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Une femme présidera la plus grande ville de Suisse

Kathrin Martelli (à gauche) et Corine Mauch: les deux candidates ont des chances d'être élues le 8 février. Keystone

Ce sera une première pour Zurich, mais pas pour la Suisse, dont plusieurs villes sont déjà présidées par des femmes. Le 8 février, les électeurs de la première ville du pays devront choisir entre une radicale (droite) et une socialiste pour reprendre la mairie.

En octobre, lorsque le bouillonnant maire socialiste de Zurich Elmar Ledergerber, désigné une semaine plus tôt «deuxième meilleur maire au monde» par ses pairs, avait annoncé sa démission, la surprise avait été totale. Etait-il déçu de ne pas avoir remporté la palme du «world’s best mayor»?

Explication officielle: le président, connu au-delà de la Limmat, la rivière de Zurich, pour son enthousiasme parfois un rien contraignant – notamment pour l’organisation de l’Euro 2008 – voulait s’occuper davantage de son fils adolescent.

Entre temps, il a déjà accepté de reprendre les rênes de l’organisation qui s’occupe de promouvoir l’image de la métropole dans le monde. Quant à la mairie, il faut évidemment repourvoir le poste, en mains socialistes depuis 1990.

Un «Stapi» à aimer ou détester

A Zurich, la mairie occupe une place toute particulière dans le cœur des habitants, qui aiment adorer ou détester leur «Stapi», le diminutif de «Stadtpräsident» («président de ville»). Mais elle joue aussi un rôle primordial dans le fonctionnement des institutions.

Le maire dirige par exemple le département culturel, très important à Zurich dont le rayonnement dans ce domaine est traditionnellement fort, avec un Opéra, un Théâtre et un Musée des beaux-arts de réputation mondiale. Il est aussi «le visage» de la ville dans les relations avec l’extérieur. Le maire actuel n’aime d’ailleurs rien tant que se donner des airs de ministre lorsqu’il rencontre ses homologues, suisses mais surtout étrangers.

A domination rose-verte depuis 1990, l’exécutif de la ville s’enorgueillit d’avoir trouvé des solutions aux problèmes de toxicomanie des années 90 et d’avoir transformé la capitale protestante, ville de Zwingli, en haut lieu de rassemblements festifs et culturels.

Mais la crise n’épargne pas Zurich, place financière par excellence, avec Genève, davantage tournée vers les banquiers privés. En cet hiver 2008-2009, la «Paradeplatz», place où le Credit Suisse et l’UBS ornent leurs façades de luxueux atours, respire la grisaille et la peur de lendemains qui déchantent.

Cette incertitude – la ville prévoit d’engranger un quart de recettes fiscales en moins pour l’année 2008 – pèse sur la campagne électorale et pourrait donner des ailes à la candidate radicale, Kathrin Martelli. Elue à l’exécutif en 1994, la politicienne peut en effet mettre en avant une longue expérience, y compris durant les années de crise.

Trône rouge ou bleu?

La mairie pourrait donc bien passer du rose au bleu – couleur du parti radical, longtemps premier parti dans le canton.

Un des grands quotidiens de la place, le Tages-Anzeiger, évoquait en tout cas récemment le «danger» planant sur le «trône rouge».

En face, la candidate socialiste, Corine Mauch n’est «que» députée au parlement municipal, où elle préside son groupe parlementaire. Cette ingénieure agronome, plurilingue et joueuse de guitare basse a l’appui des écologistes.

Mais les radicaux ont aussi fait alliance, avec la droite conservatrice et nationaliste (Union démocratique du centre – UDC). Les anciens frères ennemis en voie de réconciliation aimeraient renverser la majorité rose-verte lors des prochaines élections municipales de 2010.

Créditée de 64% de votes dans un sondage téléphonique d’une chaîne de télévision locale, Kathrin Martelli a d’autant plus de chances qu’elle est appréciée au-delà de son camp politique.

Après huit ans dans les «profondeurs» – le «tiefbauamt» (travaux publics), la radicale, femme très calme, voire discrète, avait pris de la hauteur avec le «hochbauamt» (département des constructions), selon la jolie expression d’un observateur politique.

Projets architecturaux

Elle préside donc les nombreux projets architecturaux en cours à Zurich, à commencer par la future plus haute tour de Suisse, la Prime-Tower, qui culminera à 126 mètres. En revanche, son projet de nouveau Centre des congrès a été rejeté en votation.

Diplomate, la radicale avait notamment «sauvé» l’Euro à Zurich en faisant passer au nouveau stade du Letzigrund toutes les étapes de la construction pour remplacer le projet bloqué du Hardturm.

Mais au final, si l’UDC reste en dehors de l’exécutif, la ville ne changera que peu. «Avec Kathrin Martelli, il y aura un peu plus de Sechseläuten (la fête des corporations), avec Corine Mauch, un peu plus de Street Parade», concluait le Tages-Anzeiger.

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Retraite. Le maire socialiste de Zurich, Elmar Ledergerber, a annoncé sa démission de l’exécutif le 22 octobre 2008, à la surprise générale. Il prendra sa retraite politique à fin avril, à un an de la fin de la législature et à l’âge de 65 ans révolus. Il a déclaré vouloir s’occuper davantage de son fils adolescent.

Elmar Ledergerber siégeait à l’exécutif depuis 1998. Il était devenu maire en 2002, succédant à un autre socialiste, Josef Estermann, président de ville depuis 1990.

Capitale. Zurich est la capitale économique de la Suisse et la plus grande ville du pays, avec quelque 380’000 habitants et, si l’on intègre l’agglomération, environ trois millions de personnes (sur les 7 que compte la Suisse). La ville dépend fortement du secteur financier et bancaire. La perte d’emplois industriels a été compensée, dans les années 90, par une montée en force des branches informatiques et de services.

Etudes. Quelque 40’000 personnes étudient à Zurich, à l’Université ou à l’Ecole polytechnique fédérale, très réputées.

En tête. Zurich arrive régulièrement en tête des classements sur la qualité de vie. «Même quand il ne fait pas beau en ville, on est très vite dans la nature et au soleil», selon la conviction d’une habitante originaire de Berlin, la ville avec laquelle Zurich aime se comparer.

Kathrin Martelli, 57 ans cette année, est une incarnation assez parfaite de la politicienne radicale, de par son quartier d’origine déjà, le plutôt très chic Seefeld, au bord du lac côté soleil.

Sa famille est aussi parfaitement suisse et européenne, dit-elle, avec un mari d’origine italienne, elle-même ayant eu des grands-parents immigrés d’Allemagne, une fille vivant à Londres avec un compagnon anglais et une belle-fille d’origine slovaque.

Mariée à un architecte, une fois grand-mère, cette ancienne secrétaire est entrée en politique à l’âge de 25 ans.

Kathrin Martelli, qui aime lire deux livres en même temps, «un pour réfléchir, l’autre pour le plaisir» se dit «plutôt passivement sportive».

Corine Mauch est aussi l’incarnation d’une image un brin cliché, celle de la socialiste urbaine. Fille de l’ancienne députée Ursula Mauch, elle a passé son enfance aux Etats-Unis et en Suisse.

Zurichoise depuis 25 ans, elle a d’abord habité le «Kreis 4» multiculturel, branché et toxicomane, puis le 6e arrondissement, un peu plus calme mais toujours branché, où elle vit avec sa compagne, ce dont elle ne fait pas mystère.

Ingénieure agronome de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, elle a aussi fait quatre semestres de sinologie, obtenu un Master d’administration publique de l’IDHEAP à Lausanne. Elle préside le groupe socialiste au parlement municipal, où elle est entrée en 1999.

Cette skieuse aimant les randonnées travaille pour les services du Parlement fédéral et joue aussi de la basse dans un groupe de rock féminin local qui vient de faire ses adieux à la scène.

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