Après les élections de dimanche, le Parlement s’éloigne de la parité hommes-femmes
Les élections fédérales de dimanche se sont soldées par un parlement suisse plus à droite, moins écologiste, mais aussi plus masculin.
Lors des élections fédérales de 2019, la proportion des femmes élues au Conseil national, qui compte 200 sièges, avait atteint 42%, soit une augmentation de 10 points de pourcentage par rapport aux élections précédentes de 2015.
Cette année, cette proportion est retombée à 38,5% pour un total de 77 sièges, a indiqué l’Office fédéral de la statistique (OFS) au lendemain des élections du 22 octobre. Les résultats définitifs pour le Conseil des États, qui compte 46 sièges, sont attendus pour le 19 novembre.
Pour rappel, les hommes suisses ont décidé le 7 février 1971, lors d’une votation populaire, d’accorder aux femmes le droit de vote au niveau national. Les élections fédérales du 31 octobre 1971 étaient donc les premières auxquelles les femmes ont pu voter ou se porter candidates. 11 femmes y avaient été élues à la Chambre basse, soit une proportion de 5,5%. À la Chambre haute, une seule femme avait gagné l’un des 42 sièges.
Depuis lors, les progrès pour atteindre la parité hommes-femmes sur la scène politique suisse ont été lents. Au niveau fédéral, la baisse de la part des femmes au Conseil national cette année met fin à une tendance à la hausse qui fut constante ces dernières décennies. Un recul qui s’explique en grande partie par la composition des listes électorales.
La grande gagnante des élections, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), est en partie responsable de cette baisse. Le parti avait mis en avant le plus petit nombre de femmes candidates (25% sur ses listes). Après les résultats de dimanche, les hommes occupent 50 des 62 sièges de l’UDC (80%) au National. Et sur les 21 nouveaux visages du parti à Berne, seulement trois sont féminins.
Les pertes des Vert-e-s (-5 sièges) et des Vert’libéraux (-6 sièges) sont également un facteur explicatif de ce recul. Plusieurs des sièges perdus étaient occupés par des femmes.
Pour Cloé Jans, politologue à l’institut de recherche gfs.bern, l’actualité a également joué un rôle. «La vague violette de 2019 avait clairement un lien avec les thèmes politiques, a-t-elle déclaré au quotidien Tages-AnzeigerLien externe. L’égalité des sexes et le féminisme avaient alors fait la une des journaux, grâce à la grève des femmes. Cette année, en revanche, l’économie, la guerre et la migration, qui ont traditionnellement une connotation masculine, ont dominé l’actualité.»
Alliance F, l’association faîtière des organisations féminines, insiste sur le fait que les chiffres doivent être mis en perspective. Selon elle, le progrès n’est jamais linéaire et une baisse était attendue après la forte hausse de 2019.
«Les femmes sont arrivées au Parlement pour y rester. Les résultats de dimanche montrent que la démocratie suisse est devenue plus solide en matière de représentation des sexes. Malgré le transfert de sièges entre les partis, la proportion des femmes n’a pas diminué autant que prévu», ont déclaré au quotidien Le TempsLien externe Flavia Kleiner et Kathrin Bertschy, co-initiatrices de «Helvetia ruft!», une campagne visant à accroître la part des femmes au Parlement. Le départ de certaines parlementaires a été partiellement compensé par les nouvelles élues des partis du Centre et du Pari socialiste, a ajouté Flavia Kleiner.
Il est également intéressant de constater les différences régionales. Ainsi, 42% des femmes élues au Parlement proviennent de cantons germanophones, contre 35% de la Suisse romande et 13% de la Suisse italienne.
Les cantons du Valais, du Jura et de Neuchâtel «tirent vers le bas» les résultats de la Suisse romande, indique Flavia Kleiner. Le Jura et le Valais n’ont élu aucune femme parlementaire cette année, alors que Neuchâtel n’en a choisi qu’une (Céline Vara au Conseil des États).
En comparaison internationale, où se situe donc la Suisse en matière de parité hommes-femmes au Parlement? La baisse des femmes élues au Conseil national a fait chuter la Suisse en dehors du top 30 des parlements nationaux les plus féminins de l’Union interparlementaire (UIP).
Avant les élections de dimanche, la Suisse y occupait la 24e place du classement, aux côtés du Cap-Vert, juste derrière la Macédoine du Nord et devant l’Éthiopie. En 2019, le pays s’était même hissé à la 15e place, mais avait ensuite reculé en raison des départs de femmes parlementaires au cours de la législature. Avec 38,5% de femmes au National, la Suisse perd encore du terrain et se retrouve à la 31e place, derrière la Moldavie et devant l’Australie.
Le Rwanda continue à occuper la première place, avec plus de 61% de femmes au sein de sa chambre basse. Il est suivi par Cuba (55,7%), le Nicaragua (51,7%), Andorre, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et les Émirats arabes unis (qui atteignent tous une parité de 50%).
Traduit de l’anglais par Dorian Burkhalter
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.