2009, l’annus horribilis pour la Suisse dans l’UE
En langage diplomatique, on appelle ça «une année riche». Un terme qui cache difficilement que rarement dans l’histoire des relations bilatérales la Suisse aura été autant exposée au feu des critiques et des pressions de l’Union Européenne.
«Jamais on n’aura autant parlé de la Suisse à Bruxelles!» Ce diplomate européen et ses pairs, les correspondants auprès des institutions, les éditorialistes et les caricaturistes peuvent effectivement remercier Berne, UBS, le secret bancaire, Roman Polanski et le référendum sur les minarets: autant de trous d’air et d’accidents de parcours qui leur ont donné du grain à moudre en 2009.
Les diplomates suisses, eux, peuvent enfin souffler… En espérant que 2010 sera moins turbulente.
Accalmie du côté fiscal
Certains développements leur donnent des raisons d’espérer. Ainsi, la question de la fiscalité cantonale vit-elle «une accalmie temporaire» selon un acteur du dossier, résultat d’une combinaison heureuse de facteurs.
Il y a d’une part, la proposition de Berne de réformer la fiscalité dans un sens favorable à ce que réclame l’Union Européenne. Et de l’autre, il y a le fait que la Commission Européenne soit «en affaires courantes», et que la direction générale chargée de la Suisse – Relex, pour Relations Extérieures – vive un grand chambardement pour cause d’intégration au service diplomatique européen créé par le Traité de Lisbonne.
L’accalmie durera donc au moins jusqu’à l’entrée en fonction de la Commission Barroso II. Certains pensent même qu’on serait très proche d’une solution, qui passerait par une trêve au long-cours, le temps de voir si les réformes mettent fin à ce que Bruxelles dénonce comme une «concurrence déloyale» qui attire des holdings et sociétés européennes en échange d’un taux d’imposition très bas. «Mais c’est délicat: car comment obtenir une sécurité juridique sans accord juridique», s’interroge-t-on à Bruxelles ?
Pas de blocage général
Côté suisse, on se réjouit aussi des progrès accomplis dans les négociations sur le transit de l’électricité, la recherche, l’éducation, ou la participation suisse au projet Galileo, «le GPS européen». Surtout, on y voit la preuve que les menaces de blocage général des négociations lancées par la Commission du fait de la non-résolution du différend sur la fiscalité cantonale n’étaient que du vent.
Enfin, l’entrée dans Schengen a ouvert la voie à une participation dans Frontex, l’Agence qui coordonne le contrôle des frontières extérieures. Schengen a aussi permis de mettre un peu de pression sur les Libyens interdits de visas dans l’espace de libre-circulation. En obtenant une manifestation de solidarité de ses partenaires dans Schengen, Berne a pu, un instant, se sentir moins isolée au cours de cette «annus horribilis» qui a vu la Suisse exposée à d’intenses secousses.
Les secousses à venir
2010 n’en sera pas pour autant une année calme sur le front des relations bilatérales, prédit-on à Bruxelles. La Commission Européenne veut en effet réviser l’accord sur la fiscalité de l’épargne, qui doit être élargi au delà des personnes physiques. La pression monte aussi en Europe pour réclamer l’échange automatique d’informations. «C’est une zone de ‘no-go’ pour Berne et ce n’est pas un standard international, repris par l’OCDE ou les Etats-Unis», tempère un proche du dossier.
2010 sera aussi l’année des négociations sur REACH, acronyme déjà bien connu dans les couloirs de la chimie bâloise. REACH est un gigantesque système européen d’enregistrement et de réglementation des produits chimiques, destiné à mieux connaître, donc à réduire, l’impact de ces substances sur l’homme et son environnement. Leader dans le secteur, avec des sociétés comme Novartis et Roche, la Suisse veut intégrer le système.
C’est indispensable pour la compétitivité des industries chimiques et pharmaceutiques, qui génèrent quelques 80 milliards de francs suisses d’échanges entre la Confédération et l’UE. Ne pas rejoindre REACH exposerait ces entreprises à des procédures et à des coûts additionnels importants, analyse-t-on à Berne.
Mais la montée de la Suisse dans le train de REACH pose plusieurs problèmes. Elle signifierait la reprise automatique des futures développements, ainsi que la désignation d’une juridiction compétente en cas de recours, qui, selon l’idée de l’UE, pourrait être la Cour Européenne de Justice. Une proposition inacceptable pour la Confédération, qui y voit une atteinte à sa souveraineté.
Alain Franco à Bruxelles, swissinfo.ch
Partenariat. Non membre de l’Union européenne (UE), la Suisse n’en est pas moins très liée au reste du continent, qui est de loin son premier partenaire économique.
Bilatérales. Depuis le traité de libre-échange de 1972, le réseau d’accords s’est continuellement développé, notamment avec les accords bilatéraux I et II, qui créent un accès mutuel et étendu au marché et constituent la base d’une étroite collaboration dans les domaines de la recherche, de la sécurité, de l’asile, de l’environnement et de la culture.
Adhésion? Si le peuple suisse a confirmé et soutenu la voie bilatérale lors de différentes votations, il apparaît en revanche clair qu’il n’est pas prêt pour une adhésion du pays à l’UE, qui n’est d’ailleurs pas à l’agenda politique.
Objectifs. Dans son Rapport sur la politique extérieure 2009, le Gouvernement réitère ses objectifs européens à court et à moyen terme: la mise en œuvre rapide et efficace des accords bilatéraux, conclusion d’accords additionnels dans de nouveaux domaines d’intérêt commun et consolidation des relations avec Bruxelles.
Intégration. Il ajoute toutefois que «si des raisons d’ordre politique et/ou économique devaient exiger une nouvelle avancée d’envergure dans le sens de l’intégration, un choix s’imposerait au niveau des instruments appropriés – dont l’option de l’adhésion».
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