Affaire Kadhafi: le gouvernement campe sur sa position
Le gouvernement suisse a appelé mercredi la Libye à appliquer l'accord trouvé le 20 août entre les deux pays. Le but est de rétablir très rapidement des relations «normales» entre Berne et Tripoli, alors que deux Suisses sont toujours retenus par le régime du colonel Kadhafi.
Le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz et la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey ont convoqué les médias dans la salle de presse du Palais fédéral. Refusant toute interview et toute question de la part des journalistes présents, les deux ministres se sont contentés d’une brève déclaration.
Il est assez rare que le gouvernement refuse ainsi le dialogue avec la presse. «Il s’agit d’une situation exceptionnelle et c’est pourquoi nous vous demandons votre compréhension», s’est d’ailleurs excusé le porte-parole du gouvernement André Simonazzi.
Pour un retour à la normale
Tant Micheline Calmy-Rey que Hans-Rudolf Merz ont appelé de leurs vœux le retour à des relations «normales» entre les deux pays. «Le but est diminuer la tension qui existe actuellement entre les deux pays et d’en revenir à une situation normale. Le but traditionnel de notre politique étrangère est d’avoir de bonnes relations avec tous les pays», a indiqué le président de la Confédération.
L’autre objectif est bien entendu que les deux Suisses retenus depuis maintenant plus d’un an en Libye puissent rentrer aux plus tôt dans leur pays. Hans-Rudolf Merz a expliqué que les deux hommes ne sont actuellement ni en prison ni retenus à l’ambassade de Suisse, mais qu’ils ne peuvent pas quitter le pays. Une situation qui constitue une souffrance pour eux-mêmes et leurs familles.
Quant à Micheline Calmy-Rey, elle a précisé que ces deux Suisses étaient «notre principale préoccupation».
Contrat à remplir
Pour débloquer la situation, le gouvernement suisse s’en tient aux termes de l’accord intervenu le 20 août entre la Suisse et la Libye, accord signé à l’issue d’une visite surprise du président de la Confédération dans la capitale libyenne.
Dans une lettre du 26 août, les autorités libyenne ont assuré que la situation serait vite réglée et que les deux Suisses pourraient quitter le pays. Mais pour l’heure, tel n’est pas le cas, a constaté Hans-Rudolf Merz.
Malgré ce retard, la Suisse entend remplir sa part du contrat. Et pour débloquer la situation, les deux ministres entendent que la Libye «fasse de même.»
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Président de la Confédération
Un front uni
Les excuses présentées par Hans-Rudolf Merz à Tripoli pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi à Genève ainsi que le mauvais feuilleton entourant le retour des deux Suisses – on se souvient notamment que l’avion du gouvernement suisse envoyé en Libye pour les chercher n’était revenu qu’avec leurs bagages… – ont provoqué de vives critiques à l’encontre du président de la Confédération, tant dans la presse que dans le monde politique.
Mercredi à Berne, c’est un front uni que le gouvernement a voulu présenter dans cette affaire. «Le DFAE travaille en étroite collaboration avec la présidence de la Confédération, comme le prouve ma présence aux côté du président aujourd’hui pour le soutenir dans notre effort commun», a souligné en conclusion Micheline Calmy-Rey.
La Libye désigne son avocat
La journée de mercredi a cependant permis une avancée du côté libyen. Tripoli a en effet nommé son représentant au sein du tribunal arbitral qui devra statuer sur l’arrestation du fils du leader libyen. Il s’agit de l’avocat britannique d’origine algérienne Saad Jabbar. Celui-ci avait déjà conseillé la Libye dans le cadre de l’affaire de l’attentat de Lockerbie.
De son côté, la Suisse avait annoncé dimanche le choix de la Britannique Elizabeth Wilmshurst, une spécialiste du droit international.
Olivier Pauchard, swissinfo.ch
Rédigé en anglais et en arabe, l’accord comprend sept points et porte les signatures du président de la Confédération Hans-Rudolf Merz et du Premier ministre Al Baghdadi El-Mahmoudi
Excuses. Le gouvernement suisse doit s’excuser publiquement et officiellement pour l’arrestation «injustifiée et inutile» d’un diplomate libyen (Hannibal Kadhafi) et de sa famille par la police genevoise «et d’autres autorités suisses».
Tribunal. Berne et Tripoli acceptent d’établir un tribunal arbitral composé de trois juges afin d’enquêter sur l’affaire. Chaque partie désignera un juge venant d’un Etat tiers indépendant dans les dix jours qui suivront la signature de l’accord.
Président. Les deux juges choisiront ensuite un troisième magistrat qui présidera le tribunal.
Frais. Les deux parties se partageront les coûts du tribunal arbitral. Il siégera à Londres et travaillera en anglais. Il devra appliquer les lois nationales et internationales appropriées et devra rendre sa décision dans les 60 jours.
Sanctions. Les autorités suisses compétentes prendront les mesures nécessaires contre les responsables de l’incident si le tribunal conclut à des actes injustes.
Indemnité. Dans ce cas, la Confédération devra payer une compensation établie par le tribunal au bénéfice de la victime de l’incident ou d’une organisation de son choix. La Suisse s’engage ensuite à ce que pareille affaire ne se reproduise plus avec des citoyens libyens.
Normalisation. Les deux parties normaliseront leurs relations: reprise des activités consulaires, délivrement de visas d’entrée ou de sortie pour les citoyens suisses et libyens, reprise des échanges économiques.
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