Une armée d’abord pour l’intérieur
L’armée suisse aura de nouvelles priorités. L’appui aux autorités civiles passera avant la défense classique. Les effectifs demeurent inchangés, à 220’000 hommes.
Cette restructuration, prévue pour 2008, doit permettre d’épargner 150 millions de francs par année. Mais c’est encore insuffisant pour atteindre les objectifs du programme d’économies 04.
Jeudi le président de la Confédération et ministre de la défense Samuel Schmid a présenté la refonte d’Armée XXI adoptée la veille par le gouvernement.
Cette réorientation se justifie par la réduction des moyens financiers et l’analyse des nouveaux risques. «La menace terroriste est réelle, alors qu’il est peu probable qu’une guerre classique éclate en Europe dans un avenir prévisible», a souligné Samuel Schmid.
Par conséquent, les troupes d’infanterie seront à l’avenir essentiellement engagées dans des missions de sûreté comme la protection d’ouvrages, de bâtiments ou de conférences internationales. Afin de disposer des effectifs suffisants, une partie des troupes blindées et d’artillerie seront formées à ce type de missions.
Défense classique réduite
Les capacités consacrées à la défense militaire classique du territoire seront elles réduites de moitié. Seuls quelque 18’500 soldats, formant un «noyau de montée en puissance», se concentreront sur cette tâche, a indiqué le chef de l’armée Christophe Keckeis.
Les effectifs totaux de l’armée seront maintenus à 220’000 hommes. Ils se répartissent entre 120’000 actifs, 20’000 recrues et 80’000 réservistes. Ces derniers seront donc conservés, tout comme le système de milice et l’obligation de servir.
Quant aux opérations de maintien de la paix à l’étranger, l’armée devra pouvoir y engager simultanément 500 militaires à partir de 2008. La participation à ce type de missions continuera de se faire sur une base volontaire pour les miliciens, alors que le personnel professionnel sera tenu d’accepter de participer à ce genre d’engagements si les besoins l’exigent.
Economies insuffisantes
Au total, ce remaniement entraînera des économies d’environ 150 millions de francs par année. A l’inverse, l’augmentation des effectifs affectés à des missions de maintien de la paix entraînera des coûts supplémentaires de l’ordre de 35 à 45 millions.
Quoi qu’il en soit, les économies obtenues restent insuffisantes pour atteindre les objectifs du programme d’allégement budgétaire 2004, constate le gouvernement. Quelque 145 millions d’économies supplémentaires seront donc nécessaires. Elles seront réalisées dans les investissements.
Réactions contrastées
Au chapitre des réactions politiques, le Parti démocrate-chrétien dit oui aux propositions de Samuel Schmid pour autant que l’armée puisse assurer la défense du pays et que les forces aériennes restent intactes. Le Parti radical (droite) demande quant à lui le développement ciblé des opérations de promotion de la paix.
Chez les Socialistes, on regrette que Samuel Schmid et Christophe Keckeis n’aient pas traité la question des effectifs pléthoriques de l’armée dans son ensemble. Ils sont ainsi condamnés à développer toujours plus les activités de soutien aux autorités civiles alors que l’armée n’est pas formée pour cela.
Les tâches subsidiaires ne résolvent pas le problème des «surcapacités sous-employées» ni celui des coûts élevés pour une efficacité faible. Les objectifs budgétaires inatteignables continueront d’entraîner des coupes contreproductives dans les investissements, analyse le Parti socialiste.
Seule solution pour les Socialistes: réduire massivement et rapidement la réserve «disproportionnée» de 80’000 hommes.
Les Verts accusent le gouvernement de développer les interventions militaires à l’étranger faute de menace réelle et demandent un moratoire sur ces opérations ainsi que sur les crédits d’armement. Pour le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), l’engagement de l’armée dans des missions civiles durables viole la Constitution.
Ceux qui refusent
Sans aller aussi loin, l’UDC (droite dure) fustige le déplacement des priorités de l’armée vers l’étranger. On économise sur les moyens dévolus à la défense classique pour entretenir un contingent de quelque 500 soldats hors frontières.
La «Communauté de travail pour une armée de milice efficace et assurant la paix» est encore plus catastrophiste. Les effectifs évoqué par Samuel Schmid ne permettra pas de défendre le pays et rendra l’adhésion à une alliance militaire inéluctable, estime-t-elle. Elle demande un débat fondamental sur l’avenir de défense du pays avant de prendre de telles décisions.
L’Association suisse des anciens de l’armée Pro Militia juge quant à elle «inaccaptable» la réforme annoncée, d’autant qu’elle diminue le budget militaire. Si la mise en oeuvre d’Armée XXI n’est pas réalisable en respectant le concept de milice, elle demande au gouvernement et au parlement de remettre une nouvelle conception de l’armée sur le métier.
swissinfo et les agences
Cette refonte d’Armée XXI décidée par le gouvernement n’entraîne aucune modification de la loi, elle n’est donc pas attaquable par référendum.
En revanche, le Parlement devra se prononcer sur la révision d’une ordonnance.
Il le fera en 2006, afin que le remaniement puisse être mis en oeuvre dès le 1er janvier 2008 et être mené à bien jusqu’en 2011.
– A l’époque de la guerre froide, l’Armée 61 pouvait mobiliser de 600’000 à 800’000 hommes, soit plus de 10% de la population. Le service militaire durait 317 jours, étalés de 20 à 50 ans.
– Après la fin de la guerre froide, Armée 95 a ramené les effectifs à 400’000 hommes. La durée du service obligatoire est tombée à 300 jours, jusqu’à l’âge de 42 ans.
– Les changements politiques des années 1990 ont entraîné une nouvelle réforme, Armée XXI. Depuis 2004, celle-ci comprend 140’000 actifs et 80’000 réservistes, soit moins de 3% de la population.
– Armée XXI comprend davantage de soldats de métier et à durée d’engagement déterminée. Le service, obligatoire de 20 à 30 ans, est limité à 260 jours.
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