Une campagne électorale à court de thèmes
L’effet Fukushima s’estompe, mais la politique énergétique reste au centre de l’attention. Ce sont surtout les petits partis qui profitent de l’absence d’autres grands thèmes, tandis que les grandes formations perdent des voix, montre le dernier baromètre électoral de SRG SSR.
«La campagne électorale a pratiquement débuté le 11 mars dernier. L’accident nucléaire au Japon a en effet été l’événement le plus important de ces derniers mois et a ouvert un grand débat sur la politique énergétique», déclare Claude Longchamp, directeur de l’institut gfs.bern, en charge de réaliser le baromètre électoral pour le compte du diffuseur national SRG SSR.
L’avenir de la politique énergétique a été au centre de l’attention au cours des dernières semaines. Le 25 mai, le gouvernement a annoncé son intention de renoncer au nucléaire d’ici 2034. La nouvelle position du gouvernement, inimaginable il y a encore peu de temps, a été confirmée le 8 juin par la Chambre du peuple, qui s’est à son tour exprimée en faveur d’un abandon de cette forme d’énergie.
Quatre mois après la catastrophe de Fukushima, l’environnement reste ainsi en tête des préoccupations de la population. Selon le baromètre électoral, réalisé entre le 13 et le 26 juin, 43% des personnes interrogées placent les changements climatiques et les catastrophes environnementales au 1er ou 2e rang des problèmes qui doivent être résolu le plus urgemment.
Suivent dans ce hit-parade des préoccupations l’immigration et l’asile (un problème capital pour 34% des sondés), les assurances sociales et la pauvreté (15%), les coûts de l’assurance maladie (14%) et le chômage (13%).
Retombées modestes
«Si nous tenons compte des intentions de vote des personnes interrogées, nous pouvons cependant constater que l’effet Fukushima est resté assez modeste et n’a pas eu de grandes retombées politiques au niveau national», observe Claude Longchamp. La campagne électorale actuelle est plutôt caractérisée par l’absence d’autres thèmes chauds, mis à part, dans une certaine mesure, la question des étrangers qui est régulièrement relancée par l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).
Un fait qui se reflète dans le peu de mobilisation de l’électorat: à peu de mois du 23 octobre, seulement 46% des Suisses ont l’intention de prendre part aux élections fédérales. Quelques formations politiques plus petites profitent de cette incapacité des grands partis à mettre l’accent sur d’autres grands thèmes. C’est en particulier le cas de Verts libéraux qui, selon le baromètre, recueilleraient actuellement 5,2% des suffrages, contre 1,4% lors des dernières élections fédérales (2007).
Parmi les gagnants, on trouve également le Parti bourgeois démocratique (PDB / droite), qui obtiendrait 3% des voix. Ce parti, né en 2008 d’une scission à l’intérieur de l’UDC, reste cependant un «parti de niche» confiné à quelques cantons, relève Claude Longchamp. Egalement en légère hausse le Parti écologiste suisse (les Verts) qui passerait de 9,6% en 2007 à 10% aujourd’hui.
Les grands en recul
Les quatre principaux partis sont en revanche en recul. L’UDC, qui avait obtenu 28,9% des voix en 2007, passerait à 27,5%. Les thèmes environnementaux ont en effet relégué au second plan les questions relatives aux étrangers et à l’Union européenne, des thèmes chers à la droite conservatrice. Mais il n’est pas exclu que l’UDC réussisse une fois encore à attiser la campagne électorale au cours des mois qui restent encore.
A gauche, le Parti socialiste se retrouverait à 18,9%, contre 19,5% en 2007. Les socialistes réussiraient ainsi à limiter les dégâts, mais pas à atteindre leur objectif de 20% des suffrages. La situation conjoncturelle positive ne semble pas favorable à un PS vu aujourd’hui encore par l’électorat comme un parti avant tout compétent sur les thèmes sociaux.
En recul également les deux grands partis historiques du centre-droit. Le Parti démocrate-chrétien passerait de 14,5% aux dernières élections à 13,4% aujourd’hui. «Le PDC cherche actuellement à se donner une image de défenseur de l’environnement, mais l’électorat n’oublie probablement pas ses précédentes prises de position sur le nucléaire», relève Claude Longchamp.
Quant au Parti libéral-radical, il ressort comme le principal perdant de ce baromètre. Les libéraux-radicaux n’atteindraient que 15%, soit 2,7 points de moins qu’en 2007, et ce même compte tenu de l’apport de voix dû à sa fusion avec le Parti libéral suisse. Selon le sondage, la disposition de l’électorat du PLR à voter est descendue à 43%, soit bien moins que pour tous les autres partis. Un point «désastreux», observe Claude Longchamp: «Les électeurs eux-mêmes ne semblent plus croire en leur parti».
Petites variations
Mais tous ces pourcentages doivent être pris, du moins en partie, avec des pincettes. Le baromètre électoral reconnait par exemple une marge d’erreur de 2,2%. Cependant, selon Claude Longchamp, les sondages et les résultats du passé montrent que des variations supérieures à 1% livrent pratiquement toujours de bonnes indications.
Par ailleurs, mis à part la forte croissance de l’UDC sur une période de vingt ans, les rapports de force entre les partis ne subissent généralement pas de grands changements d’une élection à l’autre. Dans ce domaine, la Suisse constitue un peu un cas particulier par rapport à beaucoup d’autres pays européens dans lesquels on enregistre régulièrement de fortes secousses électorales.
Et le même constat vaut pour les thèmes de la campagne électorale. Alors que la dette publique et les programmes d’économies suscitent de féroces batailles politiques dans d’autres pays, en Suisse, même la situation économique n’offre pas de grandes possibilités d’affrontement pour permettre aux partis de se profiler et de cristalliser l’attention de l’électorat.
Le 3e baromètre électoral de SRG SSR a été réalisé entre le 13 et le 26 juin par l’institut gfs.bern qui a interrogé 2006 personnes représentatives dans toutes les régions linguistiques.
Les Suisses résidant à l’étranger, qui sont 135’000 inscrits sur les registres électoraux, n’ont pas été pris en compte.
Depuis l’année dernière, le ministère des Affaires étrangères ne communique en effet plus les adresses des expatriés aux instituts de recherche, afin de garantir la protection de leurs données personnelles.
Selon Claude Longchamp, il s’agit d’une limitation importante pour l’établissement et la précision du baromètre électoral, du moment que les préférences des citoyens expatriés ne correspondent pas de manière uniforme à celles des Suisse résidant sur le sol national.
Après l’environnement, l’immigration occupe le second thème prioritaire des Suisses.
L’immigration suscite des positions contradictoires parmi la population.
Une majorité des personnes interrogées estime en effet que l’immigration devrait à la fois être favorisée pour satisfaire aux besoins économiques et freinée pour des raisons sociales (concurrence sur le marché du travail, hausse des loyers, surpopulation, etc.).
Dans les chiffres, 70% des sondés sont d’avis qu’un frein à l’immigration créerait un grand manque de personnel qualifié et 63% que l’immigration est nécessaire pour atteindre une croissance économique.
Par contre, 62% considère qu’il faudrait limiter l’afflux de personnes en provenance des pays européens et 59% affirme que l’immigration entrainera une hausse excessive de la population.
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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