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Une session d’automne placée sous le signe de la nervosité

Centre
Des membres du Centre au Conseil des Etats. Keystone / Peter Schneider

Qu'a apporté la session d’automne du Parlement suisse? Beaucoup de désaccords, mais peu de progrès, surtout si l’on se place du point de vue des Suisses de l'étranger.

La principale déception pour les Suisses de l’étranger vient du refus d’un postulatLien externe qui voulait permettre aux personnes expatriées de bénéficier d’une solution de caisse maladie suisse. Certes, le Conseil national (la Chambre basse du Parlement) n’a dit non que de justesse à cette proposition de la députée du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter. Mais bien qu’elle ait été timide, cette idée a échoué, ce qui laisse penser que le sujet va rester clos pour longtemps.

«Il semblerait que nous ayons un mauvais lobbying au sein de l’UDC, du PLR et du Parti Vert’libéral; nous devons y travailler à l’avenir», commente le délégué des Suisses de l’étranger en Thaïlande, Josef Schnyder. «Le problème de l’absence de couverture maladie, ou de son insuffisance, reste entier pour de nombreux Suisses de l’étranger», ajoute-t-il.

Les rentes pour enfants, qui permettent à de nombreux retraités vivant à l’étranger d’économiser environ 800 francs par mois et par enfant, semblent toutefois avoir été sauvées, du moins jusqu’à la prochaine session. L’affaireLien externe a disparu de l’ordre du jour du Conseil des États (la Chambre haute) jusqu’à nouvel ordre. Affaire à suivre – mais les chances de survie sont faibles.

Quel est le problème de la Suisse?

Les personnes qui ont observé la Suisse de loin au cours des trois semaines de cette session parlementaire se reconnaîtront peut-être dans le portrait brossé par un parlementaire socialiste: «Imaginez que vous regardez la Suisse d’en haut, que vous ne connaissez rien de cet État et que vous vous demandez: quels problèmes ce pays pourrait-il bien avoir?»

Pause artistique, regard interrogateur.

Puis vient sa réponse: «L’argent! Jamais il ne vous viendrait à l’esprit que le manque d’argent puisse être un problème pour la Suisse. Et pourtant, c’est ce pour quoi nous nous battons ici.»

La Suisse s’est imposé un frein à l’endettement strict, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas dépenser plus que ce qu’elle gagne. Or, les dépenses vont augmenter de manière continue dans un avenir proche, puisque le peuple a dit oui à une rente mensuelle supplémentaire et que les temps incertains exigent davantage d’argent pour l’armée.

Un plan d’économie et le torchon brûle

La Suisse doit donc soit faire rentrer plus d’argent dans les caisses, soit économiser davantage. Et la seconde voie est celle que prévoit d’emprunter le gouvernement. Pile pendant la session, le Conseil fédéral a présenté un paquet de mesures d’économies à hauteur de 5 milliards de francs.

De quoi enflammer la Coupole. Alors même que les points à l’ordre du jour étaient encore en train d’être traités dans la salle du Conseil, le plan d’économies a dominé les discussions dans les couloirs et les salles de séances.

Il faut dire que le plan divise: la gauche du Parlement y voit un coup de rabot, une attaque contre le service public et la Suisse sociale. La droite, à l’inverse, salue le paquet de mesures qu’elle qualifie de courageux, et se félicite des nombreuses propositions d’économie inattendues.

«On sait enfin tout ce qu’il est possible de faire», déclare par exemple la conseillère nationale UDC (droite conservatrice) Vroni Thalmann. Elle fait l’éloge du groupe de spécialistes, qui a fouillé les dépenses de la Confédération jusqu’à la dernière ligne d’Excel pour trouver des potentiels d’économie et a identifié plus de 60 postes. «Nous n’aurions pas pu faire quelque chose d’aussi minutieux au Parlement», dit-elle.

Le plan prévoit également la suppression de la contribution fédérale au mandat de la SSR à l’étranger et concerne donc le financement de SWI swissinfo.ch. Il sera mis en consultation en 2025 et ses détails occuperont le Parlement l’année prochaine. 

Où trouver l’argent, et pour quelle armée?

L’argent reste également le nerf de la guerre dans le débat sur l’armée. Les deux Chambres ont convenu de financer l’armée plus tôt et de manière plus généreuse que ne le proposait le Conseil fédéral. Mais la question de savoir où seront trouvés les 4 milliards de francs supplémentaires reste ouverte. Le Conseil national et le Conseil des États ont chacun vivement débattu en interne à ce sujet, il leur reste maintenant à se mettre d’accord lors de la prochaine session.

Au Conseil national, c’est le débat sur l’armée qui a suscité le plus d’émotions, notamment parce qu’une partie des fonds devrait être prélevée sur l’aide au développement. Le conseiller national socialiste Fabian Molina a parlé de «club folklorique» et de «paranoïa» en visant le camp bourgeois. Ce dernier a immédiatement exigé des excuses et le chef du groupe parlementaire du Centre a menacé de déposer une plainte pénale.

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La présidente de la Confédération Viola Amherd et le chef de l’armée Thomas Suessli se saluent juste avant la session d’automne des Chambres fédérales, le jeudi 19 septembre 2024 au Conseil national à Berne. Keystone / Anthony Anex

Il est également ressorti des discussions que ce à quoi devrait ressembler l’armée suisse du futur est tout sauf clair. Faut-il des chars ou des drones? Faut-il des cyber-guerriers ou des grenadiers? Le Parlement a débattu de concepts, à défaut d’en avoir un fixé par le gouvernement – ce qui serait de sa responsabilité.

Une alliance plus large en faveur d’un durcissement de l’asile

La profondeur du fossé entre la gauche et la droite s’est également manifestée lors de la session spéciale sur l’asile, obtenue par l’UDC. La première force politique du pays a présenté toute une série de mesures de durcissement. Certaines ont été rejetées par le Conseil national, mais l’une d’entre elles, qui a fait sensation, a été adoptée: les personnes admises provisoirement ne devraient plus pouvoir faire venir les membres de leur famille en Suisse. Le ministre socialiste de la Justice, Beat Jans, s’y est opposé en vain; il était de toute façon acculé face aux innombrables questions de l’UDC.

Finalement, le Conseil des États a transmis la décision délicate du Conseil national à sa commission juridique. Celle-ci doit maintenant examiner comment faire en sorte que l’interdiction du regroupement familial soit compatible avec les droits humains et la Constitution helvétique.

Il est notable que les socialistes aient réussi à récolter en une nuit plus de 100’000 signatures contre cette décision controversée. C’est une première, et une nouvelle démonstration de la forte capacité de mobilisation de la gauche.

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Marcel Dettling (UDC) écoute la réponse du conseiller fédéral Beat Jans à sa question, lors de la session extraordinaire «Asile», le 24 septembre. Keystone / Anthony Anex

Le fait que le PLR, économiquement libéral, et une partie du Centre aient adopté une position plus dure et lisible sur les thèmes migratoires est également nouveau. Cela s’est non seulement manifesté lors du débat sur l’asile au Conseil national, mais aussi au Conseil des États, sur un autre thème, qui consistait dans le fond à éliminer une discrimination à l’égard des Suisses de l’étranger rentrant au paysLien externe. Mais les États y ont vu un risque d’augmentation de l’immigration et ont renvoyé le dossier sur le banc de touche, au National.

Realpolitik et politique des symboles

En ce qui concerne l’Ukraine, la solidarité fait place à des considérations juridiques, du moins formellement. Le Conseil des États veut ainsi assouplir les sanctions contre la Russie introduites par la Suisse après l’attaque russe contre l’Ukraine.

La Chambre haute veut ré-autoriser les avocats à travailler pour des entreprises russes. Le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, a averti que cela affaiblirait la crédibilité de la Suisse en matière de politique étrangère, en vain.

De même, le Conseil des États veut que la livraison de gilets pare-balles suisses à l’Ukraine soit interdite à l’avenir. Sinon, selon le principe de neutralité, la Suisse devrait aussi fournir des gilets de protection à la Russie. C’était l’argument défendu, et un témoin de la realpolitik du moment.

Pour le symbole, le Conseil national a reconnu l’Holodomor comme un génocide. L’Holodomor est une guerre de famine menée par la Russie contre l’Ukraine à l’époque de Staline, soit il y a plus de 90 ans.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg, traduit de l’allemand par Pauline Turuban

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