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Aide au suicide: vote zurichois sous haute surveillance

exit Keystone

Les Suisses sauront d’ici l’été si l’aide au suicide sera encadrée par une loi plus sévère. Les organisations actives dans ce domaine mettent en garde contre des interdictions. C’est pourtant ce que réclament deux initiatives populaires dans le canton de Zurich.

Les slogans se veulent percutants: «Liberté à la fin de la vie!» contre «Save life» de l’autre. Ils émanent des deux comités antagonistes faisant campagne en vue de la votation cantonale zurichoise du 15 mai: deux initiatives populaires seront soumises au vote ce jour-là, demandant, pour l’une, l’interdiction du suicide assisté en Suisse et, pour l’autre, sa restriction aux citoyens zurichois.

Le vote est observé depuis loin à la ronde. Non seulement parce qu’une autre votation aura lieu probablement en 2012 dans le canton de Vaud, concernant l’aide au suicide dans les homes pour personnes âgées, mais surtout, parce que le gouvernement fédéral doit proposer un projet de loi encadrant les activités des organisations d’assistance au suicide.

Depuis 1918 et le message du Conseil fédéral sur le Code pénal, la Suisse autorise l’accompagnement au décès, pour autant qu’aucun mobile égoïste n’intervienne (art. 115). Depuis les années 90 et quelques scandales liés à des suicides de malades psychiques et, de plus en plus, de ressortissants étrangers, la pression s’est accrue sur les politiciens.

 

Un dossier, trois ministres

L’ancien ministre de la Justice Christoph Blocher ne voulait rien changer. Sa remplaçante, la Grisonne Eveline Widmer-Schlumpf, tendait au contraire à tout interdire, sans y parvenir. La balle est désormais dans le camp de la socialiste Simonetta Sommaruga, qui a promis un nouveau projet «au premier semestre 2011».

C’est pourquoi le vote zurichois a une haute valeur symbolique. Si personne ne donne des chances de l’emporter aux deux textes – jugés quasi-inapplicables car ils violent le principe de non-discrimination entre citoyens, notamment – «il nous faut un résultat clair pour donner un signal fort à Simonetta Sommaruga», explique Bernhard Sutter, porte-parole d’Exit alémanique.

La socialiste a toutefois indiqué qu’elle souhaitait englober les questions de prévention du suicide et de soins palliatifs dans sa réponse. Pour les partis cherchant à interdire l’aide au suicide dans le canton de Zurich, (les Evangéliques et l’Union démocratique fédérale, à forte connotation chrétienne), l’aide au suicide et les soins palliatifs sont antagonistes.

 

«Egoïsme et manque de piété»

«L’assistance au suicide est le fruit de l’égoïsme et d’un manque de piété grandissants. Merci à 1968…» a ainsi affirmé Michael Welz, de l’UDF, devant le Parlement cantonal zurichois. Le comité estime que les soins palliatifs sont mieux à même de prendre en charge les personnes gravement malades et en fin de vie.

De plus, selon les adversaires de l’aide au suicide, «l’image de Zurich souffre de la pratique du suicide assisté». Sans compter, ajoutent-ils, que ce dernier coûte cher au contribuable, entre 3000 et 5000 francs par cas pour les analyses de médecine légale, argumentent-ils. «Ceux qui s’ôtent la vie ne meurent pas dans la dignité, mais dans une détresse morale et dans le désespoir», affirment-ils.

Les tenants de l’aide au suicide insistent au contraire sur le droit à l’autodétermination, régulièrement plébiscité par les Suisses dans les sondages. Entre 70 et 80% des Helvètes sont favorables à l’assistance au décès. En revanche, une majorité rejette le «tourisme de la mort».

 

Davantage de suicides «sauvages»?

Exit et Dignitas, sans faire campagne commune, mettent tous les deux en garde contre des interdictions ou des obstacles insurmontables pour obtenir le feu vert d’un médecin: «Sans aide au suicide, encore plus de gens tenteraient de se suicider de façon violente, sous un train ou en se jetant d’un pont», soulignent-ils.

Selon l’étude allemande Althaus & Ringel, publiée en 2007, 30% des 12’000 suicides commis chaque année sont le fait de personnes atteintes de plusieurs maladies. Et quelque 10% des chutes et des accidents de voiture des personnes âgées seraient intentionnelles.

Ces résultats sont publiés dans le bulletin 4/2010 d’Exit, qui donne aussi la parole au professeur de sociologie canadien Russel D. Ogden. Celui-ci considère l’actuel modèle suisse comme un des meilleurs au monde. «Tous les cas d’assistance au suicide font l’objet d’une enquête des autorités et peuvent être documentés», explique-t-il.

 

Recours à l’hélium

Mais, si le Conseil fédéral introduit des obstacles plus stricts pour accéder à une aide au décès, «il perdra le contrôle qu’il cherche à obtenir. Le résultat sera que les critères de précaution seront moins suivis qu’aujourd’hui par les organisations spécialisées». Le sociologue renvoie aux cas de suicide à l’hélium, qui augmentent dans les pays – comme l’Allemagne – interdisant l’aide au suicide.

Dignitas, qui accompagne chaque année une centaine de personnes vers la mort (un tiers de moins qu’avant 2008 et l’obligation zurichoise de consulter un médecin deux fois au lieu d’une), a recouru à l’hélium quatre fois en 2008, mais y a renoncé depuis. Exit dit ne jamais utiliser ce gaz.

En attendant, le besoin d’une population vieillissante de disposer du libre choix concernant la dernière heure semble bel et bien de plus en plus grand: en 2010, Exit a enregistré 4000 nouvelles adhésions (pour un nombre total de 55’000 membres en avril 2011, et 70’000 avec Exit Suisse romande), soit la plus forte hausse annuelle de son histoire.

Hier à Zurich, l’assemblée générale de l’organisation a en outre décidé de «s’engager à faciliter l’accès à la substance létale» pour les personnes d’un grand âge, car les longues analyses sont souvent douloureuses pour ces patients. La capacité de discernement reste une condition sine qua non. Les détails de ces nouvelles procédures, qu’Exit certifie légales, ne sont pas encore connus.

La Suisse enregistre chaque année environ 1400 suicides, soit 2,2% du nombre total des décès.

19% ont été accompagnés par une organisation (2003), respectivement 29% en 2007 (les étrangers venus mourir en Suisse représentent 6,5% des suicides en 2003 et 9,7% en 2007).

Le rapport du gouvernement d’octobre 2009 préconise de considérer cette augmentation avec prudence. Certains chiffres ont, de fait, baissé depuis 2008.

EXIT Deutsche Schweiz indique avoir accompagné 257 personnes gravement malades ou en fin de vie en 2010, pour 421 demandes. L’âge moyen était de 76 ans (74 en 2008).

Exit A.D.M.D. (Suisse romande) a accompagné 200 personnes entre 2001 et 2005 (21 cas en 2001, 55 en 2005).

Dignitas a accompagné 195 personnes en 2006 (dont 61,5 % d’Allemands), 138 en 2007 (dont 6 Suisses), 98 en 2009 et 97 en 2010.

Ex-International accompagne en moyenne 12 à 20 suicides par an.

La Suisse conte trois associations:

EXIT (Deutsche Schweiz) Vereinigung für humanes Sterben, fondée en 1982, dont le siège se trouve à Zurich.

EXIT Association pour le droit de mourir dans la dignité (A.D.M.D. Suisse romande), également fondée en 1982, à Genève.

DIGNITAS – Menschenwürdig leben – Menschenwürdig sterben, fondée le 17 mai 1998 à Forch-Zurich.

Mais l’existence d’Ex International, à Berne, qui suit principalement des Allemands, est également attestée.

On compte  55 organisations de ce genre dans le monde.

Sources: Rapport explicatif du Conseil fédéral, octobre 2009/Exit-Info 04/2010

Des votations ont lieu dans de nombreux cantons ce 15 mai.

Vaud. Les citoyens vaudois donneront leur avis sur les prestations complémentaires pour familles et sur un salaire minimum cantonal. Ils s’exprimeront aussi sur la question du stockage des déchets radioactifs.

Genève. A Genève, le peuple devra décider du sort d’un vaste projet immobilier situé sur un terrain agricole à déclasser et de celui d’une initiative favorisant la mobilité douce.

Zurich, Bâle, Lucerne. Les citoyens de trois cantons alémaniques doivent se prononcer le 15 mai sur l’école enfantine. A Zurich et Bâle-Ville, les votations portent sur le dialecte au jardin d’enfants. A Lucerne, la durée de l’école enfantine est en jeu.

Uri. Les Uranais doivent se prononcer le 15 mai sur une initiative et un contre-projet exigeant le percement d’un deuxième tunnel routier au Gothard. L’objectif des deux textes est d’éviter une fermeture totale du tunnel pendant deux ans et demi.

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