Le vélo en piste pour la Constitution suisse
Promouvoir la mobilité cycliste en créant des infrastructures adéquates: c’est l’objectif de l’inscription des pistes cyclables dans la Constitution suisse, qui sera soumise au vote le 23 septembre. Une étape nécessaire selon le gouvernement et le parlement, mais superflue et illusoire pour l’UDC (droite conservatrice).
La proposition d’étendre aux pistes cyclables l’article constitutionnel sur les chemins et les sentiers récoltera-t-elle le même succès que l’article en question il y a 40 ans (77% de oui)? On le saura au soir de la votation fédérale.
Mais une chose est déjà certaine: les prémisses sont les mêmes qu’à l’époque. Tout a commencé avec une initiative populaire, retirée ensuite en faveur d’un contre-projet direct, qui a bénéficié d’un vaste soutien au parlement.
Un objectif noble
Aujourd’hui, avec l’initiative populaire «Pour la promotion des voies cyclables et des chemins et sentiers pédestres (initiative véloLien externe)», comme alors avec l’initiative «Développement des chemins et sentiersLien externe», le gouvernement et les Chambres fédérales ont jugé l’objectif justifié, mais pas les moyens prévus pour le poursuivre.
«Personne au sein de la commission n’a remis en cause la nécessité de développer la mobilité douceLien externe, en particulier l’usage du vélo, et donc de prendre des mesures pour le favoriser», a dit devant le Conseil des Etats (Chambre haute) le rapporteur de la commission Raphaël Comte.
Le sénateur libéral-radical (droite) a rappelé que déjà lors du débat parlementaire sur l’initiative sur les chemins et sentiers en 1977, le Conseil national (Chambre du peuple) avait jugé qu’il serait cohérent d’introduire également les pistes cyclables dans le nouvel article constitutionnel. Mais à l’époque, le Conseil des Etats avait refusé.
Le vélo est ainsi resté exclu de la Constitution fédérale. Une lacune qui apparaît aujourd’hui inacceptable et qui doit être comblée rapidement, non seulement pour les promoteurs de l’initiative vélo, mais aussi pour le parlement et le gouvernement suisses.
Le gouvernement et de nombreux parlementaires ont cité les multiples avantages qu’aurait une augmentation significative de l’usage de ce moyen de locomotion pour les déplacements quotidiens et pour les loisirs. Les principaux avantages seraient la décongestion du trafic motorisé privé et la diminution de l’encombrement des transports publics, avec pour conséquence une réduction de la consommation d’énergie, des émissions polluantes et du bruit. En plus, comme la pratique du vélo est un exercice physique, cela contribuerait aussi à la promotion de la santé.
Valoriser le potentiel avec des infrastructures sûres
Le vélo est très répandu dans toute la population. Selon les estimations, il y a presque 4 millions de bicyclettes en circulation en Suisse, et les ventes de ces dernières années sont restées à des niveaux élevés. En 2017, il s’est vendu environ 330’000 vélos, soit 4,2% de plus que l’année précédente. Presque 90’000 étaient des e-bikes, la catégorie en expansion constante et qui, avec un bond de 16,3%, enregistre un nouveau record.
Mais le potentiel d’utilisation du vélo dans les déplacements quotidiens est loin d’être pleinement exploité. On estime que 80% des trajets en autobus et en tram et 50% de ceux en voiture ne dépassent pas les cinq kilomètres, soit une distance qui pourrait facilement être parcourue à bicyclette.
Pour encourager son utilisation, il est indispensable de créer des pistes cyclables sûres et de qualité, c’est-à-dire séparées du trafic motorisé ainsi que des trottoirs et des autres voies piétonnes. Le gouvernement et la grande majorité des parlementaires ont reconnu qu’il s’agit là d’une nécessité urgente, non seulement dans la perspective de la forte croissance du trafic attendue dans les prochaines années, mais aussi à la lumière de l’évolution du nombre de cyclistes victimes d’accidents en Suisse.
Dans les faits, «la mobilité cycliste est le seul domaine dans lequel le nombre de personnes blessées ou tuées dans des accidents a augmenté depuis 2000», a relevé la ministre des transports Doris Leuthard en lançant la campagne en vue de la votation. Une augmentation due avant tout à l’expansion du vélo électrique.
La Confédération ne «doit» pas, elle «peut»
Avec la modification constitutionnelleLien externe soumise au vote populaire le 23 septembre, la Confédération serait chargée de fixer les principes applicables aux pistes cyclables comme elle le fait déjà pour les chemines et les sentiers. Dans son contre-projet, le gouvernement a en effet repris cette demande de l’initiative. Il a par contre jugé excessive la requête de confier à l’Etat fédéral la tâche exclusive de promouvoir et de coordonner les mesures prises par les cantons et par des tiers pour la création de réseaux de chemins, de sentiers et de pistes cyclables sûres et attractives et d’informer à leur sujet «dans le respect des compétences des cantons».
Par respect du fédéralisme et de l’autonomie cantonale, le gouvernement a préféré maintenir la formulation «la Confédération ‘peut’ promouvoir et coordonner» (et non ‘doit’), dans l’article en question. Lequel prévoit également que la Confédération peut soutenir et coordonner également les mesures prises par des tiers (en particulier les associations), comme le demandait l’initiative.
Une tâche supplémentaire inutile selon l’UDC
Avec cette solution de compromis, le contre-projet a passé facilement la rampe au parlement. Tous les partis l’ont approuvé, à l’exception de l’UDC. Ses représentants ont jugé que la modification était inutile et qu’elle interférait avec le partage des compétences entre la Confédération, les cantons et les communes.
«Ici, nous intervenons dans la souveraineté des cantons et des communes et ici, nous intervenons dans quelque chose qui fonctionne déjà», a dit Thomas Hurter au nom du groupe UDC, soulignant que les cantons et les communes savent exactement où ils doivent intervenir.
D’autre part, selon la droite conservatrice, il est utopique de penser que la création d’un réseau capillaire de pistes cyclables fera augmenter sensiblement l’usage régulier du vélo. Les conditions météorologiques souvent défavorables – trop froid ou trop chaud, pluie, neige, vent – jouent contre, a observé Thomas Hurter. En outre, les trajets de la vie quotidienne que l’on pourrait facilement faire à vélo sont ceux qui sont plats, c’est-à-dire en ville. Et là, il n’y a pas de grandes possibilités d’extensions, a-t-il ajouté.
La décision finale reviendra à l’électorat, qui sera appelé à s’exprimer uniquement sur le contre-projet. Le compromis formulé par le gouvernement a en effet satisfait non seulement la grande majorité des parlementaires, mais également les promoteurs de l’initiative, qui ont décidé de la retirer afin d’apporter leur soutien au texte soumis au vote. Pour être adopté, il devra réunir la double majorité, du peuple et des cantons.
(Traduction de l’italien: Marc-André Miserez)
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