vache dans les montagnes suisses.

Le natel de Neel Rapp sonne. C’est l’imprimeur qui demande un délai pour les cartons d’invitation de la soirée de clôture. Réponse de l’intéressée: «Avec cette commande, vous avez à faire avec les gouvernements indien et suisse. Vous ne pouvez pas être en retard! » Petit sourire en raccrochant: «Ill faut savoir asseoir son autorité et ça marche!»

swissinfo: A quelles difficultés avez-vous été confrontée pour organiser cet événement?

N. R.-S. : En fait, ce sont les Suisses qui m’ont posé le plus de problèmes, à tout le temps changer d’avis: «Je viens seul, je viens avec ma femme, je ne viens plus… »! J’avais fait jouer mes contacts pour obtenir des chambres dans des palaces à Jaipur et maintenant je dois les annuler – je me trouve dans une situation très inconfortable.

Côté indien, ça va… C’est facile parce que je suis du pays et que j’appartiens à une famille très privilégiée. Ça m’ouvre des portes au plus haut niveau: c’est pour cette seule raison que je peux organiser ce forum! C’est le carnet d’adresses qui fait foi.

Mais ici, rien n’est jamais sûr. J’avais organisé le logement pour les 52 danseurs de l’école Rudra-Béjart, invités à danser au forum, depuis six semaines déjà. Aujourd’hui, on me dit que ce n’est plus possible. Je crie, je hurle, je vais traverser tout Delhi pour faire un scandale. Et ce soir, je demanderai au ministre de la Culture d’intervenir et ça va s’arranger. Mais c’est triste qu’à chaque fois, il faille monter jusqu’en haut de la hiérarchie pour obtenir quelque chose.

swissinfo: Est-ce que la Suisse intéresse l’Inde?

N. R.-S. : Oh, oui, bien sûr ! Les Indiens ont quelques clichés, c’est vrai: le Toblerone, les vaches, les coucous… Mais ils ont une grande tendresse pour la Suisse. Ils connaissent très bien le pays grâce au cinéma, aux films de Bollywood tournés en partie dans les Alpes suisses. Ils trouvent aussi admirable la modestie suisse: quand un ministre est en déplacement ici, il n’est pas entouré de 50 policiers. Un ministre indien qui traverse la ville fait bloquer la circulation une demi-heure dans les deux sens…

Mais les Indiens n’oublient pas. Ils ont toujours en tête le scandale des ventes d’armes Bofors [ndlr : la plus grosse affaire de corruption qu’ait connue l’Inde dans les années 80. Plusieurs banques suisses y ont servi d’intermédiaire]. Ils pensent que quelqu’un de très riche peut toujours planquer son argent en Suisse et qu’il n’y a aucune loi, aucune règle, que tout est blanchi. C’est donc important de réhabiliter la Suisse.

Interview swissinfo, Miyuki Droz Aramaki, New Delhi

La 24ème édition, surnommée «Rencontres de Jaipur», aura lieu du 15 au 20 novembre à Jaipur, dans le Rajasthan.

Elle présentera des films documentaires, des débats, des expositions de peinture ou de photographie et des spectacles de danse indienne et suisse.

Depuis 23 ans, le festival permettait au public genevois de découvrir des films venus de pays en voie de développement, en mettant l’accent chaque saison sur une région ou une thématique particulière.

Cette année, pour la première fois, le FIMNS a lieu hors de Suisse. Pour l’occasion, il a été renommé ‘forum’ au lieu de ‘festival’.

Neelum Singh vient d’une grande famille sikh, qui a dû quitter ses terres au moment de la partition entre l’Inde et le Pakistan. Ses parents ont trouvé refuge à Calcutta, dans le nord-est de l’Inde.

Neelum est née en 1947, le jour où son pays proclamait son indépendance. Petite, elle était surnommée «l’enfant de l’indépendance».

A 19 ans, après des études de lettres en Inde, elle est envoyée en Suisse pour faire une licence de français moderne. Elle n’en est plus jamais partie.

D’un premier mariage avec un suisse, elle a deux enfants qui vivent et travaillent en Romandie.

Après son divorce, en 1996, elle a épousé Jean-Philippe Rapp, journaliste à la Télévision suisse romande (TSR).

Elle n’a jamais coupé le lien avec l’Inde et retourne au moins six fois par an dans son pays d’origine.

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