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Coup de « frein à l’e-voting – quid des Suisses de l’étranger?

Matériel de vote avec une sourie informatique
L'e-voting dans la canton de Genève: tout le nécessaire pour les élections fédérales de 2015. Keystone / Martial Trezzini

L’automne dernier, 11'500 Suisses de l’étranger avaient réclamé l’introduction rapide du vote électronique. Ils se sentent désormais malmenés. Mais la Cinquième Suisse finira par avaler cette couleuvre aussi.

Compte tenu de coûts élevés, de pannes embarrassantes et des dommages potentiels, il était devenu difficile ces derniers mois d’expliquer les avantages du vote électronique à la population suisse. Il n’y avait ici pas de problème urgent qui aurait pu être résolu avec le vote électronique. Les principaux bénéficiaires auraient été en premier lieu les Suisses de l’étranger.

Ils représentent un dixième de la population suisse, soit environ 760’000 personnes. Un quart d’entre eux sont inscrits sur les listes électorales. Cependant, des centaines, peut-être des milliers de Suisses de l’étranger sont coupés de la démocratie suisse parce que l’acheminement du matériel de vote par voie postale est trop lent.

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«Tous les citoyens ont les mêmes droits»

C’est pourquoi l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) est depuis des années à l’avant-garde du combat en faveur du vote électronique. Il est irritant pour les expatriés concernés que tous ces efforts soient aujourd’hui brusquement vains. L’OSE y voit aussi un «déni démocratiqueLien externe» qui les prive d’un droit fondamental: ils se sentent exclus et victimes de discrimination. «Tous les citoyens ont les mêmes droits, qu’ils vivent en Suisse ou à l’étranger», souligne Ariane Rustichelli, directrice de l’OSE.

L’année dernière, l’OSE a déposé une pétition pour faire pression à Berne: 11’500 Suisses de l’étranger l’avaient signée. Cela représente 7% des expatriés inscrits sur les registres électoraux, mais seulement 1,5% de l’ensemble des Suisses de l’étranger. On est donc en droit de dire que si beaucoup se sentent discriminés, beaucoup d’autres, au moins aussi nombreux, ne veulent pas s’impliquer dans la politique suisse alors qu’ils habitent et payent leurs impôts dans un autre pays.

Un coup de frein qui est aussi une chance

L’OSE a réagi immédiatement avec «consternation». Des années de lobbying politique semblent détruites, un long combat perdu. Mais la décision du Conseil fédéral est aussi une opportunité.

Le vote électronique étant gelé, il n’existe plus de pression pour une introduction précoce et généralisée. D’autres solutions ont déjà été évoquées, comme l’envoi électronique du matériel de vote ou l’identité électronique. Les experts y voient la pierre angulaire de nouvelles options en matière de vote électronique.

Mais surtout, la décision du Conseil fédéral coupe l’herbe sous le pied des adversaires. Leurs exigences radicales en matière de moratoire auraient signifié la fin du vote électronique pour les décennies à venir, ce qui aurait été pire. Il leur sera maintenant plus difficile de faire accepter leur moratoire dans les urnes.

Préoccupation autour de la démocratie directe

En même temps, on peut être reconnaissant à ces opposants d’avoir attiré l’attention sur les risques du vote électronique. Un travail qui n’est pas facile, par exemple lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi l’e-banking peut être sûr, mais pas le vote électronique. Autre bon point pour les adversaires: ils ne sont pas animés par une mauvaise volonté à l’égard des Suisses de l’étranger, mais par le souci de l’intégrité de la démocratie directe.

Pour l’instant, il reste encore possible de doter le bien le plus précieux de la Suisse de solutions modernes. Mais les Suisses de l’étranger auront encore besoin de beaucoup de patience. Les experts en cryptographie semblent maintenant convenir que l’Internet ne peut pas être la plate-forme appropriée si la sécurité est le critère déterminant. Quant à savoir si la technologie des blockchains peut constituer une solution, les avis sont partagés.

La vie à l’étranger, c’est une coupure

Dans les discussions actuelles autour de la technologie et de la démocratie, on a presque oublié quelque chose qui va de soi. Aujourd’hui encore, vivre à l’étranger est synonyme de coupure. Ceux qui quittent la Suisse se privent de l’infrastructure suisse. C’est tout à fait normal en ce qui concerne la plupart des commodités du pays. A l’étranger, il n’y a pas d’eau potable suisse, pas de chemins de fer suisses et pas de système de santé suisse.

Mais qu’en est-il en matière de démocratie? La Confédération s’efforce de faire participer chaque citoyen aux décisions démocratiques de son pays d’origine. Elle fournit des informations et des documents de vote dans le monde entier. Pour ce faire, elle s’appuie sur des infrastructures externes, sur les entreprises postales des pays du monde.

Mission impossible

Avec l’introduction du vote électronique, la Confédération aurait mis à disposition sa propre infrastructure suisse. Le fait que La Poste Suisse ait dû s’appuyer sur les solutions d’une firme espagnole montre à quel point cette entreprise était audacieuse. Celle-ci n’était pas sûre et onéreuse.

La solution développée par le Canton de Genève était également trop coûteuse. Développer un tel système, c’est une chose. Le maintenir ensuite dans un environnement constamment exposé à de nouvelles cyber-attaques, c’en est une autre. C’est ici que commence la terra incognita. C’était finalement mission impossible.

La bonne volonté envers les Suisses de l’étranger n’est pas remise en cause. Le coup d’arrêt du vote électronique n’est arrivé qu’avec la prise de conscience du fait qu’avec les techniques actuelles, il représente un risque sérieux pour la démocratie directe en Suisse. La population suisse n’aurait pas été prête à en payer le prix.

Un système de vote qui fonctionne bien est l’une de ces commodités que l’on abandonne lorsque l’on s’éloigne de la Suisse. On peut le regretter, s’en énerver. Mais beaucoup considèrent les choses de manière plus détendue: ils y renoncent tout naturellement à ces commodités suisses, – même à la meilleure d’entre elles, son système démocratique.

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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