L’ambassade du Venezuela en Suisse à court d’argent
Les représentations diplomatiques du Venezuela à Berne et à Genève se sont soudainement retrouvées sans ressources pour leurs opérations courantes et pour verser le salaire de leurs employés. En cause: la décision des banques suisses de bloquer leur canal de paiement avec le pays sud-américain en raison du durcissement des sanctions américaines.
«Nous sommes dans une situation d’impuissance financière pour réaliser nos tâches diplomatiques», confie l’ambassadeur du Venezuela à Berne, César Méndez. Il explique que leurs comptes en banque chez Credit Suisse ont été fermés de manière abrupte et qu’ils n’ont plus aucun moyen de recevoir des fonds de Caracas.
«Nous sommes dans une situation d’impuissance financière pour réaliser nos tâches diplomatiques» César Méndez, ambassadeur du Venezuela à Berne
Contacté par swissinfo.ch, l’institut bancaire a refusé de s’exprimer. «Credit Suisse ne commente pas ses relations d’affaires potentielles», s’est limité à indiquer l’un de ses porte-paroles.
César Méndez s’est tourné vers d’autres banques, dont PostFinance, qui appartient à l’État, mais toutes ont refusé de lui ouvrir un compte. «Nous nous sommes réunis avec les autorités suisses. Certaines personnes se sont montrées surprises voire même peinées, mais elles nous ont indiqué qu’elles ne pouvaient pas intervenir s’agissant d’une relation privée entre une banque et ses clients», raconte l’ambassadeur.
Droit international
Toutefois, comme le stipule l’article 25 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiquesLien externe, «l’Etat accréditaire accorde toutes facilités pour l’accomplissement des fonctions de la mission».
Cette disposition a été évoquée par le député Fabian Molina devant le Ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, lors de la séance du 16 septembre dernier de la Chambre basse du Parlement suisse (Conseil national). Le député socialiste a également signalé qu’en raison des lois étrangères, les représentations diplomatiques ne peuvent souvent pas réaliser de transactions financières via les banques suisses, ce qui les empêche de faire correctement leur travail. «Qu’entreprend le Conseil fédéral (gouvernement) pour remédier à ce problème? Les bases légales actuelles sont-elles suffisantes?», a demandéLien externe Fabian Molina.
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Dans sa réponseLien externe, Ignazio Cassis a précisé que la convention en question s’adressait aux États signataires et ne réglait pas les relations entre particuliers.
Droit privé
«La relation commerciale entre une banque et ses clients est de nature privée. Cela vaut également si une des parties contractantes est une représentation étrangère. En Suisse, la liberté contractuelle prévaut, et elle est régie par le Code des obligations», a-t-il ajouté.
Toutefois, Ignazio Cassis a assuré que «si nécessaire, le ministère des Affaires étrangères (DFAE) soutiendrait la représentation concernée dans des cas concrets en cherchant des solutions pour qu’elle puisse mener à bien ses activités officielles conformément à la Convention de Vienne».
De fait, comme le souligne l’ambassadeur vénézuélien à swissinfo.ch, les gouvernements des deux pays sont en pourparlers pour tenter de trouver une solution. En attendant, l’ambassade et les services consulaires vénézuéliens à Berne, de même que la représentation de l’Etat d’Amérique du Sud auprès de l’ONU à Genève, ne peuvent pas recevoir de fonds pour payer les salaires et les frais de leurs employés.
Mesures extraterritoriales
La fermeture des comptes bancaires des représentations diplomatiques vénézuéliennes en Suisse s’inscrit dans le cadre des sanctions à caractère extraterritorial imposées par les Etats-Unis et qui touchent également Cuba et d’autres pays.
«Les banques suisses craignent les amendes que les Etats-Unis pourraient leur infliger. Elles se montrent plus strictes dans l’application des sanctions que les banques des autres pays européens», souligne César Méndez.
Le 28 mars 2018, à la suite des sanctions imposées par l’Union européenne au Venezuela, la Suisse a appliqué des mesures coercitives à l’encontre de ce pays.
Les Etats-Unis et la Suisse ont signé un accord pour que Berne représente les intérêts de Washington au Venezuela. Ce mandat requiert l’accord de Caracas, qui ne s’est pas encore prononcé.
(Traduit de l’espagnol par Marie Vuilleumier et Samuel Jaberg)
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