Asile: oui à la nouvelle loi, non à la fermeture des frontières
Procédures accélérées pour les demandes d’asile, assistance juridique gratuite pour les requérants, et centres spéciaux pour les récalcitrants: tels sont les points forts de la nouvelle Loi sur l’asile adoptée par le Parlement, qui a en revanche rejeté la proposition de la droite de fermer les frontières pendant un an.
Alors que l’Europe se trouve face à une des plus grandes vagues de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, et que certains pays ont décidé d’ouvrir leurs frontières à des dizaines de milliers de personnes à la recherche d’un refuge, le Parlement suisse a approuvé mercredi et jeudi une nouvelle révision de la Loi sur l’asile visant à améliorer les procédures administratives dans ce domaine. Si le débat semble dicté par les événements dramatiques des dernières semaines, en réalité, il était agendé depuis longtemps.
Les demandes d’asile en 2015
L’alerte réfugiés des derniers mois en Europe n’a pas touché particulièrement la Suisse.
Entre janvier et août 2015, 19’668 personnes ont présenté une demande d’asile en Suisse, soit une croissance inférieure à 20% par rapport à la même période de l’année passée.
Globalement, dans les pays de l’UE/AELE, 550’000 demandes d’asile ont été déposées entre janvier et juillet 2015, ce qui représente une hausse de plus de 80% par rapport aux premiers mois de 2014.
Au total, pour 2015, le Secrétariat d’Etat aux migrations prévoit quelque 29’000 demandes, contre 23’765 déposées en 2014.
En fait, la Loi sur l’asile figure désormais presque toujours parmi les dossiers débattus lors des sessions parlementaires. Sous la pression de la droite, qui a placé cette année la migration au centre de sa campagne électorale, les révisions se succèdent; il y en a eu trois au cours de la législature actuelle. Présentées à chaque fois comme des solutions urgentes et indispensables pour faire face à l’afflux de requérants d’asile, ces modifications législatives sont ensuite rapidement considérées comme insuffisantes par leurs propres promoteurs.
«Aucune loi en Suisse n’a été aussi souvent modifiée que la Loi sur l’asile ne l’a été depuis son entrée en vigueur, il y a environ 35 ans», a relevé Ueli Leuenberger, député du Parti écologiste suisse, qui s’est déclaré prêt à parier qu’une nouvelle révision serait revendiquée ou imposée par la majorité de centre-droit du Parlement avant même que ne soient appliquées les toutes récentes modifications.
Dignité et droits
«Même si nous ne l’admettons pas volontiers, dans le domaine de l’asile, il n’existe pas de solution définitive en mesure de faire disparaître tous les problèmes», a souligné Simonetta Sommaruga durant les débats à la Chambre du peuple. Mais face à la crise internationale des réfugiés, la Suisse doit s’appuyer sur des principes, estime la ministre de Justice et Police: la dignité humaine, le droit de chaque personne à la sécurité, et les Conventions de Genève sur le statut de réfugié, signées par la Suisse comme par tous les autres Etats européens».
Des principes qui, selon elle, sont respectés par la nouvelle révision de la loi, destinée en premier lieu à accélérer les procédures d’asile. A l’avenir, l’examen des demandes, recours inclus, ne devra en général pas durer plus de 140 jours. Cela permettra de réduire les coûts, mais aussi d’éviter de renvoyer dans leur pays des personnes intégrées depuis des années en Suisse. Pour garantir une procédure correcte, les requérants d’asile pourront bénéficier d’une assistance juridique gratuite.
La réforme permettra en outre de centraliser certaines compétences auprès de la Confédération, qui pourra à l’avenir utiliser ses propres structures pour accueillir les réfugiés, sans devoir demander l’autorisation aux cantons et aux communes. De nouveaux centres sont prévus dans six régions de Suisse; ils pourront héberger 5000 personnes, soit 3600 de plus que ceux actuellement gérés par la Confédération. Les requérants récalcitrants, qui menacent l’ordre et la sécurité, pourront être placés dans des centres spéciaux.
Effet contreproductif
Alors que toutes les réformes précédentes, dont le but était avant tout un durcissement de la loi, avaient été soutenues par les partis de droite et du centre, la révision a, cette fois, été approuvée en bloc par une majorité de centre-gauche. Se retrouvant pour la première fois depuis longtemps isolée sur le front de l’asile, l’Union démocratique du centre (UDC) a tenté d’imposer un nouveau tour de vis en présentant une septantaine d’amendements, qui ont tous été refusés.
Le parti de droite a notamment fait front contre l’assistance juridique gratuite. De cette façon, «les requérants d’asile bénéficient ainsi de plus droits que les Suisses au sein du système juridique helvétique, ce qui est inacceptable», a déclaré le député de l’UDC Heinz Brand, qui a aussi critiqué le droit accordé à la Confédération d’instituer des centres d’accueil sans l’accord des cantons et des communes. En juillet, la direction de l’UDC avait même invité les sections cantonales et communales du parti à «faire opposition à l’ouverture de nouveaux centres».
«Cette réorganisation du domaine de l’asile ne résout aucun des problèmes actuels et futurs, pas même un seul!», a tonitrué son collègue de parti Hans Fehr. A ses yeux, la réforme aura en revanche un effet contreproductif, en rendant la Suisse encore plus attractive pour les requérants d’asile. «Avec cette réforme, le message que nous envoyons à l’étranger et qui arrive jusqu’aux pays concernés comme l’Erythrée, est en substance celui-ci: venez tous en Suisse, nous créons 6000 nouvelles places d’accueil, et chacun de vous a droit, gratuitement, à un avocat. Si vous venez, vous pourrez rester longtemps ou pour toujours, et nous nous occuperons de vous».
Des critiques rejetées par Simonetta Sommaruga, car pour elle, ce ne sont pas les lois qui poussent des millions de personnes à fuir des régions en crise et à chercher refuge dans l’un ou l’autre pays. «En Hongrie, au cours de la première moitié de cette année, le nombre des demandes d’asile n’a pas augmenté de 16% comme en Suisse, mais de 1100%. Je ne crois pas que cela soit dû au fait que la Hongrie soit devenue plus attractive pour les requérants d’asile».
Des propositions inhumaines
Les deux Chambres du Parlement ont en outre toutes deux nettement rejeté la motion présentée en juin par l’UDC, qui demandait de suspendre l’application de la Loi sur l’asile pour un an, en bloquant toutes les procédures d’examen des demandes, la reconnaissance du statut de réfugié, la concession de visas humanitaires et le regroupement familial. Le parti de droite, qui parle depuis des mois d’un «chaos de l’asile», proposait même de faire appliquer ces dispositions avec l’intervention de l’armée aux frontières. Des propositions jugées indignes et inhumaines par de nombreux représentants des autres partis, pour lesquels l’UDC est à nouveau en train d’alimenter la haine et la peur à des fins électorales.
«Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais autant de personnes n’avaient fui leur pays. Exiger un moratoire sur l’asile dans une telle situation est cynique», a déclaré Tiana Angelina Moser, députée des Verts libéraux. «Ces personnes, ces familles fuient la guerre et la terreur, se noient dans la Méditerranée, et vous, vous voulez ériger des clôtures autour de la Suisse! Autour d’une Suisse qui a le taux le plus bas de demandes d’asile des 15 dernières années en Europe? Au cours des huit premiers mois de l’année, 20’000 réfugiés sont arrivés en Suisse, autant qu’à Munich le week-end dernier seulement».
«En Suisse il n’y a pas de chaos, personne ne dort amassé dans une gare, et les arrivées de migrants sont nettement inférieures que dans les pays voisins. Cessons d’inventer des problèmes seulement parce que nous sommes à cinq semaines des élections fédérales», a affirmé Marco Romano, député du Parti démocrate-chrétien, en qualifiant d’irresponsable la fermeture des frontières revendiquée par l’UDC. «Allez-y, construisez un mur, mais regardez ensuite en face tous ceux qui s’amasseront derrière».
Traduction de l’italien: Barbara Knopf
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