Élevage intensif: pas de durcissement de la loi en matière de bien-être animal
Le peuple suisse a refusé dimanche l’initiative sur l’élevage intensif qui voulait inscrire la protection de la dignité des animaux dans la Constitution helvétique. La majorité des citoyens et citoyennes a considéré que la législation actuelle était déjà suffisamment stricte.
Les résultats des votations de ce dimanche ont confirmé la tendance des derniers sondages: les Suisses rejettent à près de 63% l’initiative qui demandait d’interdire l’élevage intensif. Une majorité des cantons la refuse aussi. La double-majorité peuple-cantons étant nécessaire, l’initiative est donc refusée.
Contrairement aux autres objets en votation, celui-ci n’a pas provoqué le traditionnel Röstigraben: l’écrasante majorité des régions a voté non, que ce soit en Suisse romande, alémanique ou au Tessin. Seul le canton de Bâle-Ville a accepté le texte contre l’élevage intensif à 55,2%.
Le clivage ville-campagne, habituel lors de projets de politique agraire, s’est fait sentir, mais dans une mesure moindre que lors de précédentes votations, si l’on en croit les sondages réalisés avant le vote.
Le texte, soutenu par des associations antispécistes et de défense des animaux, voulait inscrire dans la Constitution suisse la protection de la dignité des animaux de rente et l’interdiction de l’élevage intensif. Il prévoyait aussi que, d’ici 25 ans, les exigences en matière de bien-être du bétail et de la volaille atteignent au moins les standards 2018 du label Bio Suisse. Ces critères auraient également été valables pour les importations d’animaux et de produits d’origine animale.
Sur Twitter, le comité d’initiative déplore avoir manqué une opportunité, mais assure vouloir se «battre pour une Suisse sans élevage intensif».
Nous avons manqué l’opportunité d’un véritable changement de système, qui s'éloigne de la maximisation des profits au détriment des animaux, des humains et de l'environnement. pic.twitter.com/goeh9s62MdLien externe
— Initiative contre l’élevage intensif (@elevageintensif) September 25, 2022Lien externe
Une des lois les plus strictes
Le principal argument qui a fait mouche auprès de la population a été celui de la sévérité de la Loi fédérale sur la protection des animaux déjà en vigueur, l’une des plus strictes au monde.
Celle-ci prévoit que toute personne qui s’occupe d’animaux doit tenir compte au mieux de leurs besoins, veiller à leur bien-être et ne pas porter atteinte à leur dignité. Elle fixe des dimensions minimales pour les espaces de vie des animaux et réglemente aussi la formation des éleveuses et éleveurs, l’alimentation et les conditions de transport.
Daniel Würgler est éleveur de volailles dans la Broye. Celui qui a incarné le camp du non en Romandie durant la campagne s’est dit soulagé que la population fasse confiance au travail des éleveurs. «Le bien-être animal est un sujet émotionnel. Toutes les personnes qui ont voté oui aujourd’hui peuvent acheter nos produits labellisés bio ou plein air afin que nous continuions à faire évoluer notre production, même si celle-ci est déjà particulièrement respectueuse», a-t-il déclaré à la RTS.
>> Voir la réaction de Daniel Würgler:
Crainte de la hausse des coûts
Durant la campagne, les opposantes et opposants au texte ont mis en garde contre une hausse des coûts qui se répercuterait sur les consommatrices et consommateurs. Ils craignaient que cela n’encourage plus encore le tourisme d’achat et l’importation de viande et d’œufs depuis l’étranger.
Au cours des derniers mois, une majorité d’agricultrices et agriculteurs, soutenus par l’Union suisse des paysans (USP), se sont battus contre ce qu’ils considèrent comme une attaque injuste à leur encontre, faite au nom de la réalisation d’un objectif sociétal plus large de réduction de la consommation de viande.
Pour l’USP, les éleveuses et éleveurs ne font que répondre à la demande du public pour la viande, qui en Suisse est relativement stable, autour de 50 kg par personne et par an.
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Un débat environnemental sous-jacent
Si l’éthique et le bien-être animal étaient l’objectif déclaré de l’initiative, l’environnement n’a jamais été loin du débat. Après un été marqué par la sécheresse, les militantes et militants ont vu dans la réforme un moyen d’adapter l’agriculture suisse à la lutte mondiale contre le changement climatique, qui exige une réduction de la consommation de viande et la réaffectation des terres pour produire davantage de légumes et moins d’aliments pour animaux.
La présidente de la fondation Franz Weber, Vera Weber, partisane de l’initiative, considère déjà comme une victoire que «la Suisse toute entière [ait] discuté de la problématique de l’élevage intensif, de notre consommation de viande.»
Pour le conseiller national Samuel Bendahan (PS), le résultat de l’initiative est le signe que «les gens sont tiraillés. Ils se soucient du bien-être animal. En même temps, on a aussi une grande sympathie pour ce monde agricole.»
>> Voir la réaction de Samuel Bendahan à la RTS
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