Une presse partagée face au 3ème plan conjoncturel
L'euphorie n'est pas de mise dans la presse suisse après la présentation mercredi par le gouvernement de son troisième plan conjoncturel. Un programme axé sur la lutte contre le chômage et le soutien du pouvoir d'achat, qui la laisse un peu sur sa faim.
Dans un commentaire commun, la Tribune de Genève et 24 Heures font observer que la pilule sera difficile à faire passer sur le plan politique. La droite ne veut pas des subventions aux primes maladie, la gauche fustige le manque de courage et d’argent.
«Il y a presque unanimité contre le conseil fédéral», écrivent les deux journaux. Pourtant, il a peut-être raison…
Malgré le manque d’audace, dans le domaine énergétique par exemple, «il y a du pragmatisme dans cette politique des petits pas. Le soutien à l’économie proposé par le Conseil fédéral est mieux que réaliste, il est réalisable. La Suisse reste le pays du pragmatisme.»
Le Bund de Berne considère que «des impulsions étatiques plus importantes auraient été défendables. (…) L’équilibre est difficile à trouver. Le Conseil fédéral a privilégié les revers de la médailles [effets tardifs et pro-cycliques de la relance possible, hausse de la dette]. On peut le comprendre».
A Genève, Le Temps a la dent nettement plus dure. «Alors que tous les Etats voisins ont pris la mesure de la crise économique en anticipant ses effets dévastateurs, la Suisse inverse l’équation. Le critère majeur pour établir le niveau de soutien de l’Etat n’est pas la gravité de la situation économique, mais le maintien de finances publiques saines.»
En clair, le gouvernement réagit de manière «ordinaire» à une crise «extraordinaire». Invoquer la souci de préserver la prochaine génération de la dette est, «dans ce contexte, exagéré.» C’est justement cette génération qui, selon Le Temps, paiera, par le chômage de longue durée, «la faiblesse du programme de relance (…) dilué dans des dizaines de petites mesures sans effet de levier».
Pas assez!
Ce troisième paquet aura, en effet, peu d’impact en terme d’impulsion à l’économie, juge aussi le Tages Anzeiger. 750 millions, ce n’est pas assez. Et les mesures de soutien au pouvoir d’achat (réduction des primes maladie, réforme de la TVA) «n’engendreront guère de dépenses supplémentaires. Au vu des perspectives en termes d’emploi, l’épargne» sera la priorité.
Sur le volume des dépenses consenties, «le gouvernement s’est montré pingre: ce n’est pas assez. Surtout si on considère les prévisions économiques négatives», assène la Basler Zeitung.
Mais «de manière justifiée, le gouvernement a mis le poids sur le marché du travail, dans le but d’amortir les conséquences de la récession», reprend le Tages Anzeiger, rappelant au passage que le gouvernement a joué dans le cadre du frein à l’endettement.
Amortir les effets
Cette approche – des mesures pour amortir la crise – est «politiquement intelligente et économiquement moins bête que d’autres mesures possibles de stimulation» de l’économie, confirme la Neue Zürcher Zeitung. Combattre le chômage des jeunes et celui de longue durée, axer l’effort sur la formation continue: ces mesures pourraient signifier des améliorations structurelles et un coup de pouce à la consommation intérieure.
Le journal de Zurich se montre beaucoup plus réservé sur deux autres aspects du plan. Les plateformes d’appui aux entreprises innovantes sont jugées sans intérêt autre que politique. Et l’aide au paiement des primes maladies est perçue comme «une absurdité» qui ne fera que «freiner la réforme du secteur de la santé».
Pas plus!
D’un avis proche, la Berner Zeitung note que le dernier plan conjoncturel a en particulier aidé le secteur de la construction, marginalement seulement touché par la crise. «En comparaison des autres pays, la Suisse investit peu dans les programme conjoncturels. Et c’est bien ainsi». Car l’effet des aides publiques débloquées jusqu’ici «reste contesté».
Le journal de Berne ajoute qu’il «serait faut d’investir de nouveaux milliards: cela conduirait à de l’inflation et alourdirait le ménage publique à long terme avec les intérêts de la dette.»
Pierre-François Besson, swissinfo.ch
Première phase depuis janvier 2009 (pour un total de 900 millions de francs):
Libération des réserves de crise: 550 mio.
Levée du blocage des crédits: 205 mio.
Hausse des dépenses pour la protection contre les crues: 66 mio.
Investissements dans l’aide au logement: 45 mio.
Travaux d’entretien de constructions civiles de la Confédération: 20 mio.
Promotion des exportations: 10 mio.
Seconde phase depuis l’été 2009 (total de 700 millions):
Amélioration des infrastructures, en particulier dans les transports ferroviaires et les routes: 530 mio.
Investissements pour l’énergie et l’environnement: 80 mio.
Financement supplémentaire pour la recherche: 50 mio.
Autres secteurs, dont le tourisme: 40 mio.
Troisième phase depuis 2010 (total de 750 millions):
Mesures pour contrer la hausse du chômage: 400 mio.
Contribution spéciale pour réduire les primes de caisse maladie: 200 mio.
Réforme de la TVA: 150 mio.
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