Baptême princier pour un pavillon thaïlandais
Lausanne a inauguré mardi le pavillon offert à la ville par le roi Bhumibol de Thaïlande. Venue de Bangkok, la princesse Sirindhorn a coupé le ruban du monument offert par le souverain pour remercier «la ville de ses jeunes années».
«Les vieux Lausannois s’en souviennent encore. Dans les années 30 et 40, ils pouvaient croiser le futur roi de Thaïlande se promenant en famille en ville et fréquenter plus tard les bancs de l’Université à la Cité. Ce pavillon royal est un retour aux sources.»
Mardi sur le coup de 10 heures 30, le syndic (maire) de Lausanne Daniel Brélaz a coupé le ruban garni de fleurs de jasmin en royale compagnie, celle de la princesse Sirindhorn, venue tout exprès de Bangkok.
Le règne de l’indiscipline
La cérémonie s’est déroulée sur fond de danses traditionnelles, avec la présence d’une large diaspora thaïlandaise et sans mesures de sécurité apparentes: «Dans mon pays, ce serait impensable d’approcher la famille royale de si près!», commentait une Thaïlandaise venue apporter un cadeau à «sa» princesse.
Sans manquer de la photographier au moyen de son téléphone portable sous le nez d’un bataillon de photographes et cameramen, y compris la TV officielle thaïe. Il faut dire que les clichés ont parfois la vie dure.
Lorsque la princesse inaugure une école ou un monument dans son royaume, une tâche qu’elle pratique tout au long de l’année armée d’un petit appareil de photo et d’un carnet de notes, la discipline règne dans son sillage. Au parc du Denantou dominant les quais d’Ouchy, au bord du Léman, c’était le règne de l’indiscipline bonhomme où ne pointait pas l’ombre d’une casquette policière.
«Lausanne, une ville importante»
Vêtue d’un classique tailleur gris, la deuxième fille du roi de Thaïlande – le plus ancien souverain en exercice du monde âgé aujourd’hui de 81 ans – y est allé aussi de son discours, prononcé en thaï, bien qu’elle parle couramment le français, une langue largement pratiquée dans la famille royale.
«Lausanne est une ville importante dans l’histoire des relations entre la Thaïlande et la Suisse, car c’est ici que nos deux rois, Rama VIII et Rama IX, la princesse-mère et la princesse Galayani Vadhana (réd: la soeur aînée du roi) ont séjourné pendant 18 ans. Pour cette raison, le peuple thaïlandais connaît la ville de Lausanne et ressent à son égard estime et cordialité.»
27 tonnes de bois
Construit en 2006 pour commémorer le 60e anniversaire de l’accession au trône du roi Bhumibol et le 75e anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la Thaïlande, le pavillon mesure 6 m de large pour 6 m de long et sa flèche atteint 16 m de hauteur. Il est l’oeuvre d’un atelier d’artistes de Bangkok et pèse 27 tonnes.
Constitué de teck et autres bois durs, il est recouvert de feuilles d’or et de sculptures traditionnelles. C’est une équipe de treize artisans venus de Bangkok qui a assemblé ces différents éléments, l’été 2007. Il est éclairé la nuit et surveillé en permanence par des webcams.
«La construction d’un pavillon comme celui-ci est une tradition ancienne de notre culture, a encore précisé la princesse. Elle montre notre bienveillance et notre générosité aux hôtes de passage qui peuvent ainsi se reposer à l’ombre de son toit».
Des rois éduqués à Lausanne
Petit rappel historique: devenue veuve très jeune, la princesse Mahidol, la mère du roi, a choisi la Suisse en 1933 pour l’éduction de ses enfants: une fille, Galyani, âgée de 10 ans, et deux fils, Ananda, 8 ans et Bhumibol, 6 ans. Deux garçons qui deviendront rois sous les noms de Rama VIII et Rama IX.
Le premier pour une trop courte période. Il décèdera tragiquement en 1946, assassiné à son palais de Bangkok, avant son couronnement officiel, alors qu’il fréquentait encore la Faculté de droit de Lausanne.
Le second, Bhumibol de deux ans son cadet, montera sur le trône en 1950 et il règne encore sur un royaume de 65 millions de sujets, un pays qu’il n’a plus quitté depuis les années 60.
«Un élève comme les autres»
A Lausanne, la famille royale a vécu dans un simple immeuble locatif, avant d’occuper une villa de deux étages dans la proche banlieue, à Pully. Plus tard, alors que le roi Bhumibol vivait en son palais de Bangkok, sa mère et sa sœur aînée, la princesse Galyani décédée l’an dernier, occupèrent deux étages d’un immeuble à Pully, jusque dans les années 90.
Après la partie officielle, la princesse a conversé avec des anciens de l’Ecole Nouvelle de Chailly, que les deux futurs souverains ont également fréquentée: «Le futur roi était un élève comme les autres, mais il arrivait à bord d’une belle voiture, souvent accompagné de son précepteur Cléon Séraïdaris», se rappellent Jean-Robert Daeppen et Charles Bühler, respectivement ancien élève et ex-directeur de l’internat.
C’est à l’arrière d’une autre belle voiture que la princesse est repartie deux heures plus tard, emportant avec elle les nombreux cadeaux reçus de ses sujets vivant en Suisse. Y compris des billets de banques destinés à ses fondations caritatives et remis sur une coupe d’offrande, comme le veut la coutume thaïe.
swissinfo, Olivier Grivat à Lausanne
Troisième héritière. La princesse Maha Chakri Sirindhorn, née le 2 avril 1955, est le troisième enfant du couple royal formé par le roi Bhumibol et la reine Sirikit, qui ont eu deux autres filles et un fils.
Formation. Elle possède une formation en sciences historiques et a obtenu un doctorat en études développementales. Elle a aussi effectué des études supérieures en France. Elle est également professeur invitée à l’Ecole militaire.
Une amie de la Suisse. Francophile, la princesse a effectué déjà de nombreux passages en Suisse, y compris une visite officielle à Berne, invitée en 1988 par le président de la Confédération Flavio Cotti.
Fondation suisse. Elle «parraine» aussi une fondation suisse créée suite à la catastrophe du tsunami de décembre 2004 par la mère de Jan et Oscar Astrand, deux petits Vaudois qui ont perdu la vie à Khao Lak.
En février 2009, en compagnie de Laurence Pian, la mère des deux petites victimes, elle a inauguré une école construite par la fondation suisse dans la Province de Chiang Rai, au nord de la Thaïlande.
Une femme de coeur. La princesse Sirindhorn est réputée comme une femme de coeur qui veille au bien-être de ses sujets.
Région pauvre. Le bâtiment scolaire construit dans la province de Chiang Rai est situé au coeur d’une région très pauvre où les minorités ethniques provenant de Birmanie et du Laos sont souvent en situation irrégulière et ne bénéficient guère de la manne touristique.
La princesse elle-même a initié une méthode d’apprentissage favorisant l’autonomie des élèves.
Royaume de Thaïlande
Capitale: Bangkok
Population: 66,4 millions
Régime: monarchie constitutionnelle
Chef de l’Etat: roi Bhumibol Adulyadej
Chef du gouvernement: Samak Sundaravej
Relations bilatérales
5445 Suisses ou double-nationaux vivaient en Thaïlande à fin mars 2008.
150’000 touristes suisses se rendent en Thaïlande chaque année.
1897: première visite d’un monarque thaïlandais en Suisse.
1931: signature d’un traité bilatéral d’amitié et de commerce.
Roi Bhumibol Adulyadej
5.12.1927: naissance
1933-1950: études à Lausanne
1946: accession au trône
1964: dernier séjour en Suisse
2006: 60ème anniversaire de son règne
2007: 80ème anniversaire
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