Les Suisses du Venezuela gardent espoir malgré la crise
Un signe d'espoir: c'est ce que Pierino Lardi, représentant des Suisses de l'étranger au Venezuela, voit dans le fait que le président du Parlement Juan Guaidó s’est autoproclamé président de l’Etat à la place du très contesté Nicola Maduro. Pierino Lardi espère assister à l’émergence d’un gouvernement professionnel.
Quelle est la position de la Suisse face à la fragilité de la situation au Venezuela? Jusqu’à présent, le gouvernement suisse n’a pas encore fait de déclaration officielle.
Toutefois, l’ambassadeur suisse Bénédict de Cerjat, chef de la division Amériques du Département fédéral des affaires étrangères à Berne, a pris position jeudi sur Twitter en faveur du nouveau président Jan Guaidó. Bénédict de Cerjat était l’ambassadeur de Suisse au Venezuela. En 2016, Caracas l’avait déclaré «persona non grata», précisément à cause d’un tweet critique contre le gouvernement autocratique vénézuélien. Le diplomate avait dû quitter le pays dans les 24 heures.
Pour en savoir plus sur la situation sur le terrain, swissinfo.ch a interviewé Pierino Lardi. Ce dernier vit à Caracas depuis deux décennies et représente la communauté suisse au Venezuela au sein de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).
swissinfo.ch: Les événements de cette semaine au Venezuela vous ont-ils surpris?
Pierino Lardi: Non, car le rassemblement de l’opposition avait été annoncé. On espérait qu’ils auraient le courage de le faire.
swissinfo.ch: Qui détient actuellement le pouvoir dans le pays?
P. L.: Nous avons deux présidents. La question est de savoir auquel des deux l’armée et la police vont obéir. Il y a des signes qui indiquent clairement que les soldats sont prêts à passer au nouveau gouvernement. Mais dans l’armée, il y a aussi le noyau dur de l’ancien gouvernement, qui a beaucoup à perdre. Un signal fort est à voir dans le comportement de beaucoup de soldats qui, lors des manifestations de l’opposition, ont retiré leur casque et posé leur arme.
swissinfo.ch: Bénédict de Cerjat a écrit jeudi sur Twitter que la Suisse considérait que l’Assemblée nationale ainsi que son président Juan GuaidóLien externe étaient légitimes. Qu’en pensez-vous?
P.L.: La question de savoir s’il s’agit ou non d’une reconnaissance officielle du nouveau gouvernement peut être discutée, mais l’ambassadeur ne l’a certainement pas fait sans consulter le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis. La Suisse s’inscrit donc dans la lignée des réactions des Etats-Unis, du Canada et de la quasi-totalité des pays voisins du Venezuela.
#VenezuelaLien externe Die #SchweizLien externe erachtet die Nationalversammlung 🇻🇪 in Folge der demokratischen Wahlen von 2015 als legitim, sowie auch deren neugewählten Präsidenten #JuanGuaidóLien externe. Deren Freiheiten und Befugnisse müssen respektiert und deren Sicherheit gewährleistet werden. @EDA_DFAELien externe pic.twitter.com/6q3pksa39VLien externe
— Bénédict de Cerjat (@SwissMFAamerica) 24. Januar 2019Lien externe
swissinfo.ch: Jusqu’à récemment, vous étiez président de la Chambre de commerce helvético-vénézuélienne. Comment se sont passées les dernières années pour les entreprises suisses sur le terrain?
P.L.: Pour eux, nous n’étions plus que des pompiers. Les factures n’ont pas été payées, pas même avec le cadivi-dolar, la monnaie parallèle du gouvernement. Je pense qu’aucune des entreprises suisses qui sont encore actives ici n’ont fait de bénéfices ces dernières années, bien au contraire.
swissinfo.ch: Y a-t-il beaucoup d’entreprises suisses qui sont parties?
P.L.: Les grandes sont restées. Nestlé, Roche, Novartis, Schindler ou encore ABB sont des entreprises qui pensent à long terme. Elles veulent garder un pied au Venezuela. Après tout, le Venezuela – avec le Brésil, l’Argentine et le Mexique – a longtemps fait partie des principaux partenaires commerciaux de l’économie suisse. Je crois fermement que ces temps vont revenir.
swissinfo.ch: C’est pour cela que vous êtes resté vous aussi?
P.L.: Je suis à la retraite et je ne fais plus que du bénévolat. Avec la Chambre de commerce, nous gérons depuis 2012 une école professionnelle d’électriciens, de mécaniciens, d’ingénieurs en électronique et en informatique. Le projet repose sur des dons de Suisses de l’étranger, d’entreprises suisses et d’un certain nombre de fondations suisses. La formation dure trois ans, comme un apprentissage en Suisse. Cela profite non seulement aux jeunes, mais aussi aux entreprises suisses sur place. Dans le passé, on recrutait du personnel qualifié en Suisse. Mais, pour des raisons de sécurité et de coût, cela n’est plus guère possible.
swissinfo.ch: Une amélioration est-elle en vue?
P.H.: Le Venezuela est un pays extrêmement riche. Les plus grandes réserves de pétrole du monde, du fer, une énorme quantité d’or, des diamants, tout y est. Le charbon se trouve à ciel ouvert; il suffit de le ramasser avec une pelleteuse. Si un gouvernement travaille maintenant de façon professionnelle, comble les déficits et rétablit la confiance dans le pays, alors le boom viendra.
swissinfo.ch: Faut-il un changement radical comme au Brésil?
P.H.: Il faut du sérieux, moins de corruption, plus de sens civique.
swissinfo.ch: Plus de démocratie aussi?
P.H.: De toute façon, c’est ce que montre l’Histoire. Le multipartisme qui prévalait avant le chavisme a fait avancer le pays.
swissinfo.ch: Croyez-vous au Venezuela?
P.H.: Oui, justement aujourd’hui. Nous avons profité du pays, nous pouvons maintenant donner quelque chose en retour.
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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